Randonnée urbaine à la découverte du Croult

Nous étions une trentaine de marcheurs en ce mois de juin 2023 à nous réunir à la Gare RER de Villiers le Bel à l’invitation du Voyage Métropolitain. La canicule persistance des derniers jours ayant « refroidi » de nombreux inscrits ! De nouveau cette association nous proposait de partir en exploration d’un territoire francilien, de ses réalisations et les problèmes récurrent à notre région ou s’affrontent depuis des décennies : la nature et l’urbanisation. D’un côté les terres agricoles nourricières de Paris (ou ce qu’il en reste) , de l’autre l’habitat , les voies d’accès et les grandes surfaces. Le pot de terre contre le saut de béton. Triste fable. Si le rapport de force reste disproportionné, il faut cependant se réjouir que la lutte pour la protection de l’environnent marque désormais des points. Les initiatives locales se multiplient .

Un parcours de 16 km entre Villiers Le Bel et Louvres, de gare à gare

Téléchargez la trace de cette randonnée périurbaine au format .gpx ICI

Comme de coutume, Jens, notre organisateur , étala ses cartes IGN et sa bibliographie sur le trottoir de la gare. La zone concernée courrait sur les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise. Les regards se fixèrent sur un petit court d’eau anodin : le Croult . Il illustre à lui seul toute la maltraitance infligée à notre hydrologie depuis des siècles sous la poussée de l’industrie ou de cette urbanisation cannibale.

Présentation du parcours sur les cartes IGN au 1:25.000e
Un ouvrage de référence pour approfondir le sujet.

Combien de ces rivières composantes oubliées du bassin versant de la Seine ont ainsi été prises pour des égouts, canalisées dans le ciment, polluées au point d’en devenir insalubres et d’être recouvertes ? Il a fallut attendre bien années pour comprendre enfin que ce foisonnement de rus constituait une formidable richesse naturelle à exploiter, à faire renaître . Une de ces missions fut confiée au SIAH du Croult et du Petit Rosne (Syndicat Intercommunal d’aménagement Hydrologique) , sous la direction d’Eric Chanal.

Le Croult artificialisé. (en bas : Eric Chanal directeur du SIAH)
Le Croult a retrouvé sa beauté d’antan et abrite désormais des écosystèmes complexes

Durant une dizaine de kilomètres, cet ingénieur va guider notre groupe, à forte composante d’architectes ce jour-là, sur les rives du Croult afin de nous exposer les aménagements réalisés. Après avoir traversé Arnouville et Gonesse en traversant une zone pavillonnaire, nous découvrons le sujet de notre venue. Le Croult n’est ici qu’un ruisseau emprisonné dans son étau de béton, Eric Chanal nous livre les premières explications. Derrière son air sage, le débit du Croult gonflé par les pluies pouvait atteindre 10 m3/sec, il débordait alors et inondait une bonne partie de cette banlieue. Depuis des bassins « écrêteurs » viennent régulariser les sauts d’humeur de tous ces cours artificialisés, le temps est venu de rendre l’eau de nouveau visible. Le long de cette balade le groupe va ainsi découvrir l’énorme effort déployé depuis dix ans ans par la SIAH pour redonner au Croult, long de 25 km, son costume de verdure sur seulement 800 m pour une dépense de 3 millions d’euros ! Cette renaissance s’inscrit dans un programme plus vaste comme le précise Eric Chanal : « Nous avons dix projets en cours notamment au Vignois vers la confluence du Petit Rosne dont la traversée de Gonesse. » . Car sans médiatisation et depuis vingt ans, l’aménagement des fonds de vallée ne cesse de progresser.

La rivière fait de nouveau le bonheur des pêcheurs et des promeneurs
Ici une zone humide de fond de vallée côtoie désormais les grandes surfaces

Des espaces végétalisés ont transformé le décor, des écosystèmes s’y développent avec la sédentarisation de certaines espèces d’oiseaux en pleine zone urbaine, juste aux pieds d’un Leroy Merlin ! Le défi est colossal, en terme d’investissement bien sûr , mais aussi pour faire évaluer les mentalités et s’affranchir de certaines craintes comme une prolifération de moustiques due aux zones humides. En arrivant au bel étang du Thillay, les marcheurs du Voyage Métropolitain commencent alors à cerner les résultats de ces actions, de cette volonté voire de cet entêtement à sauver les moindres mètres carrés de nature encastrés dans le milieu urbain . Les pistes cyclables et des sentiers de promenades témoignent de cette volonté d’ouvrir ces nouveaux espaces au public. En parallèle à ces réalisations, et d’ailleurs c’est une généralité, des fouilles préventives ont lieu sur chaque chantier. Melaine Lefeuvre, conservateur au Musée Archéa de Louvres interviendra régulièrement durant cette randonnée.

Lé région au XIXe .
Melaine Lefeuvre évoque les restes recueillis dans le tumulus découvert

« Sous le béton l’histoire millénaire affleure parfois , il suffit parfois de creuser et découvrir par chance ou par hasard des vestiges d’une grande richesse » raconte-t-il en nous faisant visiter les fouilles du château d’Orville illustrées d’une étonnante reconstitution 3D ou évoquant la découverte en 2017 d’un village gaulois et d’un tumulus gigantesque datant de l’Age de Bronze. Que découvriront les archéologues dans les prochains siècles lorsqu’il creuseront le sol du Parc de la Patte d’Oie à proximité ? La question est sournoise car cet espace vert vallonné cache en effet des tonnes d’ordures enfouies et recouvertes d’un manteau protecteur qui les rend invisibles ! Le conservateur nous conviera en fin de parcours à venir admirer ces trésors au Musée et clore cette balade autour d’une collation.

Ce que fut le château d’Orville
Comment enfouir durablement les ordures et faire de la Patte d’Oie un parc verdoyant !
Vieux Goussainville, village fantôme

Entre temps les participants purent se ravitailler en eau dans une salle commune du Vieux Goussainville et surtout écouter le récit de Philippe Vieillard, l’épopée d’un combat impossible, inégal , Don Quichotien contre l’aéroport de Roissy. En 1973, au moment de la construction de l’aéroport, ADP propose aux habitants de racheter leurs maisons, à des prix plutôt attractifs. Une grande partie du village part, le centre ville de Goussainville se déplace et le village devient le vieux Goussainville, mais sur les 1000 habitants, 350 décident de rester. S’en suivront des luttes juridiques à rebondissements. Il ne reste aujourd’hui qu’un « village fantôme » dont les maisons souvent murées tombent en ruine et le goût d’un immense gâchis dans la mémoire de Philippe Vieillard.

Fin de rando au splendide musée Archea de Louvres pour la trentaine de participants

Le temps d’une journée éprouvante mais passionnante, le Voyage Métropolitain nous a encore immergé dans le passé parfois douloureux de cette région aux deux aéroports, à l’urbanisation plus ou moins maîtrisée mais également fait mesurer sa réelle détermination à remettre en valeur son patrimoine naturel trop longtemps martyrisé.

Richard Kirsch

Débriefing habituel chez le Voyage Métropolitain lors d’une dégustation de bières artisanales dans le centre de Louvres

D’autres ressources

– le livre sur le Croult et le Petit Rosne

En 2017, le SIAH a publié l’ouvrage Croult et Petit Rosne – empreintes et renaissance de deux rivières du Val d’Oise que vous pouvez commander gratuitement auprès du SIAH en écrivant à monlivre@siah-croult.org. Le site du SIAH est aussi très riche en informations. 

Sur le site du Musée Archéa, vous trouvez beaucoup de ressources, d’informations et de visites sur le territoire – également sur le site archéologique d’Orville.

– le Vieux Goussainville . Pour continuer la visite avec Philippe Vieillard et en apprendre davantage sur l’aventure de la défense et du sauvetage du village, vous pouvez l’écouter sur FranceInter, le suivre dans un article de Libération datant de 1995 ou encore le lire dans celui du Temps, datant de 2016.

Le Vieux Goussainville a également été un des sites du concours Europan. Cet article très complet de la revue surmesure raconte le projet de l’équipe lauréate, qui est aussi à l’origine de la curieuse sculpture que nous avons croisé à la sortie du village.  

– références et liens

– l’Espace naturel du Vignois : https://www.arb-idf.fr/article/zone-dexpansion-des-crues-et-biodiversite-urbaine/ 

– un article du le tumulus du Parc de la Patte d’Oie : https://hal.science/hal-01485844/document

– la préhistoire et l’antiquité à Gonesse : https://www.ville-gonesse.fr/content/pr%C3%A9histoire-et-antiquit%C3%A9-%C3%A0-gonesse 

– le projet du Parc des trois Vallées de l’Institut Paris Region

– la ferme – brasserie d’Orville : https://brasseriedorville.com/

– petite bibliographie des cours d’eau

– L’histoire d’un ruisseau, Elisée Reclus (en ligne sur gallica.fr).

– Les veines de la terre – une anthologie des bassins versants, Marin Schaffner, Mathias Rollot, François Guerroué

– H2O – les eaux de l’oubli, Ivan Illich

– Histoires d’eau en Val de France, Catherine Roth, 2010, à télécharger ici (Val de France étant l’ancienne communauté d’agglomération incluant Arnouville)

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