Asie, fatale attraction ? Plus que jamais depuis que j’ai voyagé en Malaisie, au Myanmar, en Thaïlande, au Laos, au Cambodge et plusieurs fois au Japon . Envie folle cette fois de sentir les vibrations du Vietnam en écartant les clichés, les sempiternelles recommandations, les inévitables témoignages, les louanges trop flatteuses ou les critiques acerbes.
Voyager au Vietnam en solo ne relève pas de l’exploit mais demande un instant de réflexion. Le pays s’étend sur 1800 km entre mousson et saison sèche , une petite barrière de la langue, des moyens de transports aussi multiples qu’exotiques. Alors pour la première fois depuis dix ans, j’ai ici décidé de la jouer facile et confortable, sans randonner et sans pour autant tomber dans un voyage en groupe organisé. La réalité du terrain ne m’a pas fait regretter le choix d’être passer par Far East Tour, une agence vietnamienne efficace qui m’a concocté un trip de 17 jours sur mesure avec un maximum de liberté. Car en matière de tourisme, le Vietnam excelle depuis l’ouverture du pays dans les années 90. Les agences, les guides polyglottes sont désormais omniprésents sur les réseaux sociaux et font preuve d’une forte réactivité face à la demande croissante. Les programmes de visite du Vietnam passent par un certain formatage d’étapes du nord au sud avec des incontournables dont Hanoï, les plateaux de Sapa, Ninh Binh, la baie d’Ha Long , Hué , Ho Chi Minh Ville et le delta du Mékong. La plupart des agences propose un saut dans le Cambodge voisin. Le visa s’obtient sur place pour une vingtaine d’euros et deux photos d’identité. Découvrir un pays comme le Vietnam aussi étendu impose un rythme soutenu dans l’itinérance et une bonne organisation. Toute l’expertise des agences locales repose sur la gestion parfaite des réservations d’hôtels, des billets de train ou d’avion, de certains restaurants et des voitures de transfert avec chauffeur . Les voyageurs plus autonomes, les vrais routards, improvisent en bus, en moto, chez l’habitant, et passent par des « booking offices », de petits Tour operators locaux ayant pignon sur rue afin d’organiser leur périple en réalisant quelques économies. Sur une période de deux à trois semaines, la différence de prix reste minime et une programme bien ficelé par des pros en amont offre une réelle détente en solo dans un tel pays.
Vibrations urbaines au cœur d’ Hanoï
Juste un mois avant mon départ le Vietnam du nord a été victime d’un des pires ouragans. On dénombra près de 300 morts et disparus , ainsi que 100.000 ha de rizières dévastées. Ce bilan ne m’a pas incité à me rendre dans la région montagneuse de Sapa encore meurtrie par les glissements de terrain et les coupures de routes. Je remis donc cette destination à plus tard et commençais mon périple à Hanoï. Guide du Routard en poche, applications smartphone chargées, mes deux premières priorités furent de changer de l’argent et acheter une carte SIM locale chez Viettel (5Go/jour – 20 euros). Même si le Wifi est très répandu, cette connexion 4G est importante pour s’orienter sur l’incontournable Google Map et commander des taxis-motos sur Grab ou Be , les plus pratiques au Vietnam.
Hanoï est un choc, une rupture avec nos métropoles. Des milliers de scooters et autres pétrolettes sillonnent la ville et la traversée des rues requiert prudence et audace. La vie déborde des logements exigus et se prolonge sur les trottoirs. On y mange dans de petites gargotes sur un tabouret de plastique et une foule de commerces en tous genres s’y activent plus ou moins officiellement. Cette activité marginale pourrait représenté 30% du PIB ! Je m’enfonce dans ces ruelles, les parfums d’épices alternent avec des odeurs d’huile ou de peinture des ateliers, je me perds, saoulé par l’animation, la fatigue des quinze heures de vols et le décalage horaire (+6 h). Ma première visite sera au mausolée d’Ho Chi Minh au nord est de l’ancien quartier colonial. Tout à fait par hasard, je tombe sur la fameuse Train Street. Les convois passent ici entre les immeubles ou plutôt à 50 cm de la kyrielle de bars et restaurants à touristes du parcours. Je me cale à une terrasse et assiste à cette scène hallucinante défiant toutes les lois de la sécurité ferroviaire. Le mausolée dédié à la gloire de oncle Ho est massif, sous haute protection et malheur à celui qui franchit les lignes gardées par des militaires en tenue blanche et au sifflet strident.
Le lendemain matin, je me rends au Musée Historique en contournant le joli Lac Hoan Kiem. Musique, valse, des femmes y prennent des cours de danse. Hanoï somnole encore, les pousse-pousse chargent les premiers touristes. Les vietnamiens déjeunent hors de chez eux, des vapeurs savoureuses de Pho y planent (prononcez « feu », rappel du pot-au-feu des colons français). Durant deux à trois jours, je vais marcher des kilomètres les yeux rivés sur les boutiques, sur les panneaux énigmatiques, sur les led clignotantes des dizaines de salons de Massages-Spa-nails. En fin de journée je remets mon destin entre les mains d’un pilote de Grab, des moments de vie intense, même pour le parigot habitué au scooter.
Ondes vibratoires de Tam Coc à Ha Long
Madame Thuin passe me prendre au Center Point Hotel, un bon établissement blotti dans une rue calme. Elle sera ma guide francophone pour cette escapade. La petite femme au regard pétillant est pourtant inquiète ce matin en quittant Hanoï. Notre voiture se fait arrêtée par un policier à une intersection sans raison apparente . Le flic demande au chauffeur de descendre, de le suivre. Ils partent près d’une demi heure quelque part. L’affaire s’est probablement soldée par un bon bakchich. Car la corruption mine hélas le pays me fait comprendre à mi- mots Thuin. Je constaterai tout au long de ce voyage que la population reste encore extrêmement prudente, sans tomber dans l’atmosphère paranoïaque de la Birmanie (Myanmar). Ma guide me conduit à Ninh Binh, l’ancienne capitale du Vietnam , puis à la rivière de Tam Coc qui fait partie des sites touristiques parmi les plus fréquentés.
Près de 800 barques assurent une rotation sur ce cours d’eau bucolique ou les pilotes présentent la particularité de ramer avec les jambes pendant deux bonnes heures. Mal payés, ils s’en sortent grâce aux pourboires. Je m’installe dans l’embarcation, le décor somptueux défile sous les coups de pagaies réguliers. Ce site se compose de hauts blocs de calcaire recouverts de végétation, un aspect de cette région qui lui vaut le nom de Baie d’Ha Long Terrestre. Je loge le soir dans la belle auberge Chez Hiep à deux pas du centre ville. Elle est tenue par une famille et chose rare, plusieurs membres y parlent le français. Lavage de mes fringues pour une poignée de Dongs, bon, elles sécheront plus tard !
L’exploration du nord Vietnam proposée avec mon agence ne pouvait éviter cette fameuse Baie Ha Long (« Le dragon qui plonge dans la mer »), l’un des joyaux de ce pays. Le nec plus ultra consiste à passer une nuit sur une « jonque ». Des dizaines de mini bus déversent les futurs passagers. Le port d’embarquement est une véritable ruche ou se croisent les groupes menés par un animateur armé d’un stick télescopique orné d’un fanion . Pas question de se tromper de bateau ! Je suis bien au cœur de l’hyper tourisme. Le mien s’appelle Swan, une navette m’y conduit et je m’installe au pont supérieur dans une des dix huit cabines. Mes rêves d’aventure tombent à l’eau, cette mini croisière s’enfonce seulement de quelques miles dans cet univers « amazing » parsemé de 1842 îlots . Le temps est doux, la mer calme et le Swan glisse lentement dans les chenaux balisés. Comme sur tous les navires, l’après-midi est consacré à une sortie en kayak. Cette escapade commence obligatoirement par un passage au bureau de la baie pour obtenir une autorisation en règle auprès de l’agent du gouvernement qui vit plusieurs mois dans ce bureau flottant. Baignades, kayak, pêche, le fonctionnaire surveille tout. La balade dure une bonne heure et se ponctue pas une baignade. Cours de Tai Chi et cuisine sur le pont supérieur complètent ce programme type. D’autres croisières similaires partent aussi de Cat Ba.
Des transports à grandes vibrations.
Afin de rejoindre Hué au centre du pays, on est obligé de repartir à Hanoï pour prendre le train . Mon trajet se déroule en minibus, en compagnie de quelques ex-croisiéristes, sur des portions de nationales et d’autoroutes. Les occidentaux doivent ici s’habituer à la lenteur de la circulation routière aux pratiques surprenantes. Au Vietnam, (volant aussi à gauche), les camions et véhicules lents circulent sur la file de gauche de la chaussée. La voie centrale est donc réservée aux dépassements, donc dans l’angle mort ! La file de droite est réservée aux deux roues. Un concert de klaxon général rythme les manœuvres, sans agression, juste pour avertissement. De nombreux radars, des contraventions aux tarifs exorbitants dissuadent les fonceurs. Nous croisons des vans funéraires sur ce trajet. Les familles modestes sont souvent avec le cercueil à bord pour accompagner le défunt jusqu’à sa sépulture. Les passagers jettent de temps à autres des faux billets par une fenêtre pour éloigner les mauvais esprits de la route
Certains d’entre nous sont hébergés pour la nuit à l’hôtel Mango d’Hanoï derrière la gare, le temps de prendre une douche, d’autres filent vers diverses destinations. Mon train pour Hué est 19h30. La climatisation et les chocs thermiques ont gagné, un bon rhume et la fièvre me crèvent. J’ai du temps de trouver des Kleenex et un sandwich dans le quartier pour le trajet. Les commerçants ne comprennent aucun des deux mots et moi aussi je rame. C’était pourtant facile de demander un Banh Mi, un terme qui désigne en général toutes formes de casse-croûte. On choisit juste sa composition dans un pain-baguette, dont un délicieux pâté de porc agrémenté de concombre.
Je vais passer une des pires nuits de ce voyage dans ce TGV (Train à très Grandes Vibrations) . Le compartiment comporte quatre couchettes dites « molles » (il en existe des durs pour les autochtones au petit budget) et la température est toujours aussi polaire. Une touriste française en short, frigorifiée va hurler pendant dix minutes dans le couloir avant de récupérer une couverture ! Un sac repas contenant quelques snacks et une bière a été déposé sur chaque couchette. J’arrive à la gare de Hué exténué, en sueur, cassé par la fièvre. Mon sac à dos pèse deux tonnes, la chaleur est moite, une armée de chauffeurs attend leur passager avec des panneaux nominatifs . Pas de trace du mien. Il arrivera quelques minutes et me conduira à la Maison Vu Tri Vien dans une petite ruelle à deux pas de la forteresse. L’hôtesse est charmante et parle français, son beau-père l’enseigna jadis. La famille vie avec ses deux enfants et le grand-père frappé d’Alzheimer. Elle travaille au port dans une compagnie de transport, son mari est fonctionnaire à la mairie pour la promotion de la ville. La cadette suit des cours d’anglais privé le dimanche. Tout va bien pour cette gamine. Le sort des filles s’améliorent au fil des décennies au Vietnam, même si les avortements sélectifs font encore usage. La population dépasse les 100 millions, elle a doublé depuis 1975 ! La vaste maison coloniale est confortable et claire.
Dopé au Doliprane, poussé par la curiosité, j’emprunte un vélo et pars en repérage à Hué. Après la frénésie d’Hanoï , je savoure un calme divin, réparateur. Je roule serein le long des canaux, sur les trottoirs . Je reviens dans le quartier ancien le lendemain, cette fois à pied. Les conducteurs de pousse-pousse me racolent sans trop d’insistance , je cède à une marchande de mangue après un marchandage courtois . j’ai décidé de visiter la Cité Impériale assez tôt pour échapper à la chaleur croissante et aux premières vagues de touristes . Le plan du site est bien fait et les itinéraires balisés me conduisent durant trois heures de pavillon en pavillon, de jardin en jardin .
La vie des locataires, les empereurs successifs, devait être douce dans cet univers protégé à l’abri des regards. J’imagine les concubines élégantes à ombrelle, leurs promenades dans ces allées tirées à quatre épingles, les réceptions des notables des colonies occidentales. Combien de nations ont elles convoité ce pays ? Les Chinois y restèrent mille ans avant de céder la place aux Japonais, aux Espagnols, aux Français . Cochinchine, Tonkin, Mékong, Yan Tsé, ces noms résonnent encore dans ma mémoire et font ressurgir une filmographie exotique, savoureuse. Galerie de photos en noir et blanc, le destin de ces empereurs défile sur les murs des couloirs de la citadelle ouverts aux quatre vents. On y voit les hauts fonctionnaires de colonies reçus en grande pompes qui côtoient les mandarins, ces hommes brillants et cultivés au service des monarques. Enfin, jusqu’à leur décadence inéluctable dans de vaines luttes de pouvoir. La république frappait aux portes du palais et il fallut céder la place. Pour mémoire, la réalité du pouvoir fut disputée entre deux familles, les Trịnh et les Nguyễn, chacune prétendant régner au nom des Lê, la première dans la seigneurie du Nord (Đàng Ngoài, Bắc Hà ou Tonkin selon les sources), la seconde dans celle du Sud (Đàng Trong, Nam Hà ou Cochinchine). Le préfixe Nguyen est aujourd’hui aussi répandu que les Dupont ou Durand !
Lever de bonne heure, mon chauffeur du jour m’attend pour aller à Hoi An. Il s’appelle Qo, parle peu l’anglais mais se révèle un conducteur hors pair dans des conditions météo épouvantables. C’est la mousson dans toute sa puissance. La pluie ne nous laissera aucune trêve durant les quatre heures de route. Les camions projettent des vagues de flotte, la visibilité est nulle et la voiture traverse des marres en prenant garde aux courageux deux roues . Qo me laissera à Da Nang afin que je visite le Musée Cham. La ville ultra moderne ne manque pas de charme, un pont suspendu par un dragon géant traverse le fleuve. Difficile d’imaginer qu’elle fut au cœur de la guerre il y a un demi-siècle. Les trésors de la civilisation Cham (IVe siècle), aujourd’hui disparue, furent révélés par des archéologues français. Des marins et des marchands indonésiens s’y étaient en effet installés et sont à l’origine du peuplement du Vietnam. Cette civilisation n’a pas encore livré tous ses secrets mais l’héritage artistique dévoilé est magnifique. Un métissage s’est fait au fil des siècles, désormais le pays compte 54 ethnies, avec des us et des langages propres. Je vous laisse le soin de vous documenter ! Notre itinéraire jusqu’à Hoi An, destination de ce jour, passe par la route splendide du Col des Nuages. Mille fois hélas, un brouillard tenace m’a privé du paysage grandiose.
Vibrations estivales
La ville d’Hoi An se présente comme une très jolie station balnéaire et son quartier historique possède un charme réel avec une zone très touristique où il fait bon flâner et faire du shopping. Les magasins de souvenirs , de nombreux restaurants et les boutiques de fringues s’y concentrent. Hoi An est traversée par une rivière où de petites embarcations d’une vingtaine de place attendent les badauds. A la nuit tombée, le quartier se pare de centaines de lanternes et des dizaines de petites roulottes proposent la gourmandise locale : les crêpes !! Il n’est pas rare que cette rivière déborde sur les rues voisines lors de la mousson. Je loge au Golden Holiday Hotel, un bel établissement situé à mi chemin entre le quartier historique et la très belle plage de An Anh distante de 5 km.
Dès mon installation, les averses reprennent, je reste à proximité pour déjeuner. Repos, détente, je reprends du poil de la bête et affiche une bonne forme le lendemain matin . Comme tous les hôtels, le mien met à disposition des vélos pour se balader et aller à la plage . La plage d’An Anh s’étale sur plusieurs kilomètres. Des dizaines de bars et restaurants bordent sur trois rues parallèles cette bande de sable fin dans un décor de rêve composé de cocotiers, bougainvilliers, bananiers etc.. Il est tôt, je confie ma monture au parking à vélos et pars à la recherche du bar Soul kitchen tenu pas la fille d’un ami à Paris. Des concerts y sont organisés chaque soir en saison. Fruits pressés, collation, vient l’heure du farniente pour cette journée exceptionnellement ensoleillée pendant la mousson. Sur le sable, les petites plagistes agitent les bras comme des sémaphores pour bloquer les clients au pied de leur bar sur leur transats car la concurrence est rude sous les tropiques ! Matelas, parasol, service sur place de boissons fraîches et menus à la carte , une journée comme celle-ci vous coûtera une dizaine d’euros tout compris ! Je vais rester presque trois jours à Hoi An, le temps de la parcourir dans tous les sens mais aussi l’occasion vivre une rencontre inattendue dans un petit restaurant d’une rue adjacente choisi au pif.
La patronne se marre en regardant me débattre avec les ingrédients des rouleaux de printemps. Le massacre terminé, elle m’invite à une table voisine rencontrer sa famille et amis qui sirotent une bière avec des nems. Les canettes défilent, on se raconte nos vies en anglais mêlé de quelques mots de Français . Son mari tient un salon de coiffure en ville, le propriétaire de l’établissement est aussi architecte d’intérieur. Les affaires marchent bien, même si le COVID a fait aussi ici énormément de dégâts économiques. Les enfants nous rejoignent et la bière coulera ainsi jusqu’à la fermeture dans une ambiance chaleureuse. Les Vietnamiens sont spontanés, curieux, ils suffit d’aller vers eux et engager spontanément la conversation. Je l’ai fait tout au long de ce voyage et appris tant de choses sur ce pays. Dix jours déjà que je suis parti. La carcasse geint, maltraitée par les transports, la fatigue. Un massage me fera le plus grand bien avant de partir pour Saïgon le lendemain. Je rentre chez Ruby, un minuscule salon, pour une heure de soin de la tête au pied. Propre, efficace, 8 euros !
Saïgon, vibrations d’Hanoï puissance dix !
L’avion de Vietnam Airlines venant de Da Nang se pose à 16h30, pile à l’heure de pointe dans Saïgon. Autrement dit la circulation atteint son paroxisme d’embouteillage de deux roues et plus aucune règle de priorité n’est réellement respectée, sur certains trottoirs y compris ! Faudra que je redouble de prudence notamment dans les petites rues. Seuls les intersections aux des grandes artères équipées de feux gardent une certaine discipline.
Le chauffeur me dépose au cœur de la ville à l’entrée d’une ruelle trop étroite pour y pénétrer en voiture. Les hôtes de Chez Mimosa Petite m’y attendent et me conduise dans leur charmant hôtel. Très vite je sympathise avec Linn, la manager, une jeune femme joviale qui mettra tout en œuvre pour m’offrir le meilleur des séjours. La chambre est superbe et comble du bonheur, on prend le petit déjeuner sur la terrasse au 6 étage ! Le personnel est d’une incroyable gentillesse, je m’y sens comme chez moi , tout comme la clientèle à majorité française cette semaine là. Je devrais cependant quitter ce petit paradis pour improviser deux nuits hors programme en face, au Gemini Center , nettement moins accueillant.
Le point d’orgue de mon séjour à Saïgon reste la visite du Musée des Vestiges de la Guerre. Pas notre « Indo »,ponctuée par la débâcle de Dien Bien Phu, mais la guerre américaine qui dura jusqu’en 1975 et tourna au fiasco du sud après les accords de Paris avec la prise de Saïgon par les communistes. Les livres d’histoire en parle mieux que moi. Dans le domaine de l’horreur, la concurrence est rude. Le Musée des Vestiges de la Guerre de Saïgon ne fait pas dans la demi-mesure , âmes sensibles s’abstenir car rien n’est épargné aux visiteurs pour illustrer les exactions américaines : photos de tortures et de pilonnages au napalm, cages en barbelés et geôles immondes, épandages illustrés des effets de l’agent orange sur trois générations affligés de déformations , etc…
Température intérieure proche des 35 °c, ventilateurs poussifs, distribution de lingettes fraîches, après avoir évacuer le cauchemar, je mesure l’ampleur de l’arsenal américain dans les vitrines dont tous les types de bombes imaginables de ce qui fut une véritable « machine de guerre ». Fin de parcours, je sors respirer à l’air libre où sont exposées les grosses prises comme deux avions de combat , des chars et un hélicoptère CH47 Chinook de chez Boeing Vertol en parfait état.
Vibrations molles des marchés dans le delta du Mékong
Mon guide du jour s’appelle .. disons Tanh, un pseudo dont je vous reparlerai plus loin. Can Tho est situé à 164 km de Saïgon Après une balade en barque sur un bras ombragé du Mékong, Tanh nous conduit jusqu’à l’embarcadère où sont amarrés les petits bateaux d’une trentaine de places. L’endroit n’est pas très reluisant. Distribution des gilets de sauvetage, direction le marché flottant. En toute franchise, cette étape hyper touristique ne présente aucun intérêt. Il s’agit d’un marché de gros, les marchandises sont stockées en cale pour les préserver. On est très loin du spectacle coloré de ceux de Thaïlande. Il existe presque d’avantage de bateaux de touristes que de marchands.


Des bateaux-bar les invitent à boire un coup à bord et des barques les accostent pour une dégustation de soupe… douteuse m’avoue Tanh. Pourquoi ce pseudo Tanh ? Mon guide âgé de 78 ans, capitaine dans l’armée, a subit la chute de Saïgon en 1973, il a purgé une année dans un camp de rééducation communiste, il a tenté une évasion par la mer (boat people) organisée par « un privé » , il a échoué faute à une panne de moteur . Il est retourné dans un camp, etc.. Dans le climat politique actuel, cinquante ans plus tard, le récit de son histoire est encore aujourd’hui trop risqué pour être révéler sous son vrai nom.
Je retourne à Saïgon plutôt déçu mais ravi de prendre un peu de repos Chez Mimosa Petite. La prestation de mon agence Far East Tour s’arrête là et je vais improviser un programme perso de trois jours. Je consacre le premier à une visite du marché de Binh Tay dans le quartier chinois de Cholon , situé à 6 km au sud-est du centre ville. Le trajet ne mérite pas de m’y rendre à pied et je fais appel au service de Grab. (L’App marche très bien et évite des marchandages de prix aventureux). J’y rencontre cette fois peu de touristes, le lieu est fréquenté par les locaux venant faire le plein de produits alimentaires . Le bâtiment ne manque pas de charme. Un hôtel bouddhiste siège dans le patio central et de beaux escaliers desservent l’étage supérieur. La température dépasse les 30 °C à 10 heures du mat, ce jour là. Je décide de revenir à pied vers le centre et me perdre pour le plaisir dans les rues de Cholon.
Vibrations spirituelles multiples
Cette errance me permet de visiter le très beau temple Tam Son Hoi. La chaleur est accablante, l’odeur d’encens, la fraîcheur et le calme du site sont reposant avant de reprendre ma balade. Je tombe encore par hasard sur un site surprenant : l’Eglise Cha Tam. Le Vietnam compte environ 25 millions de catholiques et il existe de très nombreux églises dans tout le pays. Celle-ci est ravissante avec ses façades colorées, son kiosque fleuri abritant une vierge Marie, un mur de bas reliefs en bronze qui évoque les martyrs chrétiens et des inscriptions en chinois parfaitement anachroniques ici.
Décidément que cette ville est immense, bruyante et trop suffocante pour la parcourir toute une journée à pied. Le soleil est au zénith, je reprends une moto- taxi Grab pour rejoindre le District 1 (Saïgon en compte 24) et visiter une autre perle post-coloniale : la Poste Centrale. Le lieu n’en a plus que le nom, même si quelques guichets restent ouverts aux opérations postales. Ce magnifique bâtiment est lui aussi devenu une attraction touristique chargée. Les couloirs latéraux et les salles attenantes sont désormais entièrement voués à la vente de souvenirs et à la joallerie. Les splendides cabines téléphoniques de bois précieux et l’immense plafond vouté au style très « Musée d’Orsay » sont des témoins magnifiques de cette époque raffinée.
L’heure du déjeuner approche et je pars à la recherche d’un petit restau dans ce quartier plutôt chic. J’emprunte une rue piétonne entièrement tournée vers la vente de livres. Beaucoup sont exposés sur des rayons au centre de la chaussée, il en existe en plusieurs langues. Une sorte de rayon Fnac à ciel ouvert . Mon regard se pose sur la table de deux femmes assises à un street food sous un parasol. Ce sont des touristes néo zélandaises arrivées hier. Elle déguste des nouilles ou des pho, je leur soumets une enquête de satisfaction. Elles sont ravies. Tout semble exquis, que choisir ? Une jolie vietnamienne me vient en aide et m’invite à s’assoir à sa table. Elle travaille dans une banque voisine et parle quelques mots de Français. Restauration conviviale sur le trottoir , échange d’informations, comparaison entre les meilleurs vols vers Hué ou un voyage en train.. La magie des rencontres sponstanées opére facilement au Vietnam pour le voyageur en solo.
De retour à l’hôtel Gemini Saigon Center, je peaufine ma virée du lendemain vers la ville de Tay Ninh à 100 km au nord ouest de Saïgon. J’opte pour le programme proposé par Get a Ride dont la notoriété et le sérieux lui valent un réel succès actuellement. (budget 90 €). L’App est ergonomique, très facile d’utilisation, le paiement est sécurisé. Je valide en quelques clics une programme copieux .. et matinal. Le minibus de Viet Travel passe me chercher à 7h00 et fais la tournée des quartiers voisins pour prendre quatorze autres passagers à leur hôtel. Après plusieurs heures de route,nous entrons dans un endroit hallicinant.

La cathédrale Caodaïste émerge dans un immense parc aux vastes allées. Il est le saint- siège de cette religion fourre-tout qui compte 5 millions de fidèles : un peu de bouddhisme, un zest de confusianisme, une pincée de catholicisme, Victor Hugo élevé au rang de Saint ! Le tout dans un décor ultra kitsch unique. Cette visite au pas de course m’a laissé sur ma faim. Le revers des excursions en groupe. Au sujet de faim, notre guide, à l’anglais tout juste compréhensible, nous a réservé des tables pour le dejeuner dans les environs. C’est l’occasion de sympathiser avec la famille de Hong Kong, de la cuisiner avec des baguettes sur leurs soucis locaux sous la tutelle chinoise. Le minibus nous conduit ensuite dans un des hauts lieux de la résistance vietcong : les tunnels de Cu Chi. Ce site classé lui aussi au hit parade vietnamien de l’hyper tourisme propose aux visiteurs de s’immerger dans l’ambiance souterraine de la guerre américaine, le tout dans décor très « Disney Land, option jungle .
Mannequins articulés, pièges à GI, reconstitution des lieux de vies, des ateliers, la visite se termine par un trajet de dix minutes quelques mètres sous terre. Mon mètre quatre-vingt passe assez mal dans les tunnels et m’oblige à ramper presque dans le noir. Cet expérience inconfortable et flippante ne me laissera un souvenir impérissable. Buvette, boutique à souvenirs , rien ne manque y compris un stand de tir à balles réelles au tarif de 60.000 dongs la balle (entre 2 et 3 euros ! ). Cette journée très chargée dans la région de Tay Ninh se termine par la découverte de Sun World Ba Na , un complexe touristico-religieux phénoménal ultra moderne , d’un très grand raffinement. Il faut prendre un téléphérique qui grimpe à 980 m pour se rendre au pied d’une immense statue et d’un boudhha géant. Des jardins magnifiques tapissent cette colline, le marbre est omniprésent. Ils sont composés de bonzaïs sublimes, d’une armée de bouddhas rieurs et de bassins étagés à débordement. La vue s’étend juqu’à la frontière Cambodgienne relativement proche.
Ultimes vibrations urbaines à Ho Chi Minh Ville
Retour dans la fourmillière de Saïgon, la température est montée de quelques degrés. C’est mon ultime journée au Vietnam et je pioche dans le guide du Routard afin d’y dénicher un site intéressant. La cathédrale Notre-Dame étant hélas en travaux, je me rabats sur le Palais de la Réunification. Vu de l’extérieur ce bâtiment plutôt moderne n’ a rien d’attrayant. L’architecture intérieure aux immenses salons et le mobilier de l’époque lui donnent une dimension solennelle. Ce palais présidentiel fait pourtant partie des hauts lieux historiques du Vietnam qui fut au cœur de la bataille qui marqua le chute de Saïgon en 1973.
Cette découverte du Vietnam en solo taillée sur mesure a été passionnante. Ce voyage me laisse sur une impression d’inachevé et plus encore avec la certitude que je devrais y revenir avec d’avantage de temps et d’improvisation en toute liberté . Car je connais maintenant son mode d’emploi !
Texte et photos : Richard Kirsch (Copy Right réservé)
Le Fines Arts Museum de Saïgon, un bijou
Je ne suis pas fan de musées, mais j’avoue que celui m’a conquis. Il possède une élégance rare et les œuvres anciennes et contemporaines exposées m’ont éclairé sur l’immense talent des artistes vietnamiens.































































































