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Le journalisme mène à tout, à condition d'en sortir . C'est fait ! La randonnée occupe désormais mon temps entre des missions caritatives sur Paris. Et ce blog n'a pas d'autre but que de vous faire partager cette passion ou peut être découvrir d' autres sentiers, en France ou mes expériences vers Compostelle . Bonne lecture et bonne route . Contact : richard.kirsch92@gmail.com

kif et double au Portugal : Rota Vicentina & Camino de la costa

Partir loin, repartir seul ou pas , se délester du superflu pour revenir à l’essentiel. Avancer au rythme de 4 km/h, le plus lent du terrien ! Remettre sous tension sa pile AAA (Anticipation, Autonomie, Adaptation). Dégager l’horizon, dépasser ses limites, ses préjugés, ses angoisses. Se réjouir des rencontres spontanées, de les rompre un matin sans culpabilité, savourer l’itinérance et revenir chaque fois plus riche, apaisé et encore ivre de liberté .

Après une très longue marche l’an passé sur la Via de la Plata entre Séville et Saint-Jacques de Compostelle, j’avais besoin de revenir vers plus de civilisation. Cela faisait bien une décennie que la Rota Vicentina promue au rang de «L’un des plus beaux parcours côtiers d’Europe» me faisait de l’œil. Je me documentais sur le parcours proposé, il s’agissait d’une belle balade d’une douzaine de jours avec des capacités d’hébergement suffisantes et aux prix « corrects ». Adjugé ! Toutefois ce programme plutôt court ne pouvait à lui seul apaiser mon appétit d’évasion alors j’entrepris de compléter le voyage dans la péninsule ibérique en enchaînant le Camino Portugais de la costa depuis Porto. C’est ainsi qu’en avril dernier je me suis retrouvé de Santiago de Cacem à Santiago de Compostella, dans deux pays, sans perdre de vue les vagues puissantes de l’Atlantique, de l’Algarve jusqu’en Galice, soit un total de 500 km. Retour sur ce double parcours littoral au caractère malgré tout très contrasté.

Les sentiers roi l’Algarve

La Rota Vicentina propose deux chemins principaux et 24 boucles de découvertes

Située au sud ouest du Portugal, la côte Alentéjane et Vicentine, constituent un espace les mieux protégés en Europe. Partie intégrante d’un parc naturel , cet univers sauvage long de 100 km couvre 90.000 ha, héberge une riche flore endémique et un grand nombre d’espèces d’oiseaux, dont des migrateurs. C’est aussi un maillage de petits villages, de ports de pêche calmes et accueillant. Le climat très méditerranéen de l’Algarve soumis aux influences atlantiques offre ici des conditions de randonnée parfaites de septembre à juin. On y accède par la route ou via les aéroports de Faro ou Lisbonne.

La Rota Vicentina se présente sous la forme d’un réseau de sentiers pédestres bien balisés composée de 24 parcours circulaires mais surtout de deux voies principales : le sentier des pêcheurs (the fishermen’s trail en bleu) long de 220km entre Sao Torpes et Lagos, 13 étapes de 11 à 23 km. (balisage bleu et vert), puis le sentier « historique » (en rouge) long de 265 km, 13 étapes de 12 à 24 km entre Santiago de Cacem et le cap de Sao Vicente. C’est le GR 11 balisé blanc et rouge. (Sentier européen E9). Ce réseau assez dense permet donc de tracer votre itinéraire selon vos goûts, vos capacités et ce du nord au sud ou inversement car ces chemins sont repérés dans les deux sens. Quel sens choisir ? En marchant du nord au sud, vous aurez le soleil de face en permanence. Dans le sens sud-nord, vous serez soumis parfois à un vent ouest, nord-ouest dominant

1ère partie :

la Rota Vicentina : sablonneuse, douloureuse et sublime

Afin de me mettre en jambe, je choisis de parcourir deux étapes sur le chemin historique en partant de Santiago de Cacem, située à deux heures de bus de la capitale. Je commandais très tôt un Uber pour rejoindre la gare routière de Lisbonne. Les travailleurs matinaux prenaient une bière ou un café dans la buvette sous une lumière blafarde dont certains regardaient d’un œil dubitatif le seul mec en short aux jambes blanchâtres avec un sac à dos en train de chercher le quai de départ. Le bus démarra à l’heure et fila vers le sud-est en traversant le fleuve Rio Tejo sous les premiers rayons du soleil. Je reconnus les visages de la ville endormie pour y avoir séjourné et dont j’étais parti en 2015 déjà sur le camino portugais central. L’autoroute déroula ses kilomètres d’asphalte dans la campagne vallonnée plantée d’eucalyptus et me déposa à Santiago de Cacem.

De Santiago de Cacem jusqu’à Cercal de Alentéjo, durant deux jours, le sentier serpente sur le chemin historique dans un décor de chênes-liège

Après un coup d’oeil sur l’App Mapy.Cz , je localisais mon point de départ en ville. Il ne me restait plus qu’à suivre attentivement le GR dont les méandres urbains restent souvent des mystères en terme de tracé. En m’éloignant du centre je retrouvais rapidement les chênes-liège, une végétation familière rencontrée sur la Via de la plata et dont le costard bicolore me fascine toujours. Je passais ma première nuit à Val de Ceco après une balade très rurale sur 18 km, puis la seconde à Cercal de Alentejo. Constat : le Portugal est touché de plein fouet par la sécheresse. Des massifs entiers d’arbres meurent sur pied et le niveau d’eau des lacs de réserve au plus bas donne toute la mesure du drame. Nous étions mi-avril et je ressentais déjà durant ces deux premières après-midi de marche la poussée de fièvre climatique imminente et précoce. J’allais devoir me lever tôt.

Porto Covo plongé dans la nuit et le silence. Veillée d’arme…
Une côte sauvage et préservée soumise aux caprices de l’Atlantique

Je quittais ces paysages meurtris pour rejoindre en diagonale Porto Covo, le joli petit port point de départ du « sentier des pêcheurs » de cette Rota Vicentina. J’y arrivais bien trop tôt, (comme d’habitude), la plupart des hébergements ne sont pas disponibles avant 14, 15 voire 16 heures. Je zonais donc en ville en cherchant un coin tranquille abrité du soleil, entre cafés et glaciers. Durant ce périple, ce fut d’ailleurs difficile de trouver de l’ombre, et plus encore sur la dune. Celle-ci allait dès le lendemain me dicter ses règles, des conditions auxquelles j’allais devoir m’adapter sur la plupart des étapes. Les forums abordaient régulièrement le sujet , je le redoutais un peu mais j’eus droit au baptême du sable durant 24 km, sur cette première étape du « Fishermen s trail » entre Porto Covo et Vila Nova de Milfontes.

Le sable, l’ennemi public n°1 de la Rota Vicentina, un sentier parfaitement balisé dans les deux sens
La douceur de vivre des villages sous un climat très méditerranéen

Contrairement au GR34, les hautes falaises de la Rota Vicentina me semblent plus sablonneuses ce qui rend la progression fastidieuse sur bien des tronçons. Les pieds jamais à plat, tordus par ce terrain mouvant, frottent dans les chaussettes et sont mis à rude épreuve car le sable pénètre irrémédiablement partout. Avec une charge de 10 kg, les bâtons de marche sont évidemment fortement conseillés (avec les embouts neige!) , les mini-guêtres en tissu léger limitent un peu l’invasion. J’ai découvert leur existence bien trop tard. On essaie en permanence de trouver des zones plus dures ou poser le pied. Certains, et c’est déplorable, s’éloignent du balisage pour marcher dans la végétation éminemment vulnérable au piétinement. Ce n’est certes pas la traversée du désert, mais autant le savoir, voilà le prix à payer pour s’en mettre plein les yeux sur cette côte sauvage et sublime.

La plage d’Arrifana, un spot de surf monstrueux et son ambiance « Endless Summer »

Et ce fut le cas. Chaque jour elle dévoile de nouveaux panoramas en alternant les immenses plages de sable blanc et les dédales rocheux balayés par la houle majestueuse de l’Atlantique qu’aucun obstacle n’a pu ralentir. Tantôt, le marcheur se met à survoler cet univers hostile où poussent d’improbables plantes et dont les fleurs multicolores illuminent le décor. Tantôt il subit les douleurs de la gravité lorsqu’il lui faut descendre et remonter de chaque crique.

Arides, verticales, rongées par l’érosion, les hautes falaises surplombent l’océan dans un équilibre précaire.

N’espérez pas trouver un bosquet pour improviser une sieste au frais dans cette végétation rase pour mieux résister au vent. Cette côte escarpée donne parfois le vertige lorsque le sentier se met à frôler le précipice. Alors on redouble de prudence, le corps bringuebalé par le sac à dos trop lourd et ce sol si instable. Coup de stress, le balisage disparaît soudain, le vent a balayé les traces, puis il réapparaît soudain. Sauvé ! Plus loin le sentier s’avère « mal pavé ». Le minéral en blocs a remplacé la poudre.

Les pastels de nata, petites, irrésistibles..dangereuses !
Plat typique de bacalahau servi en dose portugaise. Suicidaire !

Dans certains passages ce n’est qu’un empilement de caillasses, une suite de marches irrégulières, usantes où l’on se hisse, ou descend à la force des bras. Je marchais ainsi seul du nord au sud dans ce désert côtier dominant les grèves. Je m’arrêtais souvent pétrifié par la beauté de l’océan. Je croisais de temps à autres des touristes garés sur le parking voisin ou des camping-caristes venus chercher la solitude. Il y avait aussi des familles en balade sur l’une des boucles-découverte, signe rassurant que la ville n’était plus très loin. Comme le sentier des pêcheurs se pratique dans les deux sens sur cette douzaine d’étapes, les randonneurs venus de Lagos croisent ceux venus de Porto Covo. On questionne, on échange des infos, des conseils : «il y a autant de sable ? C’est raid encore deux cents mètres, puis du plat ! » Et chacun poursuit sa route. Par moment le balisage débouche à l’extrémité d’une étendue magnifique rendue accessible par la marée basse. Un, deux kilomètres de liberté totale, à plat, au sable dur s’offraient à moi. Je jubilais. Les écoles de surf occupaient déjà la place ainsi que les vans ou pick up des routards de la vague allant de spot en spot chercher les meilleurs conditions au jour le jour en fonction des marées et du vent

La puissante houle vient se briser sur les rocks et les bancs de sable

Plus on descend en Algarve, plus la population de surfers se mêle à celle des randonneurs de la Rota Vicentina dans les albergues ou les petits hôtels bon marché. Je partageais un soir un dortoir de 6 lits avec cette population glisse, des jeunes qui avaient pris le rythme espagnol : couché tardif et réveil tôt lorsque la vague est encore glassy. Lorsque la température s’est mis à grimper, je calais mon réveil sur le leur avec un départ entre 6h30 et 7h00 . Au bout d’une douzaine de jours de ce régime, j’atteignais enfin le cap Sao Vicenté, l’extrême pointe ouest du continent européen partait-il . Jusqu’à la mi-parcours de l’étape, le sentier fut sans difficulté , la brise presque fraîche ce matin là. Le phare du cap semblait si proche, je distinguais même au loin des véhicules. Puis je perdis sa trace.

Après une douzaine de jours de marche, la Cap Sao Vicente pointe enfin à l’horizon, au bout du continent européen ..au bout du voyage sur le sentier historique.

Rien de grave me dis-je, il suffit de suivre la côte. Or cette zone n’est qu’un champ de cailloux acérés où il est difficile de poser le pied sur de la terre. Deux 4 X 4 étaient garés non loin, il devait bien y avoir une route ? Non ! le sentier des pêcheurs se cachait quelque part ailleurs. Je ressortais le GPS, j’étais bien trop au sud et je l’avais raté. Il me fallut presque une heure pour retrouver une marque délavée sur un bloc à demi enfoui sous le sable et rejoindre enfin le phare.. au pif ! Rincé, j’extirpais mon sempiternel bocadillo jamon/quieso du Tupperware et l’engloutissais sous le regard amusé de touristes français attablés au restaurant du site.

Cap Sao Vicente : ravi l’auteur d’avoir touché au but !
Les pics rocheux squattés par les échassiers en migration

Le sentier côtier qui conduit ensuite à Sagrès à 5 km n’offre que de peu d’intérêt. D’autant que j’avais les pieds explosés par la chaleur et le terrain chaotique , je finissais même l’étape en évitant quelques dénivelés car la rando du lendemain s’annonçait comme les plus difficiles entre Sagrès et Salema avec 650m + . J’avais pris ce soir là une chambre privée dans une petite pension et je pus mieux récupérer. Ce fut la dernière rando de cette Rota Vicentina, car j’avais choisi de zapper Luz et prendre le bus pour profiter de deux jours de repos à Lagos. Cette journée débutée encore très tôt pour fuir la chaleur, fut sans doute la quintessence d’un sentier côtier digne de ce nom , à savoir une suite éprouvante de montagnes russes plutôt raides, d’interminables descentes et remontées des plages. Je haissais ce jour-là ces foutues falaises !

Des traversées magiques des plages immenses offerte par la marée basse
L’art portugais de l’azulejo en fresque géante pour raconter l’histoire de Povoa de Varzim

Installé à Lagos dans un établissement très « auberge espagnole », je passais ces deux journées à soigner mes pieds enflés, faire un peu de shopping, comater aux terrasses et visiter les grottes locales ..en excursion ! Je retrouvais dans l’albergue, par un heureux hasard, un compagnon de route, Roger, artiste british sexagénaire savoureux et volubile mais tiraillé entre fuir ou côtoyer les femmes ! Je le rejoignis ce dernier soir au restaurant où il m’attendait attablé avec deux jolies italiennes …rencontrées des semaines auparavant ! Nous avions sans le savoir un programme initial similaire : rester au Portugal et finir notre séjour en parcourant le Camino Portugais vers Compostelle. Il choisit de suivre le Camino central en partant de Coimbra « pour fuir les tentations et retrouver la paix » , je partirais de Porto par la côte. Nous échangeâmes nos numéros sur WhatsApp et chacun reprit le chemin de son choix. J’appris récemment qu’il avait fini par prendre un ferry à Sentender . J’arrivais le lendemain à Lisbonne par le train et prenais dans la foulée un bus vers Porto. Embouteillage de voitures, de visiteurs à Porto , la ville magnifique grouillait de monde en cette fin d’après-midi et me donnait le tournis. Fatigué, je pris un taxi, il me déposa à mon hôtel et je m’activais pour acheter l’indispensable crédentiale du pèlerin à la cathédrale. Une nouvelle aventure pouvait commencer .

Party très « auberge espagnole » ce soir là dans l’albergue de Lagos. Six nationalités différentes ont trinqué et cuisiné ensemble.
Parenthèse touristique de deux jours à Lagos pour récupérer, soigner les bobos. Ouf ! Farniente, visite de grottes, glaces !

Conclusions 

Malgré le nombre peu important d’étapes et l’alternance possible entre les deux voies , la Rota Vicentina demeure une expérience physiquement assez exigeante qu’il convient de bien gérer lorsque les conditions météo l’exigent. J’ai ainsi jugé plus prudent de délaisser la côte un jour de pluie balayée par un vent assez soutenu. Ce fut l’occasion de redécouvrir aussi avec plaisir la ruralité de l’intérieur des terres. Le sens sud-nord me semble aujourd’hui recommandé pour les raisons d’ensoleillement évoquées . Dommage que le Topo Guide édité par l’Association ne soit disponible qu’en version nord-sud. Le balisage bleu vert est parfaitement efficace, il faut cependant rester attentif car ces voies croisent de nombreuses boucles (couleur jaune et rouge) . J’avais acheté deux cartes au 1:50.000e au Vieux Campeur, elles ne furent d’aucune utilité ! Le réseau de bus et les taxis permettent de raccourcir les étapes au besoin.

Descente , puis remontée, chaque crique est une épreuve !
Lagos : les bateliers somnolent en attendant le retour des touristes en visite des grottes

Côté hébergement, il n’est pas besoin de réserver très avance au mois d’avril. Plus tard, prudence car l’Algarve est très fréquentée durant les vacances d’été. Les prix au Portugal restent très abordables, même si l’inflation a fait bondir les tarifs hôteliers. Il revient donc moins cher de voyager à deux et partager des chambres d’hôtel. Il est aussi inutile d’emporter un sac de couchage mais tous les établissements ne fournissent pas de serviette de toilette. Vous pouvez réserver directement par téléphone. Les hôtes désormais très connectés vous donnent une réponse sur WhatsApp ! j’ai volontairement choisi de le faire par booking.com pour me faciliter la vie. Restauration : vous ferez encore un excellent dîner pour une quinzaine d’euros. Le budget journalier en solo varie de 40 à 80€ suivant le degré de confort choisi et la variété des menus. Les vols de retour en France depuis Faro ou Lisbonne ne manquent pas. Laissez vous un jour ou deux de sécurité pour prendre votre billet très en avance au meilleur prix.

Lorsque la rivière vient se mêler à la mer
Séquence « Dolce Vita » avec Silvia et ses amis italiens

Topo Guide : Rota Vicentina 15€ à commander en ligne sur rotavicentina.com. Nb l’Application smartphone ne fonctionne pas.

Gestion des trajets intérieurs (train, bus ) : l’App Rome2Rio est vraiment pratique.

Positionnement, orientation : Mapy.cz , Google Map pour trouver l’hébergement en ville, cafés, restaus, supermarchés ouverts

Etapes et hébergements (réservations booking.com, tarif génius 3)

LisbonneHome Lisbon Hotel (dortoir) 30€km
Val de SécoCasinhas de Alderia 50€18
Cercal de AlentejoSolar de Alentejo 35€23
Porto CovoAhoy Hotel 45€24
Vila Nova de MilfontesSelina Hotel 35€20
AlmograveLodges & Bikes 43€16
Zambujeira do MarCasa de Praia 63€22
OdeceixeHotel Seize (dortoir ) 22€19
AljezurHotel Amazing (dortoir) 23€23
ArrifanaDestination Hotel (dortoir) 20€18
CarrapateiraHotel do mar (dortoir) 22€22
Vila do BispoCantinha do Avo 40€16
SagrèsCasa de Obo Santa Maria 50€21
SalemaPension familiale 40€20
Lagos (2 nuits)Tag Hotel (dortoir) 19€BUS

>>>>> Juste après, suite de la balade >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

2eme partie : Le Camino portugais de la costa

Mon passage à Porto fut bref. Je n’avais aucune envie de m’éterniser dans sa nuée de visiteurs provoquée notamment par les vacances scolaires françaises et le w.e du 1er mai . Il me fallut résoudre rapidement un gentil petit casse-tête. Plusieurs options se présentent pour rejoindre Compostelle sur le Camino Portugais sachant qu’il existe également des variantes très exotiques sur le parcours. La majorité des pèlerins internationaux empruntent le camino dit central, celui où l’on passe en Espagne par Tui.

le camino portugais depuis Porto avec ses multiples options….
….et son inévitable folklore . La dépose de message fait partie du voyage. J’y étais.. Ces tas atteignent parfois la hauteur d’homme.

L’ayant déjà emprunté quelques années auparavant et craignant une forte affluence, je choisis de suivre la côte jusqu’à Pontevedra, histoire de rester aussi cohérent avec la première partie ce voyage au Portugal, sur la Rota Vicentina. Crédentiale en poche, la forme retrouvée, je retrouvais dès les premières étapes l’ambiance Compostelle, son folklore, ses dortoirs, ses ronfleurs. Après les falaises de l’Algarve, le profil tranquille de ce camino de la costa me convenait bien, je partais en balade, presque en vacances. Seule différence notoire, il allait falloir me caler sur des étapes bien plus longues, dépassant souvent les 25 km.

le sentier littoral étend ses passerelles de protection de la dune sur des kilomètres. La monotonie s’installe, ça ira mieux demain.
Le Portugal est l’un des plus gros producteurs mondiaux de moules. On les élève ici sur les « barcas » , des pontons lestés dispersés dans les estuaires.

Depuis mon dernier passage en 2015 la côte de cette région avait subit une urbanisation galopante, je reconnus à peine certains endroits. De très nombreux immeubles avaient poussés comme des champignons et transformer les bourgs en véritables stations estivales. Désormais des pistes cyclables suivent les passerelles de bois construits sur des dizaines de kilomètres pour protéger les dunes. Durant les premières étapes, je n’appréciais guère ce décor monotone qui tranchait avec l’exubérance de la Rota Vicentina. Puis au fil du temps, je me suis imprégné de l’atmosphère apaisante, romantique de cette côte dont les plages se perdaient à l’infini dans la brume . Je finis par apprécier son silence cotonneux, sa litanie de bars et restaurants construits sur le même modèle.

Quitter la douceur d’une terrasse de café dans un village puis repartir vers le prochain caché quelque part au fond d’une anse…peut être !

Et je finis même par m’amuser du mélange des genres comme ces groupes de pèlerins, lents, lourdement chargés venus d’ailleurs croisant les joggers légers et qui leur lancent des « buen camino » comme à des amis de longue date. Plongé dans mes pensées, je leur répondais au choix par un merci , un obrigado portugais ou un gracias. Dans cet environnement balnéaire grand public, une albergue municipale trouve paradoxalement sa place . Je garde encore en mémoire la vision de celle Povoa de Varzim, un immeuble moderne, discret au milieu d’une avenue commerciale. Nous étions une quinzaine de pèlerins assis par terre sous le soleil à attendre l’ouverture et le check in. La ville avait fini par s’habituer et personne ne prêtait plus attention à ces nomades étalés.

L’Eucalyptus, la beauté et la plaie de bien des pays. Sa culture est aujourd’hui très controversée
Il existe parfois sur le chemin un monastère pour se reposer ou méditer.

Le Camino de la costa, comme les autres font désormais partie du décor. Seule différence peut être avec les vacanciers, les pèlerins mangent tôt , se couchent tôt, se lèvent tôt et n’achètent rien ! Dans cette transhumance vers Compostelle, soit nous ne prenons guère le temps de nous attarder sur la richesse des villes, soit nous recherchons en vain des centres d’intérêts qui n’existent pas. Je m’interrogeais aussi sur la foi ou l’absence de foi ou la foi secrète de ces marcheurs sur ce camino portugais où se croisent deux chemins de pèlerinages parmi les plus connus au monde (Fatima et Compostelle). Si Dieu ou St Jacques veillait sur nous, jamais personne ne l’évoquait !

Depuis des années, les communes travaillent sur la qualité de l’accueil.
Séquence immersion : Ma vie dans les dortoirs !
Le chemin traverse les villages de pêcheurs. Les marcheurs silencieux ont fini par s’intégrer à leur décor et devenir transparents.

A mi-parcours, je passais donc du Portugal en Espagne non pas Tui mais à Caminha en traversant la rivière Minho , en bateau-taxi. Ces mini-escapades maritimes ou fluviales au milieu de randonnées amusent tout le monde, moi le premier. C’est pourquoi j’avais également choisi de délaisser le chemin de la Costa pour piquer plein ouest sur la « variante espiritual » à Pontevedra afin de prendre une nouvelle fois le bateau à Vila Nova de Arouza et remonter la rivière jusqu’à Pontececures. Avec une vingtaine d’autres marcheurs je me rendais dès l’ouverture chez Marco, lieu de départ de la Barca del Peregrino , une vedette de tourisme confortable nous y attendait . Je retrouvais sur le quai un trio d’Irlandais (catholiques ! ) impayables rencontrés précédemment.

Traverser la frontière Portugal-Espagne en bateau-taxi . La classe ! (Remettre sa montre à l’heure française sur l’autre bord svp ! )
Ce soir là , j’ai le cœur aussi à marée basse sur le port de Vila Nova de Arouza…

Les trois papys ne marchaient qu’à l’impro, sans aucune réservation, et à la bière. Une véritable cure pour oublier les taxes monstrueuses sur l’alcool de l’Eire. Après quelques minutes de navigation le capitaine et son mousse servirent thé chaud et croissants avant de rentrer dans le vif du sujet : le chemin spirituel maritime ! Probablement le seul au monde. Car l’itinéraire est ponctué de 17 croix de granit plantée sur les berge de cette rivière. Suivant la légende les restes de l’apôtre Saint-Jacques auraient été transportés par bateau entre Haïfa en Palestine et Padron en Galice, en remontant le Rio de Arouza et rivière Ulla . La Translatio ! La balade dure une heure trente, temps suffisant pour le capitaine de nous expliquer la production locale des moules portugaises très savoureuses. Elles sont élevées sur plus de 3000 « barcas » lestées   dans l’estuaire de Vigo notamment. A Pontesecures, tout le monde débarque et part vite vers Padron.

Un chemin de croix maritime unique au monde
Le balisage personnalisé de la variante Spirituelle entre Pontevedra et Padron

Certains y passent la nuit ou poursuivent directement à Santiago , soit 28 km. D’autres s’arrêtent à Teo afin de partir tôt et assister à la messe de la cathédrale de Compostelle à 12h. Nullement pressé, je choisis l’escale à l’Albergue ultra moderne de Padron. La dernière étape d’un camino a quelque chose d’émouvant. Elle marque la fin du voyage, l’heure des séparations, du retour à la vie sédentaire et pour moi la fin d’une fabuleuse balade qui durait depuis un mois.

Le camino de la costa n’est pas toujours un paisible sentier. ..
…des siècles d’urbanisme ont changé son tracé.

Alors je prie le temps de savourer ces 23 derniers kilomètres, certes pas les plus beaux ni les plus faciles d’ailleurs. Une borne flanquée du logo européen une coquille jaune sur fond bleu, symbolisant la convergence de tous les chemins est présente tous les 500 m environ. Elle comporte aussi le nombre de km restant. Sans doute pour encourager le marcheur exténué ..ou l’achever ! J’arrivais à Compostelle par le sud, les rues avaient remplacer maintenant le chemin, je reconnus l’itinéraire si familier. qui n’en finit pas de grimper. Arrivé devant la cathédrale je déposais mon sac à dos sur le sol. C’est avec une immense et sincère gratitude que je remerciais encore une fois l’hôte des lieux de m’avoir épargner la blessure et permis ce tel périple..à mon âge. Puis, je m’assis sur le banc de pierre qui court le long de la place pour regarder l’arrivée des autres. Leurs visages rieurs cachaient mal la fatigue accumulée. Puis ce fut le moment des embrassades, des larmes versées par la douleur de se séparer ou le plaisir de se revoir. La même émotion spontanée animait ces pèlerins issus du monde entier, qu’ils aient parcouru 100, 300 ou 2000 km.

Le village aux Horreos, ces petits greniers sur pilotis , inaccessibles aux rats. Le symbole même de la Galice .

Bilan final : Coup double réussi .

Je ne recherchais ni la performance , ni l’exploit, juste les savoureux les plaisirs de l’itinérance sur un mois comme je le fais depuis des années. Que ce soit la Rota Vicentina ou le Camino portugais, ces deux itinéraires sollicitent beaucoup l’organisme et notamment les pieds . Le premier par le sable, le second par la présence de portions pavées courantes au Portugal. Ce programme exige donc de faire des pauses de récupération d’un jour ou se limiter à une demi étape, bref de laisser refroidir notre formidable machine avant l’irrémédiable. Côté logistique le passage de l’Algarve à la Galice se fait sans problème par le train ou le bus. Conséquence post-covid , les chemins ibériques connaissent cette année une forte affluence. La réputation de la Rota Vicentina est croissante depuis 2013 et le camino de la costa draine toujours plus de pèlerins comme le témoignent les hébergeurs. Cela demande donc plus de préparation sur les hébergements et des réservations anticipées notamment durant les vacances scolaires. Côté équipement : si le sac de couchage est inutile sur la R.V, il est conseillé de l’emporter sur le Camino. Du point de vue budget, les prix au Portugal sont sensiblement moins élevés qu’en Espagne, bien que les deux voisins connaissent une inflation galopante. Je voyageais là-bas pour 30 à 50€ par jour en 2015 , j’ai dépensé entre 40 et 70€ cette année sans me priver.

Les App et sites utilisés sur ce parcours : Wise Pilgrim , Mapy.cz, Gronze.com, Google , Rome2rio, Map, Google traduction

La cathédrale de Compostelle suivie comme une étoile par des millions de pèlerins depuis des siècles. (350.000 par an ! )

Découvrir un pays par la côte en alternant des passages dans les terres en donne une vision plus large, notamment hors des zones touristiques, sur son passé rural ou la tradition de la pêche. Portugal et Espagne offrent un incroyable potentiel d’itinéraires et passionnant patrimoine culturel au marcheur un peu curieux. Mais l’époque de l’improvisation ou de l’insouciance est révolue. Le voyageur doit désormais composer avec le dérèglement climatique et choisir la bonne période pour caler son voyage dans la péninsule en surchauffe.. avec une forte dose d’incertitude.

Le Botufumeiro, ultime acte de la messe des pèlerins à Compostelle . (Non systématique mais soumis chaque jour à la générosité d’un sponsor ! )
Jack le fils avec son père John , deux irlandais du Nord, inconditionnels de la couronne britannique. A droite : le trio de choc de la République d’Irlande, rois de l’impro, rebelles, dingues de rugby et de la bière portugaise « si bon marché ». J’ai passé de grands moments avec ces boys unis sur le même chemin.

Etapes et hébergements Camino de la costa (réservation et tarif genius 3 booking.com)

PortoHotel Do Norte40€
km
LabrugeAlberge Soa Tiago16€ 24
Povoa de VarzimHotel Résidentiel35€17
MarinhasHoLocal Praïa Mar28€25
Viana do CastelloAlbergue del mont40€ (ch.)25
CaminhasA . Bom Caminha20(dortoir)27
MougaP. privée A Bego40€ (ch.)23
Sabaris de VigoAl. de la playa16€(dortoir)17
VigoHotel Nautico35€24
RedondelaLa Conserveira16€(dortoir)16
PontevedraPension Santa Clara30€20
Armenteira (spirituel )Albergue municipale15€(dortoir)23
Vila N. de Arouza (spi)Albergue A Sarazon18€(dortoir)22
Padron (Spirituel)Albergue Murgadan16€(dortoir)23
Santiago (2 nuits)Albergue Teodormigo15€(dortoir)23 km
La Coronne (extra)Hotel Santa Catalina34€Train

Equipement de base : Sac à dos Osprey 48l , chaussures trail Hoka Speedgoat 4 Gore tex, (US) Veste Arc Tétyx Gorex (US) Tex, doudoune compressible duvet Cumulus (Pologne), bâtons de marche Fizan (Italie) , pantalon de pluie Trail Decath, Chaussettes Monnet Merinos/synthétique (FR) , sous-vêtements boxers Under Harmor, Short Cimalp (FR) chapeau Tilley (Canada). 2 T-Shirts Puma et UH. kit de pochettes Osprey, un sac de couchage, un Tupperware. Iphone XR, cartes de crédit BNP Visa, N26 Master card, carte sécu Europe. Poids total avec 1,5 l d’eau et vivre : 9 kg

Sur les Chemins (très) Noirs de Tesson et Dujardin

L’incarnation d’un miraculé et sa résurrection n’est pas à la portée de n’importe quel réalisateur de film ni de l’acteur élu. En portant à l’image le roman autobiographique de Sylvain Tesson « Sur les Chemins Noirs » , Denis Imberg a relevé le défi et ça marche plutôt bien côté Box Office. Jean Dujardin , alias Pierre, nous emmène sur une diagonale de 1300 km dans sa thérapie réparatrice après une chute idiote du haut du balcon d’un hôtel lors d’une soirée alcoolisée. Pour le randonneur au long court que je suis c’est bien sûr l’occasion de poser un regard critique sur un film décalé et se rapporter à ses propres références. Et pour le spectateur néophyte en terme de marche d’ouvrir grand ses mirettes et d’applaudir la performance.

Marcher 1300 km en parfaite santé est déjà difficile mais s’y lancer d’un jet sans progression relatée en post convalescence me semble plus discutable. Soit. La véracité du film n’en souffre pas trop et nous suivons Dujardin en baver un max dès les premiers kilomètres, une situation tout à fait normale, sachant qu’il faut souvent une bonne semaine pour que notre constitution de citadin absorbe le choc. Nous découvrons donc Pierre, randonneur plutôt chic avec chemise blanche, petit gilet , pantalon neuf de baroudeur avec poches, matos Millet impeccable. Je conseillerais toutefois à Dujardin (et à la scripte) d’ôter les bouchons de protection de ses bâtons pour une meilleure accroche ! Notre marcheur a choisi majoritairement l’option bivouac et je salue son courage tout en restant perplexe sur les nombreux de feux de bois dans des endroits extrêmement secs et la cuisson de quelques aliments dans le style Kho Lanta. Passés ces détails logistiques sans importance, Dujardin est parfaitement crédible et touchant lorsque l’on le voit marcher notamment dans des pierriers d’enfer. Côté situation et orientation, Il semble donc évoluer sur des chemins peu ou pas balisés, dans une relative improvisation, sans aucune app de rando numérique, avec la seule aide d’un paquet de carte IGN. Du lourd sur une telle distance ! On le voit d’ailleurs recevoir et renvoyer des lots de cartes. Pierre trace ainsi sa route à travers champs, droit dans le pentu et n’hésite pas à franchir les clôtures et les barbelés. Pourquoi pas . Le scénario relate plutôt bien l’état d’esprit du bouquin et de son auteur, en laissant une large part à la réflexion en voix off sur le monde et la société actuels. Le tout sur un ton parfaitement désabusé. Si les paysages sont magnifiques, à part une baignade joyeuse, je n’ai jamais hélas ressenti de vrais moments jubilatoires chez Pierre dans ces environnement fabuleux. Denis Imberg a choisi de nous montrer un type cassé , en reconstruction qui se traîne une histoire d’amour mal en point et la blessure profonde laissée par la disparition de sa mère. Les grandes randonnées et la fatigue accumulée exacerbent ces émotions comme il m’est arrivé d’en ressentir bien des fois. Tout ressurgit et l’on pleure parfois sur ses pages tournées dans la douleur. Pierre découvre la France et sa ruralité exotique, arrive donc au terme de son voyage réalisé souvent seul (à part quelques jours avec un ami et sa sœur) dans ce corps meurtri qu’il a poussé au delà des limites du raisonnable, avec une trousse de médocs anti-tout plutôt chargée. Mais personne ne s’y trompe, il est guéri de sa chute, mais son âme reste toujours cabossée . Tesson a vécu et vit ainsi . Hier, aujourd’hui, seul le mouvement lui prouve que c’est sa seule façon d’être vivant. Un point commun que nous autres marcheurs lambda partageons avec l’auteur, un écrivain très prolifique devenu comme Dujardin très bankable.

Rando 100% impro dans le chaos parigot

Pas l’ombre d’un doute, la vie du retraité actuel n’est pas une sinécure. Le senior souvent éjecté ou retiré devenu randonneur se frotte lui aussi au spectacle affligeant des montagnes d’ordures et plus encore aux problèmes de transports publics dus aux fins de grèves relatives à la reforme. Réforme de quoi ?

Paris ville-lumière, paradis des amoureux, son accueil, sa culture ..et blablabla. On en oublierait presque qu’il y a une manif différente par jour… toute l’année !

Des retraites ! Ajoutons à cette double peine , la foule de travaux sur les réseaux SNCF et RATP ainsi que les bouclages de quartiers dus aux diverses courses à pied et les quelques défilés protestataires dominicaux habituels . C’est ainsi que dimanche dernier, 8h00, je me suis retrouvé planté à un l’arrêt de la gare Saint-Lazare ligne 26 , un bus dont le premier départ a été reprogrammé à 14h30 ! Toute idée de rejoindre la gare du Nord, rejoindre un groupe et partir vers Provins dans le délai requis fut une totale utopie. J’y renonçais pour improviser une journée de balade en solo dans la capitale encore endormie, au silence rompu par intermittence par le ballet des balayeuses effaçant les traces de la manif de la veille.

Les Tuileries désertées un jour off . C’est si bon d’y cheminer très tôt le matin
l’Arbre aux Voyelles, un bronze signé Giuseppe Penome, de 1999 , inspiration tempête

La place de l’Opéra a récupéré des outrages des Black blocks, des panneaux d’agglo protégent encore les distributeurs de billets et rappellent toute la brutalité de la contestation. L’Opéra Garnier blindé de sa cotte de mailles d’échafaudage avait résisté . A un an des J.O de 2024 Paris se refait aussi une beauté et je ne compte plus le nombre de chantiers en cours tout au long de mon parcours improvisé. L’ Arche de triomphe du Carrousel a disparu du décor, planqué derrière des palissades agrémentées du récit historique de l’édifice , les jardins des Tuileries montrent des trous béants et la place de la Concorde n’est guère en meilleure forme. Je décide de rejoindre la Seine et la suivre le plus loin possible pour atteindre le Bois de Boulogne.

Le Pont de Grenelle, villégiature de quelques privilégiés qui ont le bonheur de vivre au fil de l’eau en plein cœur de Paris
Un ouvrage signé Eiffel, super star prisée par les photographes de mode ou ceux des jeunes mariés nippons.

Un vent de Nord Ouest balaie le quai sous un ciel menaçant, sans décourager les joggers et touristes matinaux. Car à 9h00 , Paris s’éveille. Les vendeurs de Tour Eiffel arrivent un à un et commencent à étaler leur carré de tissu sur le trottoir pour présenter leur stock de ferrailles « made In China ou Bengladesh » . Gustave n’ en demandait pas tant. Une poignée à chaque coin permet de replier le tout en deux secondes si les flics débarquent, voir de les balancer dans le fleuve ! Les ponts défilent au dessus de moi, j’entraverse d’autres. Les bateaux-mouches sont prêts à recevoir nos hôtes américains, japonais, coréens. Les Russes manquent à l’appel . Ah bon ? Je traverse la Seine par le Pont de Garibaldi, face à la Maison de la Radio et m’enfonce dans le XVIe vers la Porte d’Auteuil. La statue de la Liberté modèle réduit me tourne le dos et continue d’éclairer le paysage plombé par un ciel gris. 10h00 changement de standing, les familles chics baladent leurs blondinets en trottinette ou en poussette, les boulangeries me font de l’œil sans résultat jusqu’à l’hippodrome . Je résiste à la gourmandise bien décidé à rejoindre la cabane du bois à la porte de Boulogne pour prendre un café. Il existe un petite dizaine de ces kiosques qui font le bonheur des promeneurs et de ces dames à toutous, toutes des habituées qui viennent tailler la bavette à la buvette.

Les berges de la Seine aux abords du camping du Bois de Boulogne. De belles péniches ripolinées et parfois une épave de bateliers moins chanceux.

Plus loin, des grappes de cyclistes se tirent une bourre infernale dans la descente qui borde l’hippodrome de Longchamp. Il n’est pas rare qu’une ambulance des pompiers en ramasse lorsque ça tourne mal ou que ca frotte un peu trop dans les virages. Courageux ou inconscients, quelques VTT et vélos électriques se mêlent à la masse des routiers, un peloton qui s’étire jusqu’au moulin de Bagatelle. Le printemps est là et les tribunes de l’hippodrome vont bientôt résonner des clameurs des parieurs. En juillet prochain, la pelouse centrale recevra , les Solidays, cet immense festival. Je contourne l’endroit par la gauche et redescend vers la Seine emprunter le sentier qui serpente entre la Seine et le camping du Bois de Boulogne, le seul et unique à Paris. Chaque année, j’observe les métamorphoses successives : installation de tentes familiales, roulottes et aujourd’hui construction de petits chalets avec terrasse et large baie vitrée. Le grand confort en dur côtoie désormais celui des classiques camping-cars venus de toute l’Europe.

Les grands fauves d’Afrique squattent les bois parisiens. Effet précoce du changement climatique. Allez aux bouleaux, cette allée est superbe !

Les tentes des routards s’intercalent comme elles peuvent dans les parcelles. Passage au barrage de Suresnes, au loin les cormorans font une sieste sur les câbles d’acier. Le Yacht Club de Boulogne tiré à quatre épingles attend ses marins d’eau douce pour une première sortie de fin d’hiver. Cet ex chemin de halage ombragé mène aux terrains de sport de Bagatelle et au pont de Puteaux. Joueurs pakistanais de cricket, kites, club footeux et rugby, se partagent l’espace. Les plaisanciers bateliers jardinent sur les pontons, réparent, repeignent. J’arrive à l’île de Puteaux. Elle est devenue un lieu totalement dédié aux loisirs avec jadis une piscine, tennis et restaurant (La ville de Neuilly est juste en face !). On y trouve un magnifique club d’aviron et les rameurs investissent chaque w.e les bras de la Seine lorsque le trafic fluvial est l’arrêt , hiver comme été. Je retraverse la Seine, cette fois au pont de Neuilly qui prolonge le centre d’affaires de la Défense, mon prochain point de passage pour rejoindre Bois-Colombes. Les trains de banlieue et les bagnoles venant de l’A14 ou A86 déboulent du tunnel qui émerge de la dalle géante surplombée de sa montagne de béton et de verre.

58 ponts utilisés par des voies parisiennes en dehors de ceux au-dessus de la Seine ; 10 ponts utilisés par la RATP ; 33 ponts utilisés par la SNCF 
Randonneur et mateur ! je ne me lasse pas de regarder les dentelles d’acier sous les jupes des ponts de la capitale.

Là aussi , travaux à tous les étages, l’Esplanade va se transformer en un parc urbain de 5 ha, un lifting signé de l’architecte-paysagiste Michel Desvignes. Cocktail du minéral, du végétal, entre travail et détente, le défi est à la mesure de cette fourmilière du business. Bientôt 21 km au podomètre, les jambes deviennent lourdes, je coupe à travers le CNIT. Le berlingot de ciment fut longtemps le site des expositions parisiennes . J’y allais avec mes parents lors du rendez-vous des Arts Ménagers et bien années plus tard pour le Salon Nautique. Imaginez les encombrements de camions pour faire monter des voiliers de 20 m, des centaines de bateaux sur la dalle ! Aujourd’hui le monstre s’est évidé en détruisant ses étages intérieurs, s’est gonflé d’appendices latéraux. Sa façade sud est devenue le plus grand panneau d’affichage de la capitale. Des équipes d’alpinistes viennent y coller une mosaïque de dizaines de stickers formant des pubs géantes du dernier smartphone en vogue. Je fais une dernière rotation sur 360° histoire de boucler la séquence nostalgie et prend la sortie nord vers Courbevoie et la Garenne-Colombes. Le tram T2 déroule devant mois son tapis vert jusqu’à Bezon, il me reste encore une demi-heure de marche jusqu’à la casa.

Si la ville n’est pas très grande (10 km X 10) les parcours de balade peuvent se rallonger et vite s’intensifier . Cette rando 100% impro s’étend sur 24 km dans cette boucle de la Seine. Vrai avantage ou piège, le nombre de bistrots et pâtisseries !

14h00 , 24 km plus loin, l’asphalte m’a surchauffé les pétons, le thé est encore chaud dans le Thermos. C’est bon de rentrer tôt et comater sur le canapé sous les rayons du soleil. Finalement les grèves c’est plutôt bien pour favoriser les randos porte à porte non ? !

Rando en forêt d’Hautil et son sommet d’île-de-France

Le bassin géologique parisien rend la vie plus belle aux randonneurs endurants d’Ile-de France en leur offrant parfois de superbes panoramas. Cette randonnée de 20 km va vous emmener dans la forêt d’Hautil (1250ha) une butte délimitée par les versants abrupts de la vallée de la Seine au sud et celle de l’Oise à l’Est. Votre parcours peut débuter à la gare de Vernouilllet-Verneuil (ligne de Mantes-la-Jolie) .

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Un beau parcours de 20 km blotti entre les bras de la Seine et de l’Oise

Vous traversez la Seine et la petite ville de Triel en longeant l’Eglise St Martin datant du XIIe et XIIIe siècle puis en route pour une longue montée vers la forêt. L’itinéraire passe à proximité de Chanteloup-les-Vignes dont le nom nous ramène dans un passé glorieux, une époque où les fameux vins de Triel ravissaient le palais des seigneurs de la Cour. Ce règne viticole dura près de mille ans et s’interrompit hélas avec l’arrivée du chemin de fer qui fit connaître partout en France les crus du Languedoc …beaucoup moins alcoolisés !

De beaux dénivelés

cette butte offre de beaux panoramas sur ses deux versants.

Cette région allait toutefois renaître au XVIIe siècle avec une autre richesse due à une couche géologique providentielle : le gypse . Ce minéral servait en effet à faire du plâtre. Des centaines de carrières souterraines furent ainsi creusées pour l’extraire. Le sentier de votre randonnée passe donc par un véritable gruyère invisible, extrêmement dangereux mais bien signalé .

Anciennes carrières de gypse en sous-sol et exploitations maraîchères en surface .

De nombreux panneaux d’interdiction d’accès mettent en garde les promeneurs et d’immenses trous, les fontis, témoignent des effondrements anciens.

L’église de Verneuil/Seine et l’arrivée sur les bords de l’Oise à Neuville.

Pas d’inquiétude, la forêt d’Hautil est un lieu magique pour la balade et comporte de multiples aires de pique-niques. Le point le plus haut est à 184 m (le sommet d’Ile de France est dans le Vexin avec 294m ! ). Le plateau s’avère légèrement vallonné, le châtaigner est omniprésent avec le chêne et quelques pins. Arrivé à Jouy-le-Moutier, ne manquez pas d’admirer le panorama à 180 degrés sur les quartiers de Cergy avant de redescendre cette fois vers l’Oise, à Neuville pour reprendre un train vers Paris (le RER A) ou une correspondance à Houilles dont la ligne L mène à Paris St Lazare. Voilà donc une balade très agréable.. en altitude qui vous donnera encore une autre vision des boucles de la Seine, de son affluent l’Oise, deux cours d’eau qui connaissent de nouveau un fort trafic . Leurs rives désormais bien aménagées sur des kilomètres permettent la découverte de cette frontière entre Yvelines et Val d’Oise, à pied ou à vélo.

L’homme qui dessinait son chemin sur la Via de la Plata

Les Chemins de Compostelle sont chaque fois l’occasion de rencontrer des êtres particuliers, de ces hommes ou femmes qui marquent votre voyage par leur quête, leur attitude, leur sensibilité ou parfois une passion anachronique sur de tels itinéraires. Par le passé j’ai ainsi côtoyé des photographes lourdement chargés, des équipes de tournage et leur logistique importante, des animateurs sociaux accompagnant durant des mois des jeunes à la dérive, des familles chrétiennes et leur multitude d’enfants chantant et priant sur le chemin depuis dix ans, des pèlerins au look vintage tout droit sortis du Moyen-Age, des cyclistes brésiliens frustrés, s’étonnant ne rien avoir vu après avoir parcouru le Camino Francès en dix jours, Nicolas cet unijambiste faisant une sieste la nuque calée sur sa prothèse ou encore Jan le Hollandais de 90 ans nourri aux yaourts tirant sa cariole depuis des années sur des milliers de kilomètres entre Fatima, Santiago, Lourdes et Rome. Ces images reviennent souvent à ma mémoire et ravivent l’affection ou l’admiration que j’ai pu éprouver lors de ces rencontres durant mes multiples pérégrinations en France ou sur la péninsule ibérique.

Le dernier personnage en date s’appelle Pedro Cabral, je l’ai rencontré par hasard en mars 2022 ou par chance sur la Via de la Plata et sur le Camino Sanabrès , un camino où l’on compte les pèlerins sur les doigts des deux mains tant cet itinéraire est désert… de tout ! Imaginez 1000 km de Séville à Saint-Jacques, de l’Andalousie aride en passant par l’Extremadura tout aussi inhospitalière dont seuls les chênes liège et les oliviers viennent rompre la monotonie. C’est pourtant là que réside toute la fascination de ce chemin.

Début du voyage en traversant un parc naturel planté de chênes liège où s’ébattent les fameux cochons noirs
un carnet, des Rotring, une palette de couleurs.

Ce soir là, attablé dans le dortoir de la pension municipale de Zafra, l’homme en avait probablement fini avec sa lessive ou ses courses à la tienda du coin. Peut être avait il même renoncé à une sieste réparatrice avant le diner ? Non, Pedro peignait ! Je m’approchais et contemplais d’abord les lignes fines de son dessin. La plume du Rotring glissait sur le bloc de papier puis il ouvrit une minuscule boite de couleurs et l’aquarelle se mit à vivre par touches délicates . Je reconnus immédiatement le paysage que l’on avait traversé durant cette journée. Il l’avait d’abord photographié et maintenant il le projetait sur le papier, de tout son art.

L’univers des dortoirs du chemin
une albergue incroyable entièrement tapissée de coquilles

Pedro ne gardait apparemment que l’essentiel du décor, il jonglait avec la lumière et les perspectives des maisons, des routes se perdant à l’infini ou celles des villages ou avec la trame de la végétation basse des plaines infinies . La vision d’un peintre pèlerin suscite une curiosité générale et un question sans doute redondante : pourquoi s’alourdir d’un tel matériel et peindre, là, maintenant sans attendre son retour ? J’évitais de lui poser cette sempiternelle question et je laissais l’artiste discret et solitaire se dévoiler. Pedro est un architecte, 69 ans aujourd’hui , qui attendait impatiemment l’âge de la retraite pour se lancer dans un nouveau pèlerinage.

Arrivée dans Salamanca , comme une oasis de vie plantée dans l’Extremadura
Tous les chemins mènent …à Compostelle comme le Camino Sanabrés qui prolonge la Via de la Plata vers la Galice

Il attendra cependant deux ans de plus que le Covid passe et que l’Espagne réouvre ses frontières et ses albergues ! Les rencontres sont spontanées et authentiques sur ces sentiers. Très vite nous avons sympathisé avec d’autres marcheurs et formé un groupe WhatsApp. Nos trajets se sont séparés puis rejoints, je recroisais Pédro quelques fois à la terrasse d’un café débutant un croquis . En quittant la Via de la Plata pour prendre le camino Sanabrès, le peintre allongea les étapes. Il était attendu à Lisbonne mais ses dessins publiés sur Facebook m’ouvraient la voie. je déchiffrais ses nouvelles œuvres avec toujours le même intérêt . Alors que la plupart d’entre nous bombardions le paysage à coup de photos numériques, Pedro se focalisait sur une seule pour en faire un tableau quotidien. Chacune recevait alors sa signature et la petite coquille ainsi que le numéro du jour.

L’Arche romaine de Caparra. Ce jour là un taxi nous amena vers le seul hôtel du coin à plus de 10 km

Ce détail est important sur ce genre de parcours où l’on manque vite de repères au point d’en oublier jusqu’à la date de son départ de Séville ! Déjà vingt jours de marche, encore une semaine pour virer vers la Galice et encore une autre pour atteindre Compostelle . Je mis quarante quatre jours pour atteindre mon but. Entre temps Pédro avait quitté le camino plus tôt que prévu ayant attrapé le Covid dans une pension surchargée. Après un confinement forcé à Lisbonne il revint finir son chemin avec sa fille Matha quelques semaines plus tard. Je le contactais à mon retour en France et lui proposais de diffuser ces dessins. Il refusa gentiment m’expliquant préparer une exposition et ce livre.

Pedro Cabral, un artiste en balade

une aventure de 1000 km depuis Séville.

Voilà donc quelques extraits de son carnet de voyage sur la Via de la Plata. Chacune de ces illustrations m’est familière et me ramène avec délice sur ce long périple à travers l’Espagne. Alors j’ai voulu à mon tour partager avec vous ces émotions si joliment peintes par Pédro et vous inciter à tenter l’expérience de cette grande solitude où chaque ville traversée est comme une oasis de beauté, de culture, où chaque rencontre comme celle-ci donnera du sens à votre chemin.

Texte Richard Kirsch

Extraits du livre de Pedro CABRAL blog Bonecos de Bolso

« Via de la Plata & Camino Sanabrés «  . Disponible sur commande pmcabral@gmail.com

La Drouette , rando de 24 km à l’Eure !

Après plus d’une décennie à parcourir les sentiers d’Ile-de France, il m’arrive encore de découvrir avec bonheur des endroits plein de charme baignés des cours d’eau tout aussi inconnus. Nous sommes près de Gazeran à une cinquantaine de kilomètres de Chartres et Joséphine emmène en balade les marcheurs de Randif vers la Drouette, un affluent de l’Eure.

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Beau parcours de 24 km en suivant les petits cours d’eau
La Drouette, une petite rivière de 39 km , affluent de l’Eure.

Le département des Yvelines vient ici flirter avec celui d’Eure et Loir et tous les parigots se croient soudain en pleine campagne et à une autre époque, celle où les belles lavandières de Droué qui venaient laver leur linge sale entre voisines et dont les rires résonnent encore dans un univers rural. Entre temps les corps de ferme ont fait peau neuve , les berlines citadines remplacent désormais les tracteurs dans les cours. Des chevaux de trait au chômage ou en retraite paissent dans les calmes herbages cernés de clôtures électriques et bordés de panneaux « ne pas les nourrir « .

Simple bon sens. Cette boucle de 24 km se faufile le long des bosquets sur les chemins parfois creusés par les engins agricoles en repos dominical ce jour là. Les plaines betteravières ou de céréales ne vont pas tarder à révéler leur identités et repeindre le décor de leur feuillage tout neuf . Un soleil pâle hésite de longs moments à sortir des nuages puis soudain éclaire les pâturages. Un indicible air de printemps envahit l’atmosphère et les cœurs. Le vent est tombé et les randonneurs se dépouillent un à un de leurs oripeaux d’hiver au fil des lieues qui défilent. Passé 13h00, ils s’assoient sur les bords endigués de la Drouette pour engloutir un pique-nique mérité . (Ils sont partis de Montparnasse très tôt et les ventres crient famine).

La région est parcourue de nombreux rus. Des vannes entrouvertes laissent ici et là passer un maigre filet dans ces canaux trop souvent encombrés d’une végétation parasite. Il reste alors deux , trois heures de marche pour boucler ce bel itinéraire, la cadence augmente. Un peu trop, Joséphine freine les ardeurs, multiplie les pauses « techniques ». Les dernières tablettes chocolat circulent de main en main et les gourdes sont vides en retrouvant la gare de Gazeran tant l’air devient chaud. Retour à la casa… un peu vidé moi aussi !

Texte et photos Richard Kirsch trekkingzone.fr

20 km de nuances de gris dans le bois de Milly

Dimanche matin , la pluie n’ a pas encore atteint l’Ile-de-France, elle traîne en route et envoie son tapis de nuages en messager pour prévenir le randonneur parigot d’en profiter . Les marcheurs du club Randif se sont donné rendez-vous dans les profondeurs du RER D à la gare de Lyon . Stoïques, traités inox et déterminés, sans broncher ils finissent de traverser l’hiver ponctué de ses trains de dépressions atlantiques et autres bourrasques glaciales venues du Nord. Ils se rendent cette fois dans le Parc Naturel Régional du Gâtinais, un parcours de 20 km concocté par Christine entre les gares de Maisse et Boutigny-sur-Essonne plantés sur cette ligne.

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Un parcours très boisé avec de beaux dénivelés au départ de Milly

Nous sommes aux abords de la forêt de Fontainebleau , un patchwork de vastes zones vertes diluées dans les plaines agricoles. Ratissés et semés récemment, les champs cachent encore le secret de leur culture. Gants, bonnets, les randonneurs quittent la gare de Maisse par la route et mettent le cap Nord’Est sous un ciel plombé sur le fameux GR1. Ils s’enfoncent dans les bosquets de jeunes chênes des premiers kilomètres. L’humus de feuilles mortes forme un tapis épais. La sécheresse n’ a pas permis de terminer le travail de décomposition habituelle.

Le château de Milly

Leur pas est souple et silencieux sur ce début de parcours plat et clément pour les muscles encore froids. L’objectif est d’atteindre Milly-la-Forêt avant l’heure du déjeuner, car il restera alors près de 13 km. La petite ville historique connaît peu d’animation en cette période de vacances scolaires. Soudain des chants percent ce silence, le groupe tente une visite de l’église médiévale Notre-Dame de l’Assomption en fin de messe dominicale. Discrets, ils y renoncent et ne s’attardent pas non plus devant la halle du marché en travaux de rénovation de toiture.

Les lavoirs rénovés sont légion en Ile-de-France et font le bonheur des randonneurs l’été

Seuls de beaux lavoirs attirent leur curiosité de photographe. Après quelques méandres de rues, les visiteurs un peu déçus rejoignent la forêt de Milly pour rejoindre le Cyclop. 22,50 mètres de haut et 350 tonnes d’acier, cette œuvre sculpturale monumentale luit au milieu de la nature éteinte . Réalisée par Jean Tinguely avec le concours de sa femme Niki de Saint Phalle et de leurs amis artistes (Bernhard Luginbühl, Rico Weber, Daniel Spoerri…), c’est une immense tête sans corps, étincelante de miroirs, avec un œil unique, une bouche d’où ruisselle de l’eau sur une langue toboggan, une oreille qui pèse une tonne. Le musée à ciel ouvert n’ouvre pas au public en hiver et les randonneurs admirent l’œuvre de loin, assis sur des troncs d’arbres pour prendre leur déjeuner sur le pouce .

Une randonnée sans grandes difficultés
Le Cyclop monumental de Milly . Les artistes en firent don à l’état en 1987

La seconde partie de cet itinéraire ne ressemble en rien au décor de la matinée. Le GRP des Vallées de l’Essonne prend de l’altitude et se met à serpenter à travers les pins. Le sol sablonneux a repris ses droits tout comme les blocs de grès ; ce qui ne fait pas l’affaire de certains ! Il faut cependant se hâter, « enfin peut être que oui, peut être pas trop » hésite Christine notre guide du jour dont le casse-tête du moment est de reprendre un train vers Paris à 40 de chaque heure à la gare de Boutigny et d’éviter ainsi de poireauter sur un quai. Ainsi va la gestion des groupes, entre orientation, nutrition et transportation dans un créneau horaire qui satisfasse le plus grand nombre ! Les jours ont considérablement rallongés en ce mois de mars teinté de gris . Fin de w.e , fin de vacances, le train du retour vers la capitale ne cesse de se remplir de banlieusards et randonneurs fatigués au fil des gares. Les premières gouttes tant attendues martèlent enfin l’asphalte, le ciel s’assombrit . Une journée de rando ordinaire s’achève. Dans quelques semaines, le printemps va exploser et repeindre la nature de vert tendre. Patience…!

Texte et photos Richard KirschTrekkingzone.fr

Droit aux buttes (de Parisis) ! Enfin presque ..

Comment tracer une rando de 24 km tortueuse à souhait dans un mouchoir de poche avec plus de 1000 m de dénivelés cumulés, à proximité de Paris et ailleurs qu’à Fausses Reposes et Meudon-Clamart, lieux connus pour la fameuse Bossapas ? (32 km et 1200 m +)

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Belle performance d’avoir tracé ces 24 km sur un timbre poste !

Tel était le défi que s’était lancé Gérard, ex-président et guide de Randif. Tout l’art fut donc d’exploiter le terrain, en composant entre nature et urbain tout en maitrisant les transports en commun d’IDF pour y accéder et en revenir. Son choix se porta ainsi sur les Buttes de Parisis, à une dizaine de kilomètres.. face à la fenêtre de ma chambre à Bois-Colombes ! Depuis le temps que je regardais scintiller les lumières à l’horizon sur ce curieux plissement de terrain, j’ai eu enfin l’occasion de partager cette exploration avec un vingtaine de marcheurs de l’asso. Tout commence sous un soleil éclatant ce dimanche matin à la gare de La Frette-Montigny sur la ligne J SNCF menant à Mantes-La-Jolie. Une brise glaciale venue de Scandinavie balaie depuis deux jours la région et c’est par ce climat tonique que le groupe ..démarre à froid sur la première et longue montée de la journée.

Moulins, fortifications, vignes, cet espace désormais protégé offre de nombreuses balades très variées.

Gérard annonce la couleur, cette côte n’est qu’un aperçu de ce qui nous attend durant les 24 km au programme ! Nous voilà prévenus dans la partie ouest des Buttes de Parisis, un espace boisé de 650 ha blotti entre la vallée de la Seine et le domaine de Montmorency. Ce jeu de montagnes russes proposé se déroule sur les quatre buttes de Cormeilles, les Châtaigniers, Sannois et Orgemont, un itinéraire planté Nord-Ouest et Sud-Est. Reconnaissons qu’il faut une sacrée dose de cruauté pour martyriser les guiboles de marcheurs parigots par un climat polaire, sur ce terrain courant le long de l’autoroute A15 et qui serpente entre les zones pavillonnaires ! Mais ça serait parfaitement injuste car ce parcours se révéla d’une grande originalité notamment la vue sur offerte sur Paris à près de 170 m d’altitude est tout à fait surprenante.

Du haut de la Butte des Châtaigners, vue imprenable et ventilation garanties

Réunis sur la Butte des Châtaigniers, malgré les rafales de vent, nous restons tous scotchés devant ce panorama à 180 degrés d’où émergent les géants de la capitale : Tour Eiffel, quartier de la Défense, Sacré-Cœur et autres édifices que chacun s’amuse à identifier. Du haut de ces buttes, nous replongeons aussi dans l’histoire de cette région aux richesses si peu reconnues. Avant qu’elle devienne cette mégapole, ses plaines et ses coteaux furent jadis prisés pour la richesse de sa terre, sans doute l’une des plus fertiles de France. Maraichage, culture de la vigne, céréales..etc.. ses produits exceptionnels nourrissaient les parisiens et s’exportaient dans tout l’Hexagone.

Un bassin sédimentaire plein de ressources minérales
la Carrière de gypse « Lambert », jadis la plus importante d’Europe.

De part sa structure géologique, le bassin parisien offrait aussi une grande richesse minérale dont les carrières allaient contribuer aux constructions de cette ville . La Carrière de gypse « Lambert » à ciel ouvert fut ici la plus importante d’Europe avant d’être comblée progressivement. En se baladant ainsi de butte en butte, les marcheurs reviennent aussi dans les années 1870 en découvrant la ligne de défense érigée après le siège de Paris par les Prussiens dont le Fort de Cormeilles. Après un pique-nique rapide pris à l’abri sur la butte d’Orgemont (vu le climat ) et avoir contourner l’ouvrage pour la seconde fois de la journée ( eh fallait bien les tracer ces 24 km !) le guide conclut que le contrat était rempli et que le groupe méritait bien de rejoindre la gare de départ. Cette superbe randonnée de « proximité » a tenu toutes ses promesses et ouvert peut être des perspectives sur de futures aventures péri-urbaines passionnantes.

Texte et photos : Richard Kirsch (Trekkingzone.fr)

Et rebelotte jusqu’à Marlotte pour 22 km!

Difficile pour un randonneur parisien de ne pas revenir sur ses traces un jour à l’autre dans la forêt de Fontainebleau. Surtout lorsqu’il s’agit de voyager de gare à gare . Pourtant les guides de RANDIF mettent du cœur à l’ouvrage sur Openrunner pour proposer les meilleures alternatives parmi les dizaines de sentiers qui quadrillent ce formidable terrain de jeu.

Téléchargez la trace de cette randonnée ICI

Un large virage de 22km en pleine forêt qui emprunte le GR13 et le TMF

La dernière en date rassembla ce dimanche là plus de 40 marcheurs séduits par les 22 km proposés par Christine entre les gares d’Avon et Bourron-Marlotte. Afin de ne perdre personne en route et prendre en considération vertiges des uns et douleurs des autres, elle choisit de partager en deux cet énorme groupe et d’en confier une moitié à Michel sur un parcours moins accidenté . J’optais pour la version « on the rocks » afin de profiter des obstacles du superbe tronçon du sentier Delecourt-Colinet. Car il a fallut 300 millions d’années au bassin sédimentaire de ce massif pour chasser la mer et laisser place aux blocs rocheux sculptés par les courants et qui font désormais le bonheur des grimpeurs et celui des familles en quête d’aventure le dimanche. Notre parcours serpente ainsi dans cet univers à la fois minéral et végétal , un savant cocktail de pins de fougères, de hêtres, de bouleaux et de chênes.

Passages rocheux sur l’un des historiques sentiers Denecourt et Colinet. Beau jeu de piste pour suivre le balisage bleu caractéristique

Notre équipe des endurcis chemine ainsi sur plusieurs kilomètres en prenant soin de suivre le balisage bleu de bosse en bosse, de s’y faufiler , d’y ramper parfois . Chaque passage remarquable est marqué ici d’une lettre majuscule et les gosses révisent cet alphabet au rythme de leur progression. Les noms des sentiers gravés sur les plaques nous replongent dans le romantisme du XIXe siècle : Rocher des Demoiselles, carrefours des Soupirs, du Bonheur, des Regrets ou des Oublis. Comme il devait faire bon conter fleurette à une belle cavalière à l’écart d’une chasse à cours trop bruyante !! Denecourt et plus tard Colinet y songeaient sans doute en agrémentant leurs sentiers de fontaines ombragées et de bancs .

progression des deux groupes vers le viaduc de Changis

Ils ignoraient cependant que plus d’un million de visiteurs viendraient plus tard chaque année s’immerger dans cette nature, à pied ou à vélo. Aujourd’hui les discussions ont certes changé de sujet et les dénivelés n’entament en rien le souffle du randonneur sportif lancé dans le récit de ses nombreux exploits, ses lointains voyages, ses incontournables bobos ..ou ses sempiternels soucis de bureau ! Une fois les rochers passés , les deux groupes se rejoignent dans un clairière à l’heure sacrée du pique-nique. Tous s’éparpillent afin de trouver le confort ou le calme pour certains. La seconde partie de cette belle randonnée emprunte les longues allées rectilignes du GR13 notamment. En fait Fontainebleau, c’est la piste aux étoiles ! Celles où convergent ces sentes dont certaines accueillaient jadis les carioles ou carrosses de la bourgeoisie. Nombreuses et trompeuses, elles sèment souvent le doute chez le guide même le plus affûté..ou inattentif. Occasion rêvée pour Régis, futur pèlerin vers Compostelle de tester ses connaissances en orientation, carte IGN au 1:16.000e en main.

Cette randonnée débuta par la traversée du parc du château de Fontainebleau actuellement en rénovation

16h00, je regarde une dernière fois le tracé numérique violet s’afficher point par point sur l’App Iphigénie du smartphone, nous approchons de Bourron-Marlotte. Enfin la gare est là, l’enregistrement indique 22,8 km au compteur. Le podomètre de ma montre Protrek Casio confirme la distance. Chapeau du geek Christine pour la précision et merci pour cette belle journée ! Le printemps est imminent et l’affluence de randonneurs devrait encore grimper en Ile-de France. Rançon du succès pour cette association qui profite (ou subit ? ) l’engouement post-Covid pour cette activité et qui devra désormais doubler ou tripler les groupes afin de conserver convivialité et homogénéité. Le job de guide bénévole a plus que jamais de l’avenir. Et l’asso accueille toutes les vocations.

Richard Kirsch / Trekkingzone.fr

Revivez l’histoire des célèbres sentiers : https://trekkingzone.fr/2017/02/20/claude-francois-denecourt-le-pionnier-de-la-randonnee-pedestre-1788-1875/

Guide Numérique de la Randonnée 2023 . Téléchargement PDF gratuit. (don de soutien)

Bonjour à tous les randonneurs en route …vers le futur ! Voici une compilation des principaux outils numériques mis à notre disposition en termes de positionnement, d’orientation, de tracé et partage de parcours. Ce petit guide concerne les randonneurs et les cyclistes. Les futurs marcheurs sur les chemins de Compostelle y découvriront les meilleurs applications pour smartphone pour préparer leur aventure et la vivre en toute sécurité . Un shopping numérique résume quelques uns des assistants connectés, des GPS et des balises de secours destinées aux trekkers. Si ce guide vous a plu , encouragez l’auteur à récidiver l’an prochain en publiant toute l’actualité de ces pratiques . Bonne balade !