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COLINA : « la randonnée itinérante pour dépasser les troubles psy»

L’association Colina organise des séjours rando sur plusieurs jours adaptés aux personnes fragilisées sous forme de binômes. Des résultats prometteurs qui pourraient être insérés dans les parcours de soin.

Les bienfaits de la marche sur notre santé ne sont plus à démontrer. La discipline agit en douceur sur notre métabolisme, renforce nos capacités cardiaques, circulatoires ou encore musculaires. Au-delà de ces bienfaits, elle jouerait plus encore sur notre état mental. L’effort mesuré dans un environnement naturel, comme les forêts ou le bord de mer, favorise un relâchement psychique bénéfique et nous pousse souvent à dépasser des limites que l’on ignorait. Laurence Reckford, fait partie de celles et ceux qui se lancer un jour sur un chemin de Compostelle, un voyage où elle put mesurer au quotidien les changements bénéfiques procurés par cette aventure itinérante.

Après un chemin de Compostelle révélateur, Laurence Reckford décline aujourd’hui cette expérience bénéfique en faveur des personnes atteintes de troubles psy.

Au fil des jours, elle est revenue à l’essentiel : avancer, prendre soin d’elle, profiter de chaque journée et partager douleurs et bonheurs lors de rencontres spontanées, même éphémères. Coach de formation, formatrice en premiers secours en santé mentale, Laurence a souhaité que ces bénéfices soient mis au service de jeunes adultes en rétablissement de troubles comme la dépression, la bipolarité ou la schizophrénie. Il ne s’agit pas de guérir mais contribuer par cette expérience au rétablissement pour avancer dans sa vie. En 2020, elle part ainsi à titre expérimental et amical, en randonnée durant une semaine avec des jeunes atteints de problèmes psychiques et leurs parents : tous prennent conscience de leur capacité dans l’effort, développent la communication au sein du groupe, s’investissent et montrent une réelle reprise de confiance en eux dans un environnement tout à fait nouveau.

Accompagnés d’une personne de confiance, ils retrouvent confiance en eux au fil des jours et partagent une aventure
Sortir du cadre quotidien, dépasser l’horizon et ses limites . Colina organise désormais 5 à 7 voyages par an à leur attention

Ces résultats ponctuels satisfaisants durant ce séjour la poussent à renouveler cette expérience. Les années suivantes, elle propose le projet à une association de proches. Une fois encore cette initiative est couronnée de succès. Laurence Reckford décide cette fois de monter une structure dédiée sous la forme d’une association : Colina. Les trois syllabes de ce nom en résument le caractère : Co comme corps , Li comme lien social et Na comme nature.

Une structure originale, des objectifs ambitieux et réalistes

L’organisation d’un séjour itinérant de randonnée avec des personnes mentalement plus vulnérables, à la condition physique incertaine demande une préparation plus rigoureuse. Au-delà de l’aspect logistique, il s’agit de « déminer le terrain », notamment en levant les appréhensions lors d’un briefing en exposant clairement le projet non seulement aux intéressés mais aussi à leur proche accompagnant. Car le concept de Colina passe par la formation d’un tel binôme. Un ami proche ou un membre de la famille, joue ici un rôle primordial par sa connaissance du marcheur et sa présence rassurante. Ce binôme va donc partager durant une semaine en moyenne une expérience souvent inédite au jour le jour, franchir ainsi des étapes et les libérer des préjugés. La victoire quotidienne sur la fatigue, la répétition de l’effort, la solidarité constante du groupe va leur redonner de l’énergie, une réelle confiance en eux et les aider ainsi au retour dans leur vie de tous les jours. Deux accompagnants de l’association assurent ici l’encadrement. Un débriefing systématique a lieu après chaque voyage et se complète par la rédaction d’un formulaire individuel d’évaluation. Après les marches, des projets d’accompagnement personnel seront proposés.

Colina programme 5 marches en 2023 sur toute la France, 7 l’an prochain, et s’adresse aux personnes de 18 -35 ans atteintes de ces pathologies, une tranche d’âge ciblée pour attirer les jeunes adultes. Avec ces résultats positifs, Laurence Reckford et son équipe développent sa communication auprès des intermédiaires de santé ou d’insertion, cherchent à assurer le financement de l’association et pourquoi pas collaborer au parcours de soin global de certains hôpitaux ou de spécialistes indépendants en psychiatrie.

Richard Kirsch

Contact : contact@colina-asso.org

site : https://colina-asso.org/

Rando-psycho 4 : le phénomène « et toi, tamalou ?! « 

Nous avons longtemps évoquer, partager ici les joies, le bonheur de la randonnée. Si notre activité de loisir préférée est synonyme de plaisir, il n’empêche que marcher longtemps peut s’avérer une douleur. Dès lors le randonneur à peine arrivé sur le terrain préfère d’emblée aborder le sujet notamment, s’il n’est pas très en forme ce jour-là, en exposant ces maux à un interlocuteur bienveillant susceptible de l’écouter durant un, deux voire plusieurs kilomètres. Il peut ainsi évoquer sa dernière opération du genou qui ne manque de provoquer quelques souffrances diffuses les jours de pluie, ou ses problèmes d’estomac dus à la prise d’anti-inflammatoire pour le dit- genou. L’interlocuteur se montre généralement compatissant avant de recevoir l’inévitable question-boomerang :  » et toi , t’as mal où ? » . Deux sortes de réponse peuvent alors être données . Soit vous n’avez mal nul part et l’avouer serait faire preuve d’un cruel manque de sens du partage et plonger le souffrant dans la plus implacable solitude. Soit en vous montrant compatissant, en évoquant si possible vos propres déboires, même lointains ou largement amplifiés. Qu’importe, l ‘essentiel reste à convaincre que le tamalou n’est pas seul au monde et que son mal n’est pas incurable. Si par malchance vous n’avez jamais connu une telle pathologie, n’hésitez pas à évoquer celle d’un copain du cousin de machin. Ca marche ! Toutefois une telle stratégie peut vous exposer à la question embarrassante du randonneur :  » Est-ce qu’il a mal EXACTEMENT au même endroit ?  » . A cet instant comptez deux à trois kilomètres supplémentaires pour lui en faire la démonstration avec prudence sachant que ces connaissances en scanner, IRM, scintigraphie dépassent celles d’un interne en 3e année de médecine .

Qu’importe, l ‘essentiel reste à convaincre que le tamalou n’est pas seul au monde et que son mal n’est pas incurable

Vous l’aurez compris les douleurs de randonneurs se partagent, se commentent à grand renforts d’exemples personnels et constituent un des sujets majeurs de discussion et des alternatives aux thèmes professionnels comme le ras-le bol du télétravail, les promos qui tardent, les mutations menaçantes, le déménagement programmé du siège de la société et enfin l’ambiance délétère entre collègues .. etc.. Cependant le tamalou ne concerne étrangement que la souffrance physique. La véritable dépression, une blennorragie ou les peines de coeur ne sont que très rarement évoquées lors des randonnées, sauf extrême complicité ! Car le randonneur reste malgré tout stoïque et endure les douleurs du parcours les dents serrées, notamment dans les côtes très raides lorsque l’asphyxie stoppent net tous bavardages . Enfin, ne soyez pas surpris si au termes de longs kilomètres parcourus en compagnie d’un tel compagnon vous sentez soudain une douleur inconnue dans un membre. On touche ici au domaine du « tamalou psycho-somatisant« . N’y accordez guère plus d’importance et continuez votre chemin. Le phénomène du « tamalou » fait désormais partie de la totalité des clubs de randonnée où la moyenne d’âge dépasse largement la cinquantaine. A raison d’une écoute de tamalou par semaine, près quelques années passées dans une asso, vous avez de fortes chances d’avoir appris sur TOUTES les pathologies du randonneur ! Toutefois, certains de vos compagnons de marche habituels disparaissent parfois quelques semaines et reviennent en pleine forme, un mouvement naturel communément appelé le « turn-over de tamalou ».

Je terminerai ce chapitre par un témoignage personnel sur la douleur solitaire , celle d’un hypocondriaque. Je ne compte plus le nombre de pathologies imaginaires endurées .. SEUL durant mes cinq chemins de Compostelle . Sans personne à qui en parler !! Heureux pèlerins que je n’ai jamais croisés !!

Rando-psycho n°3 : les 7 péchés capitaux du randonneur

Malgré des apparences trompeuses,  ce promeneur anodin presque banal cache bien son jeu. Il est affligé à sa façon d’un ou plusieurs des 7 péchés capitaux ! Aussi, en ce vingt-huitième jour avant Pâques,  chers frères et sœurs, passons en détail ce qui nous afflige tous et nous voue à la justice divine !

La Colère

A cartoon hiker man looking angry.

Nous avons tous eu l’occasion de voir le randonneur piquer une de ses crises, notamment dans un cas particulier : lorsqu’il rate son train de retour d’une sortie pour rentrer chez lui. Alors que des kilomètres de marche doivent normalement lui apporter la détente, que la fatigue des dénivelés importants sont censés le plonger dans une sorte de béatitude, que la nature accueillante a tout pour apaiser son âme de citadin stressé, il n’ en est rien. Le randonneur errant sur le quai de la gare déserte et asphyxié par une course désespérée vers son train qui s’éloigne entre dans un état  second. Le malheureux guide sera le premier à en prendre pour son grade, accusé d’un manque flagrant d’anticipation. Puis il peste contre le groupe entier, cette bande d’incapables ne comprenant pas que cette condamnation à une heure d’attente le prive de son émission de télé favorite, que sa femme va encore lui faire une  scène, énième épisode d’une vie de couple au bord de la rupture ! Et puis l’homme est en colère contre lui-même, se jugeant déjà si peu endurant, à son âge, au point de ne pas pouvoir sprinter quelques dizaines de mètres. Dans les cas extrêmes, il passe de la colère au renoncement :  » La rando, c’est fini, l’heure de la pétanque ou de la pêche à la ligne a sonné ! » Et d’ajouter : « Faudra pas qu’on me cherche sinon ça va barder ». On ne se refait pas.

L’Envie ou la Convoitise

Regardez ce randonneur, un mec en pleine santé dont la libido ne peut être entamée par les 2 000 km qu’il avale chaque année. Son épouse s’en étonne parfois, elle qui aimerait finir son WE  tranquille sans avoir à se plier au devoir conjugal dominical avec ce compagnon inépuisable. Quant au randonneur célibataire lâché en liberté, aussi vert que la nature au printemps, il a du mal à contenir ses pulsions…, ses envies. L’affluence féminine dans les groupes de rando (80%) lui donne le tournis, réveille la bête qui dort en lui et il ne cesse de scanner les randonneuses sous toutes les coutures.  Insoupçonnable mateur, il évalue, scanne, mesure de son œil lubrique les courbes de chacune et se laisse porter par ses fantasmes à la vue d’un fessier magnifique. Le randonneur souffre ainsi le martyr dans les montées derrière tant de rondeurs ou durant les pique-niques d’été lorsque la randonneuse débarrassée enfin de ses oripeaux synthétiques dévoile une poitrine généreuse insoupçonnée. Cette envie le pousse à dépasser les limites de l’audace et de convoiter même la marcheuse esseulée ce jour-là, mariée, concubine ou pacsée. Bien sûr il se hait, tente de se raisonner, regarde la nature s’épanouir en guise de diversion, puis renonce devant des jambes bronzées. Il est déjà foutu !

L’Orgueil

Il le savait, il n’aurait pas dû écouter les récits des aventures des uns et des autres, et surtout il n’aurait pas dû s’inscrire à ce trek dans l’Himalaya alors qu’il peine chaque semaine à boucler les 20 km dans la forêt sans relief de Ferrière ou Saint-Germain-en-Laye. Mais l’orgueil du  randonneur ne connaît pas de frontière et son appétit d’exploit le met souvent au pied d’un sommet sans doute bien trop haut pour lui. Pourtant ce matin-là, en descendant du train à Bourron-Marlotte au fin fond de la Seine-et-Marne, il  imaginait déjà raconter à ses congénères du club de marche « seniors et crapahute… » buvant ses paroles comment « il en avait ch… » pour vaincre trois cols d’affilée à plus de 4 000 m. Cette performance aurait à coup sûr embellit son image auprès de la gent féminine. Raté. Au lieu de cela aujourd’hui il devait se murer dans le silence gardant au plus profond de lui son pitoyable secret : un rapatriement le premier jour après sa chute sur l’escalator à l’aéroport de Katmandou ! Destin cruel mais providentiel. Il avait au moins échappé à l’Himalaya. Ouf !

 

 

 

 

La Gourmandise

Prenons le cas de cette randonneuse lourdement chargée. Son sac à dos n’a rien à envier à celui d’une trekkeuse partant trois semaines camper au Cap Nord en autonomie totale. Et pourquoi ? Il contient suffisamment de nourriture pour résister plusieurs jours à une prise d’otage. Son contenu de friandises en tous genres à de quoi vaincre les crises d’hypoglycémie d’un bataillon de chasseurs alpins à l’exercice. Et oui, c’est une gourmande, elle ne s’en cache pas. Et comment le pourrait-t-elle lorsque chacune des coutures de son short crie pitié ?! La randonneuse gourmande ne se contente pas de ses propres réserves. A l ‘heure du pique-nique, comptez sur elle pour trouver une place stratégique au milieu du groupe, histoire de ne rien rater de la ronde des desserts gentiment préparés par les autres. On ne la verra jamais refuser une portion de cake, même mal cuit, ni faire passer une assiette sans prélever son dû et d’en reprendre même au retour ! Enfin, au fil des tours de plats, une fois rassasiée la gourmande cumule, thésaurise, stocke… pour le voyage du retour !

La Luxure

A l’origine, la Luxure désigne l’expression d’un désir désordonné, d’une jouissance déréglée. Il s’agit de la recherche sans retenue des plaisirs de l’amour physique, des plaisirs sensuels. Une sorte de débauche. On distingue trois sortes de péchés en chair : le blasphème (juron), l’intempérance (l’excès) et la luxure. D’après Dante, la luxure fait partie du deuxième cercle de l’Enfer ! A première vue, le randonneur lambda suant sur les sentiers boueux un matin d’hiver ne présente pas de signe apparent de luxure.  Cependant au fil des kilomètres  ou après un pique-nique particulièrement arrosé, il peut se livrer à certaines confessions voire montrer quelques photos très intimes. La découverte de ce randonneur dans le plus simple appareil en train de butiner cette randonneuse que vous trouviez si sage voire coincée a de quoi provoquer  soit l’indignation soit déclencher des phantasmes inavoués. Nous ne remercierons jamais assez le randonneur « luxurant » qui apporte une touche érotique si rare dans le monde de la rando si peu sexy !

 

 

 

 

L’Avarice

Vous et moi croisons souvent ce randonneur ou cette randonneuse équipé comme l’as de pic depuis des années malgré une situation financière satisfaisante. Son sac à dos raccommodé de toutes parts remonte probablement aux premières ascensions alpines, et son dernier shopping de fringues dans un magasin de sport correspond sûrement à l’ouverture du premier Trigano !  Derrière un côté vintage sympathique se cache en fait le vrai radin. On ne le voit jamais prendre un verre à la fin de la randonnée et encore moins payer sa tournée. Si par miracle  il se fait piéger à s’assoir à une table, il s’arrange toujours pour ne plus avoir de monnaie. Depuis vingt ans il n’a jamais cassé son PEL plein à craquer pour se payer un trek organisé à l’étranger. La caricature semble grossière mais c’est bien une réalité. Prenons par exemple les chemins de Compostelle. Bien des pèlerins finissent pas devenir radins à force de rechercher les gîtes les moins chers et ne viser que les  menus de pèlerin bon marché, même les plus infâmes !

La Paresse

Pénétrons discrètement chez ce randonneur qui peine à émerger après la quatrième sonnerie de son réveil. Dans un semi comas il repense  à son rendez-vous à la gare avec le groupe. Il se lève avec mille efforts, constate que le temps est à la pluie et se recouche. Accablé de culpabilité, il se relève tout de même pour se préparer son déjeuner et constate qu’il n’ a plus de pain… trop flemmard  pour en acheter hier soir. Il ouvre le congélateur pour en tirer une baguette surgelée, puis le referme. A quoi bon, se dit-il, le temps est pourri, en se massant soudain  une cheville étrangement endolorie. Après un diagnostique express il conclut à un début probable d’entorse. Pas le moment d’aggraver le mal, faut être raisonnable et savoir renoncer ! Pourtant, il a fini par rejoindre ses congénères sur cette randonnée, rien de bien méchant, juste une vingtaine de kilomètres. Personne n’a vraiment compris pourquoi il a quitté la rando pour rejoindre une gare à mi-parcours. C’est la quatrième fois depuis le début de l’année… une fatigue tenace sans doute ?!

(Remerciements à tous les talentueux dessinateurs) et chouba.fr