C’est parti pour un tour avec le Voyage Métropolitain ! Le tour du boulevard périphérique parisien bien sûr avec cette troisième étape entre les portes de la Villette et de Champerret. Le brief de Jens et Marion se fait sur le parvis de la Cité des Sciences et près de 70 marcheurs y assistent. Oubliée la pluie du tronçon précédent, les randonneurs péri-urbains effectueront ce périple sous un soleil automnal .



Avant de quitter la Villette, notre guide nous invite à nous replonger dans son histoire . En 1867, 39 puis 54 hectares de marchés aux bestiaux et d’abattoirs alimentaient en viande les parisiens suite au regroupement sur un seul site des marchés de Poissy et Sceaux. Des milliers de bêtes arrivaient ici par le train de la Petite Ceinture. Activité démesurée , souvent contestée tant la condition animale était précaire, l’hygiène insuffisante ; les excès en tous genres des gros bras défiaient la chronique. (voir ci-dessous le livre sur la Cité de Sang)
En 1973 le site sera démoli pour laisser la place au Parc de la Villette. Il ne subsiste aujourd’hui que quelques grossistes en fond de cours et des restaurants vivant sur une réputation bien lointaine. Le groupe se dirige en bon ordre sur les berges du canal de Saint-Denis . Difficile d’imaginer l’effervescence de ce passé , les rénovations ont métamorphosé le décor avec des succès mais aussi des échecs dont le centre commercial du Millénaire de la porte d’Aubervilliers reste le plus cuisant .

Sur les 140 commerces ouverts en 2011 , 32 subsistent aujourd’hui. Le Millénaire sera même qualifié de « Walking Dead » dans les médias . Les navettes prévues pour acheminer la clientèle depuis le métro ne sortent plus que le dimanche, le concept a vécu et a coulé. Comme beaucoup d’endroits de la capitale situés hors zones touristiques, ce canal et ses bosquets sont devenus des lieux de campements des réfugiés de passage et du trafic de crack.
Certaines sources affirment que 13.000 d’entre eux auraient ainsi été placés en province à cette occasion. Nous empruntons les boulevards de Maréchaux à la Porte Pouchet afin de visiter une nouveau tronçon aménagé sur l’ancienne Petite Ceinture ferroviaire . Hélas « les Jardins de Traverses » inaugurés récemment étaient fermés ce jour là. Ces espaces récupérés et rendus aux piétons se veulent à la fois ludiques, culturels et parfois nourriciers. Ils illustrent ce nouvel élan de la capitale et des associations locales pour valoriser le moindre mètre carré de verdure.

Et rien n’est jamais gagné. Cette partie nord de la ville impose aussi sa modernité bétonnée depuis une décennie. Les communes ont fait des ponts d’or fiscaux aux entreprises pour les attirer et les lignes de métro débordent désormais du Périph dans le cadre du Grand Paris Express . Demain 63 nouvelles gares rentreront en service en Ile-de-France atteinte de gigantisme. La haute couture ou la confection bon marché « made in China » s’incrustent dans la banlieue hier encore « défavorisée » . Qui aurait imaginé que Célio et même Chanel installerait leur siège à Aubervilliers, Pantin ou Montreuil ? Les exemples de cette mutation ne manquent pas comme le prouvent l’éclosion du campus Condorcet, prolongement en banlieue de l’Université de Panthéon Sorbonne la Chapelle Internationale , ou l’Arena Adidas, nouveau temple du sport spectacle. On ne compte plus les réalisations qui ont émergé ici et remplacé ces quartiers populaires où se mêlaient à une population ouvrière et cosmopolite de portugais, maghrébins ou africains en exil , ultimes naufragés de nos colonies démantelées.

Arrivés à St Ouen, les randonneurs découvrent l’immense chantier du mythique Stade Bauer, celui de l’équipe historique du Red Star née ici en 1897. Le temps a passé mais rien ne semble avoir estomper la passion. Nous arrivons en plein derby du club face au Paris FC et les supporters des deux bords s’observent à distance sous la surveillance des CRS ! Le match va commencer et déjà l’éternel bistrot L’Olympic connaît l’effervescence des grands jours malgré les imposants travaux en cours . Demain ce n’est plus 5000 supporters qui viendront dans les nouvelles infrastructures mais 10.000 ! Mais au plus fort de ce lifting à 190 millions d’euros , les habitants de l’immeuble de la Planète Z collé au stade, continueront à encourager le Red Star de leurs fenêtres , la quatrième tribune du Stade Bauer !
Nous le quittons pour rejoindre les Puces de Clignancourt à deux pas et pique-niquer dans un petit parc près à l’entrée du marché Serpette , un des plus chics de cet ensemble. Ne pas se fier aux apparences, aux Puces de Clignancourt se côtoient les extrêmes, des marchands de fringues, aux antiquaires , aux brocanteurs en passant par le degré zéro des vendeurs de la rue qui tentent de survivre, étalant leurs loques sur les trottoirs où ils se font expulser par les services municipaux de la voierie sous la protection de la police municipale. Les siècles se sont succédés , ces damnés du bitume ne sont que les héritiers de ces chiffonniers de Paris qui nettoyaient alors les ruisseaux de Paris . Eux au moins valorisaient les déchets récupérés sous la forme de pâte à papier et autres matériaux du quotidien. Enfin.. jusqu’au jour où messieurs Haussmann et Poubelle et changèrent la donne, il est vrai pour le plus grand bien d’une cité d’une insupportable saleté. Les menaces de guerre oubliées, les Fortifs seront détruites, la « zone » épurée .
Et des décennies plus tard , sur cette même couronne, Paris asphyxié par la circulation automobile construira ce boulevard circulaire que nous longeons et qui demeure encore une frontière physique et psychologique pour bien des Parisiens. Restauré et reposé, le groupe met le cap vers l’ouest , dans le quartier des Batignolles, autre illustration de cette rénovation à grande échelle . Nous passons rue Rebière. Elle rassemble sur quelques centaines de mètres les projets ambitieux de jeunes architectes de l’OPAC , des parcelles livrées à leur imagination, à leur audace. Le bois, le verre ou l’acier reprennent le pouvoir.



Les terrasses, les surplombs cassent les codes de la construction des années 70. Constructions, rénovations, du passé ils font table rase. De 2006 à 2011 Les architectes Jean-Philippe Vassal, Anne Lacaton et Frédéric Druot s’attaquèrent déjà au volume de la tour Bois le Prêtre en lui collant des modules préfabriqués. Ce défi deviendra leur réalisation emblématique. La demande de logements est criante à Paris et les architectes rivalisent d’idées pour s’affranchir des barres tout en restant des budgets restreints. Il fallait trouver de l’espace, sept villes nouvelles poussèrent ainsi en grande banlieue. Certains architectes ont coopéré avec des paysagistes comme Michel Courageoux et Paul Chemetov dans les années 70-80. Leurs travaux suivent une ligne novatrice : pas de matériaux chers mais davantage de grands espaces et plus de coursives. Quelle créativité et quelle provocation ! Square Pasteur, le HLM aux balcons au profil de voitures se veut comme un miroir du Périph voisin !
La troupe poursuit sa route et retrouve le boulevard un peu plus loin, au cimetière des Batignolles. Celui-ci n’est pas le plus beau de la Capitale , ni le plus silencieux car ses morts prestigieux y reposent parfois sous les longerons de béton de l’artère circulaire. Changement d’époque, changement de techniques, les démarches environnementales dictent désormais leur loi ici au nouveau Palais de Justice de Paris, dont les trois cubes dominent la porte Clichy et s’enflamment sous le soleil couchant. Nous voici maintenant à la Plaine Monceau, une bande de terrain qui en 1853 s’étendait jusqu’à la Porte Maillot.

Le baron Haussmann y percera de larges axes de circulation . Une voie ferrée reliera l’embarcadère de la place de l’Europe à Auteuil , un avant goût de ce qu’on appellera le métro, le progrès. Les immeubles ciselés et majestueux marquent le caractère résidentiel de cet arrondissement à l’approche de Neuilly sur Seine, un autre monde à des années lumières de la Seine-Saint-Denis. Avant de terminer cette troisième rando au pays du Périph nous croisons la silhouette de l’Eglise Saint-Odile qui toise de toute sa hauteur le boulevard Gouvion-St Cyr.
Demain le Voyage Métropolitain continuera son orbite autour de Paris par la conquête de l’ouest.
Texte: Richard Kirsch , photos de l’auteur et archives (avec mes remerciements)
Etapes précédentes : https://trekkingzone.fr/2024/07/09/rando-au-pays-du-periph-2e-etape-bagnolet-aubervilliers/
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