
Héros d’un conte des frères Grimm publié en 1812, plus tard du film de Disney, Blanche Neige et les 7 nains ne cessent de fasciner enfants, psychanalystes ou humoristes comme le feu dessinateur Gotlib (je vous conseille de vous procurer la BD très chaude » Blanche Neige et les 7 mains« ). Il existe toutefois une foule d’autres parodies sur cette jeune vierge, romantique et un peu niaise entourée de ses colocs barbus.
Hormis le fait que les nains de jardin m’amusent toujours, les 7 personnages du conte m’intéressent en tant que marcheurs. Cette bande qui se rend à pied au boulot à pied chaque matin m’interpelle car elle rassemble en effet plusieurs des traits de caractère du randonneur ordinaire que l’on fréquente dans les associations lors de nos sorties dominicales ou en trek organisé. Aussi je vais franchir le pas en faisant un parallèle osé. Portraits.
Atchoum . La nature se montre parfois hostile. Dès le printemps, ce randonneur allergique aux pollens va subir un véritable calvaire et le partager avec ces compagnons de balade. Après les premiers « à tes souhaits », « à tes amours ».. et autres civilités d’usage plus ou moins sincères, le groupe, allergique aux interminables éternuements, finit par se lasser. ( Avouons que cette compassion n’ a guère de sens après plusieurs kilomètres.) Derrière cet abandon se cache aussi une véritable crainte, celle de la contagion ! Si Atchoum a l’honnêteté de ne pas faire la bise à tous au point de rendez-vous, le randonneur en bonne santé préfère éviter les miasmes pervers véhiculés par une bourrasque soudaine. C’est connu, les groupes de randonnée regorgent d’hypocondriaques (dont moi !). Certains ne quittent jamais leur solution alcoolisée ou évitent d’ailleurs de boire le rosé dans le verre de leur voisin . De grands moments de solitude pour Atchoum qui guette l’arrivée de la chaleur humide pour partager ses connaissances des pathologies allergiques avec celles des experts en moustiques ou encore en tiques, leurs ennemis communs providentiels .
Joyeux . Le bonheur est-il communicatif ? C’est ce que semble croire le randonneur Joyeux en diffusant à la cantonade sa perpétuelle bonne humeur. Cette euphorie peut durer des heures entières. Même la fatigue semble ne pouvoir altérer cette joie de vivre sublimée en rando par la convivialité et l’immersion dans un univers verdoyant baigné de soleil. Il est heureux le randonneur Joyeux mais son exubérance reste hélas parfois mal comprise. Doté d’un moral 100% inox il est le seul à garder le sourire lors d’une journée pourrie par la pluie. Attentif aux malheurs des autres, il sait trouver les mots justes pour redonner la gaité à celui souffrant depuis quinze kilomètres d’un genou usé par l’arthrite ou à celle dont la situation érotico-sentimentale reste un fiasco depuis des lustres. Jamais avare d’une bonne blague, ce véritable boute-en-train de la rando se nourrit des rires des randonneurs. L’ambiance peut néanmoins devenir pesante lorsque deux Joyeux se rencontrent et se livrent à une surenchère de joie. On n’est alors pas très loin de l’overdose.
Prof. Activité de détente par excellence la randonnée n’en demeure pas moins le théâtre d’ échanges philosophiques, politiques, scientifiques . Un parcours de 20 à 30 km permet aux plus érudits de s’exprimer face à un auditoire condamné à l’écoute car dépourvu de véritable échappatoire. Tous marchant dans la même direction pour atteindre le même but, on peut néanmoins accélérer ou réduire sa vitesse pour fuir le Prof du jour. Qu’importe le sujet, taïchi, économie capitaliste, bouffe bio, le Prof maîtrise son affaire jusqu’à la pointe de bâtons. Cas particulier : le Prof de rando, généralement appelé le guide puisqu’il est le seul à connaître le tracé de l’itinéraire et les horaires des trains du retour. De préférence expérimenté, Il est généralement incollable sur la plupart des GR, PR de l’Hexagone dont il collectionne les cartes IGN depuis plus de trente ans. Ce qui donne toute la dimension à ce statut et force normalement le respect des guidés. Le prof de rando dit » à l’ancienne « , oui, comme la moutarde, connaît peu les applications GPS pour smartphone et manque souvent d’arguments pour contrer ceux de la nouvelle génération connectée. Alors il comble ces lacunes par de l’autorité et en adoptant un rythme commando. Le silence et l’épuisement marchent de paire en rando. Le prof de rando, lui, a la santé et ne ménage pas ses efforts pour le manifester. Un moment devant, il s’immerge un instant dans le groupe pour raconter des anecdotes vécues lors de son trip en Asie. On le retrouve soudain derrière pour recadrer les retardataires. Bref Il est partout, a marché partout , ce qui suscite forcément l’admiration de randonneuses crédules en quête de sensations. Avec ce prof, l’aventure est au coin.. du chemin.
Simplet. Alors que le marcheur Joyeux est conscient de son bonheur de vivre qu’il distille sans compter, Simplet semble voyager dans un monde intérieur déconnecté. Ne lui demandez pas la longueur du parcours et plus encore où il se trouve après trois heures de marche. D’abord il s’en moque puisqu’il a juste lu le lieu du rendez-vous. S’il est parisien, il sait que son Pass Navigo ne l’emmènera pas au-delà des 5 zones d’Ile-de-France. Alors pourquoi s’en faire. Cela fait longtemps qu’il a renoncé aux conversations et aux débats qui agitent les randonneurs si intelligents. Mieux vaut admirer les fleurs du chemin et songer à intervalles réguliers au déjeuner, à ce moment où les desserts font leur ronde de main en main et que le vin l’enivre juste ce qu’il faut pour se sentir mieux que bien. Alors il s’étend sur l’herbe tendre les pieds nus, orteils en bouquets de violette écoutant d’une oreille distraite une vague histoire d’un vague homme politique. Puis il somnole, se réveille en sursaut. Il faut paraît il repartir ? Ah bon, s’étonne-t-il en regroupant ses affaires à la hâte dans son sac-à-dos trop petit. Il marche et rêve à la fois, Simplet.
Timide. A l’inverse de cette Blanche Neige plutôt à l’aise entourée de sa dream team de mâles modèle réduit, la randonneuse timide ne fait pas de vagues et reste blottie dans le peloton en silence . Il lui faut parfois plusieurs kilomètres pour entrer enfin dans la conversation d’une meneuse volubile. Elle marche les yeux rivés sur le chemin et parfois sourit au randonneur qui la croise, en baissant les yeux . Soudain, il ralentit. Que me veut-il ? Que vais-je répondre ? Eu oui, j ‘aime la rando, c ‘est bon pour le moral et la santé. Zut il est parti, quelle cruche ! Le marcheur s’en veut, elle avait l’air sympa et bien roulée dans son short Décath en polyamide . Ils sont comme çà les timides, jamais synchro, toujours à la recherche du mot juste. Il faut attendre le pique -nique pour qu’ils s’offrent une seconde chance. Elle s’assoie sur un rocher, il tourne depuis cinq minutes puis se pose à trois mètres d’elle , la distance suffisante pour éviter de jouer les pots de colle et lui parler le moment venu. L’apéro et la circulation des amuse-gueules favorisent le dégèle. Les autres observent le manège, la timide se fait draguer par un timide, ils ne sont pas sortis de l’auberge. N’écoutant que son courage, il se lève d’un bond et lui propose ses brochettes tomate-mozzarella en ajoutant « du fait maison ». Elle pique un fard plus écarlate que les tomates et murmure qu’elle adore les poivrons au camembert en brochette ! Faut dire qu’elle vient d’ôter ses lunettes de vue solaires. Il se marre, le timide, elle s’enfonce de deux pieds sous terre la timide. Ils repartent une heure plus tard, elle pouffe de rire encore quand d’emblée le timide sous le charme se paie une racine . Les timides ne s’ennuient jamais en rando.
Dormeur. Quand son réveil a sonné pour la quatrième fois, il réalise enfin qu’une rando est au programme de son dimanche. Il s’habille en toute hâte et s’engouffre dans le métro. Il lui faut douze stations pour rejoindre la gare Montparnasse. Par malheur il s’est assoupi et a raté la gare. il court alors dans l’escalier pour reprendre une rame en sens inverse. Il cavale comme un dingue, ses compagnons de rando montent déjà dans le train. Épuisé Il s’écroule sur la banquette, tente de se joindre à un débat matinal histoire de la jouer convivial. Mais en vain après deux minutes d’effort, il s’endort sur son sac à dos dans l’indifférence générale. Heureusement le niveau sonore du débat cache son ronflement léger. Il sursaute violemment lorsque dans un demi sommeil il comprend : on descend !.. Une randonneuse le rassure » à la prochaine seulement ». Il rêve d’un triple café lorsque le groupe se met en marche. Son podomètre affiche 12 km, un coup de pompe venu d’ailleurs l’envahit. Par miracle c’est l’heure du déj. Après un casse-croûte copieux il savoure la sieste réglementaire de 45 mn pour repartir dans le comas et boucler le parcours. La fin de rando et le retour en train sont des instants magiques car le roupillon qu’il pique jusqu’à l’arrivée trouve ici enfin toute sa légitimité.
Grincheux– Parmi les groupe de randonneurs, il en existe toujours un qui râle. En général c’est souvent le même. Ce signe chronique de mauvaise humeur, de contrariété permanente, ou de frustration profonde d’origine inconnue peut intervenir à n’importe quel moment de la sortie. il peut s’agir de l’heure trop matinale du rendez-vous, de la longueur excessive du parcours, du rythme trop lent ou trop rapide de la marche, des caprices météo etc.. etc..Le grincheux de service peut par moment s’isoler du groupe pour une raison inconnue, afficher une joie soudaine inexpliquée. Enfin il existe des grincheux de type « révoltés » . Il grinche alors contre l’inégalité d’une société injuste et élitiste, d’un état de la planète en pleine décadence, contre aussi d’une foule d’autres sujets insatisfaction. Qu’importe. Sur une longue distance le grincheux peut en passer plusieurs en revue en changeant d’interlocuteur. Il peut aussi évoquer le même sujet avec plusieurs victimes sans le réaliser, ou gâcher la sieste de tout le groupe par une râlerie non-stop. Le grincheux de randonnée est un être à part qui ne connaît ni la fatigue ni le plaisir de la contemplation silencieuse. Bref un emmerdeur !
Remerciements aux Studios Disney pour ces illustrations
J’ai bien ri en lisant ces portraits, voilà un article original ! Moi je crois que je suis un mélange de plusieurs les nains ^^ Tantôt prof, tantôt Simplet, tantôt Grincheux… selon l’inspiration 😉 Il n’y a que Dormeur dans lequel je ne me reconnais pas… quand je sais que je pars en rando, je saute dans mes chaussures illico !
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