Archives du mot-clé Fishermen s trail

kif et double au Portugal : Rota Vicentina & Camino de la costa

Partir loin, repartir seul ou pas , se délester du superflu pour revenir à l’essentiel. Avancer au rythme de 4 km/h, le plus lent du terrien ! Remettre sous tension sa pile AAA (Anticipation, Autonomie, Adaptation). Dégager l’horizon, dépasser ses limites, ses préjugés, ses angoisses. Se réjouir des rencontres spontanées, de les rompre un matin sans culpabilité, savourer l’itinérance et revenir chaque fois plus riche, apaisé et encore ivre de liberté .

Après une très longue marche l’an passé sur la Via de la Plata entre Séville et Saint-Jacques de Compostelle, j’avais besoin de revenir vers plus de civilisation. Cela faisait bien une décennie que la Rota Vicentina promue au rang de «L’un des plus beaux parcours côtiers d’Europe» me faisait de l’œil. Je me documentais sur le parcours proposé, il s’agissait d’une belle balade d’une douzaine de jours avec des capacités d’hébergement suffisantes et aux prix « corrects ». Adjugé ! Toutefois ce programme plutôt court ne pouvait à lui seul apaiser mon appétit d’évasion alors j’entrepris de compléter le voyage dans la péninsule ibérique en enchaînant le Camino Portugais de la costa depuis Porto. C’est ainsi qu’en avril dernier je me suis retrouvé de Santiago de Cacem à Santiago de Compostella, dans deux pays, sans perdre de vue les vagues puissantes de l’Atlantique, de l’Algarve jusqu’en Galice, soit un total de 500 km. Retour sur ce double parcours littoral au caractère malgré tout très contrasté.

Les sentiers roi l’Algarve

La Rota Vicentina propose deux chemins principaux et 24 boucles de découvertes

Située au sud ouest du Portugal, la côte Alentéjane et Vicentine, constituent un espace les mieux protégés en Europe. Partie intégrante d’un parc naturel , cet univers sauvage long de 100 km couvre 90.000 ha, héberge une riche flore endémique et un grand nombre d’espèces d’oiseaux, dont des migrateurs. C’est aussi un maillage de petits villages, de ports de pêche calmes et accueillant. Le climat très méditerranéen de l’Algarve soumis aux influences atlantiques offre ici des conditions de randonnée parfaites de septembre à juin. On y accède par la route ou via les aéroports de Faro ou Lisbonne.

La Rota Vicentina se présente sous la forme d’un réseau de sentiers pédestres bien balisés composée de 24 parcours circulaires mais surtout de deux voies principales : le sentier des pêcheurs (the fishermen’s trail en bleu) long de 220km entre Sao Torpes et Lagos, 13 étapes de 11 à 23 km. (balisage bleu et vert), puis le sentier « historique » (en rouge) long de 265 km, 13 étapes de 12 à 24 km entre Santiago de Cacem et le cap de Sao Vicente. C’est le GR 11 balisé blanc et rouge. (Sentier européen E9). Ce réseau assez dense permet donc de tracer votre itinéraire selon vos goûts, vos capacités et ce du nord au sud ou inversement car ces chemins sont repérés dans les deux sens. Quel sens choisir ? En marchant du nord au sud, vous aurez le soleil de face en permanence. Dans le sens sud-nord, vous serez soumis parfois à un vent ouest, nord-ouest dominant

1ère partie :

la Rota Vicentina : sablonneuse, douloureuse et sublime

Afin de me mettre en jambe, je choisis de parcourir deux étapes sur le chemin historique en partant de Santiago de Cacem, située à deux heures de bus de la capitale. Je commandais très tôt un Uber pour rejoindre la gare routière de Lisbonne. Les travailleurs matinaux prenaient une bière ou un café dans la buvette sous une lumière blafarde dont certains regardaient d’un œil dubitatif le seul mec en short aux jambes blanchâtres avec un sac à dos en train de chercher le quai de départ. Le bus démarra à l’heure et fila vers le sud-est en traversant le fleuve Rio Tejo sous les premiers rayons du soleil. Je reconnus les visages de la ville endormie pour y avoir séjourné et dont j’étais parti en 2015 déjà sur le camino portugais central. L’autoroute déroula ses kilomètres d’asphalte dans la campagne vallonnée plantée d’eucalyptus et me déposa à Santiago de Cacem.

De Santiago de Cacem jusqu’à Cercal de Alentéjo, durant deux jours, le sentier serpente sur le chemin historique dans un décor de chênes-liège

Après un coup d’oeil sur l’App Mapy.Cz , je localisais mon point de départ en ville. Il ne me restait plus qu’à suivre attentivement le GR dont les méandres urbains restent souvent des mystères en terme de tracé. En m’éloignant du centre je retrouvais rapidement les chênes-liège, une végétation familière rencontrée sur la Via de la plata et dont le costard bicolore me fascine toujours. Je passais ma première nuit à Val de Ceco après une balade très rurale sur 18 km, puis la seconde à Cercal de Alentejo. Constat : le Portugal est touché de plein fouet par la sécheresse. Des massifs entiers d’arbres meurent sur pied et le niveau d’eau des lacs de réserve au plus bas donne toute la mesure du drame. Nous étions mi-avril et je ressentais déjà durant ces deux premières après-midi de marche la poussée de fièvre climatique imminente et précoce. J’allais devoir me lever tôt.

Porto Covo plongé dans la nuit et le silence. Veillée d’arme…
Une côte sauvage et préservée soumise aux caprices de l’Atlantique

Je quittais ces paysages meurtris pour rejoindre en diagonale Porto Covo, le joli petit port point de départ du « sentier des pêcheurs » de cette Rota Vicentina. J’y arrivais bien trop tôt, (comme d’habitude), la plupart des hébergements ne sont pas disponibles avant 14, 15 voire 16 heures. Je zonais donc en ville en cherchant un coin tranquille abrité du soleil, entre cafés et glaciers. Durant ce périple, ce fut d’ailleurs difficile de trouver de l’ombre, et plus encore sur la dune. Celle-ci allait dès le lendemain me dicter ses règles, des conditions auxquelles j’allais devoir m’adapter sur la plupart des étapes. Les forums abordaient régulièrement le sujet , je le redoutais un peu mais j’eus droit au baptême du sable durant 24 km, sur cette première étape du « Fishermen s trail » entre Porto Covo et Vila Nova de Milfontes.

Le sable, l’ennemi public n°1 de la Rota Vicentina, un sentier parfaitement balisé dans les deux sens
La douceur de vivre des villages sous un climat très méditerranéen

Contrairement au GR34, les hautes falaises de la Rota Vicentina me semblent plus sablonneuses ce qui rend la progression fastidieuse sur bien des tronçons. Les pieds jamais à plat, tordus par ce terrain mouvant, frottent dans les chaussettes et sont mis à rude épreuve car le sable pénètre irrémédiablement partout. Avec une charge de 10 kg, les bâtons de marche sont évidemment fortement conseillés (avec les embouts neige!) , les mini-guêtres en tissu léger limitent un peu l’invasion. J’ai découvert leur existence bien trop tard. On essaie en permanence de trouver des zones plus dures ou poser le pied. Certains, et c’est déplorable, s’éloignent du balisage pour marcher dans la végétation éminemment vulnérable au piétinement. Ce n’est certes pas la traversée du désert, mais autant le savoir, voilà le prix à payer pour s’en mettre plein les yeux sur cette côte sauvage et sublime.

La plage d’Arrifana, un spot de surf monstrueux et son ambiance « Endless Summer »

Et ce fut le cas. Chaque jour elle dévoile de nouveaux panoramas en alternant les immenses plages de sable blanc et les dédales rocheux balayés par la houle majestueuse de l’Atlantique qu’aucun obstacle n’a pu ralentir. Tantôt, le marcheur se met à survoler cet univers hostile où poussent d’improbables plantes et dont les fleurs multicolores illuminent le décor. Tantôt il subit les douleurs de la gravité lorsqu’il lui faut descendre et remonter de chaque crique.

Arides, verticales, rongées par l’érosion, les hautes falaises surplombent l’océan dans un équilibre précaire.

N’espérez pas trouver un bosquet pour improviser une sieste au frais dans cette végétation rase pour mieux résister au vent. Cette côte escarpée donne parfois le vertige lorsque le sentier se met à frôler le précipice. Alors on redouble de prudence, le corps bringuebalé par le sac à dos trop lourd et ce sol si instable. Coup de stress, le balisage disparaît soudain, le vent a balayé les traces, puis il réapparaît soudain. Sauvé ! Plus loin le sentier s’avère « mal pavé ». Le minéral en blocs a remplacé la poudre.

Les pastels de nata, petites, irrésistibles..dangereuses !
Plat typique de bacalahau servi en dose portugaise. Suicidaire !

Dans certains passages ce n’est qu’un empilement de caillasses, une suite de marches irrégulières, usantes où l’on se hisse, ou descend à la force des bras. Je marchais ainsi seul du nord au sud dans ce désert côtier dominant les grèves. Je m’arrêtais souvent pétrifié par la beauté de l’océan. Je croisais de temps à autres des touristes garés sur le parking voisin ou des camping-caristes venus chercher la solitude. Il y avait aussi des familles en balade sur l’une des boucles-découverte, signe rassurant que la ville n’était plus très loin. Comme le sentier des pêcheurs se pratique dans les deux sens sur cette douzaine d’étapes, les randonneurs venus de Lagos croisent ceux venus de Porto Covo. On questionne, on échange des infos, des conseils : «il y a autant de sable ? C’est raid encore deux cents mètres, puis du plat ! » Et chacun poursuit sa route. Par moment le balisage débouche à l’extrémité d’une étendue magnifique rendue accessible par la marée basse. Un, deux kilomètres de liberté totale, à plat, au sable dur s’offraient à moi. Je jubilais. Les écoles de surf occupaient déjà la place ainsi que les vans ou pick up des routards de la vague allant de spot en spot chercher les meilleurs conditions au jour le jour en fonction des marées et du vent

La puissante houle vient se briser sur les rocks et les bancs de sable

Plus on descend en Algarve, plus la population de surfers se mêle à celle des randonneurs de la Rota Vicentina dans les albergues ou les petits hôtels bon marché. Je partageais un soir un dortoir de 6 lits avec cette population glisse, des jeunes qui avaient pris le rythme espagnol : couché tardif et réveil tôt lorsque la vague est encore glassy. Lorsque la température s’est mis à grimper, je calais mon réveil sur le leur avec un départ entre 6h30 et 7h00 . Au bout d’une douzaine de jours de ce régime, j’atteignais enfin le cap Sao Vicenté, l’extrême pointe ouest du continent européen partait-il . Jusqu’à la mi-parcours de l’étape, le sentier fut sans difficulté , la brise presque fraîche ce matin là. Le phare du cap semblait si proche, je distinguais même au loin des véhicules. Puis je perdis sa trace.

Après une douzaine de jours de marche, la Cap Sao Vicente pointe enfin à l’horizon, au bout du continent européen ..au bout du voyage sur le sentier historique.

Rien de grave me dis-je, il suffit de suivre la côte. Or cette zone n’est qu’un champ de cailloux acérés où il est difficile de poser le pied sur de la terre. Deux 4 X 4 étaient garés non loin, il devait bien y avoir une route ? Non ! le sentier des pêcheurs se cachait quelque part ailleurs. Je ressortais le GPS, j’étais bien trop au sud et je l’avais raté. Il me fallut presque une heure pour retrouver une marque délavée sur un bloc à demi enfoui sous le sable et rejoindre enfin le phare.. au pif ! Rincé, j’extirpais mon sempiternel bocadillo jamon/quieso du Tupperware et l’engloutissais sous le regard amusé de touristes français attablés au restaurant du site.

Cap Sao Vicente : ravi l’auteur d’avoir touché au but !
Les pics rocheux squattés par les échassiers en migration

Le sentier côtier qui conduit ensuite à Sagrès à 5 km n’offre que de peu d’intérêt. D’autant que j’avais les pieds explosés par la chaleur et le terrain chaotique , je finissais même l’étape en évitant quelques dénivelés car la rando du lendemain s’annonçait comme les plus difficiles entre Sagrès et Salema avec 650m + . J’avais pris ce soir là une chambre privée dans une petite pension et je pus mieux récupérer. Ce fut la dernière rando de cette Rota Vicentina, car j’avais choisi de zapper Luz et prendre le bus pour profiter de deux jours de repos à Lagos. Cette journée débutée encore très tôt pour fuir la chaleur, fut sans doute la quintessence d’un sentier côtier digne de ce nom , à savoir une suite éprouvante de montagnes russes plutôt raides, d’interminables descentes et remontées des plages. Je haissais ce jour-là ces foutues falaises !

Des traversées magiques des plages immenses offerte par la marée basse
L’art portugais de l’azulejo en fresque géante pour raconter l’histoire de Povoa de Varzim

Installé à Lagos dans un établissement très « auberge espagnole », je passais ces deux journées à soigner mes pieds enflés, faire un peu de shopping, comater aux terrasses et visiter les grottes locales ..en excursion ! Je retrouvais dans l’albergue, par un heureux hasard, un compagnon de route, Roger, artiste british sexagénaire savoureux et volubile mais tiraillé entre fuir ou côtoyer les femmes ! Je le rejoignis ce dernier soir au restaurant où il m’attendait attablé avec deux jolies italiennes …rencontrées des semaines auparavant ! Nous avions sans le savoir un programme initial similaire : rester au Portugal et finir notre séjour en parcourant le Camino Portugais vers Compostelle. Il choisit de suivre le Camino central en partant de Coimbra « pour fuir les tentations et retrouver la paix » , je partirais de Porto par la côte. Nous échangeâmes nos numéros sur WhatsApp et chacun reprit le chemin de son choix. J’appris récemment qu’il avait fini par prendre un ferry à Sentender . J’arrivais le lendemain à Lisbonne par le train et prenais dans la foulée un bus vers Porto. Embouteillage de voitures, de visiteurs à Porto , la ville magnifique grouillait de monde en cette fin d’après-midi et me donnait le tournis. Fatigué, je pris un taxi, il me déposa à mon hôtel et je m’activais pour acheter l’indispensable crédentiale du pèlerin à la cathédrale. Une nouvelle aventure pouvait commencer .

Party très « auberge espagnole » ce soir là dans l’albergue de Lagos. Six nationalités différentes ont trinqué et cuisiné ensemble.
Parenthèse touristique de deux jours à Lagos pour récupérer, soigner les bobos. Ouf ! Farniente, visite de grottes, glaces !

Conclusions 

Malgré le nombre peu important d’étapes et l’alternance possible entre les deux voies , la Rota Vicentina demeure une expérience physiquement assez exigeante qu’il convient de bien gérer lorsque les conditions météo l’exigent. J’ai ainsi jugé plus prudent de délaisser la côte un jour de pluie balayée par un vent assez soutenu. Ce fut l’occasion de redécouvrir aussi avec plaisir la ruralité de l’intérieur des terres. Le sens sud-nord me semble aujourd’hui recommandé pour les raisons d’ensoleillement évoquées . Dommage que le Topo Guide édité par l’Association ne soit disponible qu’en version nord-sud. Le balisage bleu vert est parfaitement efficace, il faut cependant rester attentif car ces voies croisent de nombreuses boucles (couleur jaune et rouge) . J’avais acheté deux cartes au 1:50.000e au Vieux Campeur, elles ne furent d’aucune utilité ! Le réseau de bus et les taxis permettent de raccourcir les étapes au besoin.

Descente , puis remontée, chaque crique est une épreuve !
Lagos : les bateliers somnolent en attendant le retour des touristes en visite des grottes

Côté hébergement, il n’est pas besoin de réserver très avance au mois d’avril. Plus tard, prudence car l’Algarve est très fréquentée durant les vacances d’été. Les prix au Portugal restent très abordables, même si l’inflation a fait bondir les tarifs hôteliers. Il revient donc moins cher de voyager à deux et partager des chambres d’hôtel. Il est aussi inutile d’emporter un sac de couchage mais tous les établissements ne fournissent pas de serviette de toilette. Vous pouvez réserver directement par téléphone. Les hôtes désormais très connectés vous donnent une réponse sur WhatsApp ! j’ai volontairement choisi de le faire par booking.com pour me faciliter la vie. Restauration : vous ferez encore un excellent dîner pour une quinzaine d’euros. Le budget journalier en solo varie de 40 à 80€ suivant le degré de confort choisi et la variété des menus. Les vols de retour en France depuis Faro ou Lisbonne ne manquent pas. Laissez vous un jour ou deux de sécurité pour prendre votre billet très en avance au meilleur prix.

Lorsque la rivière vient se mêler à la mer
Séquence « Dolce Vita » avec Silvia et ses amis italiens

Topo Guide : Rota Vicentina 15€ à commander en ligne sur rotavicentina.com. Nb l’Application smartphone ne fonctionne pas.

Gestion des trajets intérieurs (train, bus ) : l’App Rome2Rio est vraiment pratique.

Positionnement, orientation : Mapy.cz , Google Map pour trouver l’hébergement en ville, cafés, restaus, supermarchés ouverts

Etapes et hébergements (réservations booking.com, tarif génius 3)

LisbonneHome Lisbon Hotel (dortoir) 30€km
Val de SécoCasinhas de Alderia 50€18
Cercal de AlentejoSolar de Alentejo 35€23
Porto CovoAhoy Hotel 45€24
Vila Nova de MilfontesSelina Hotel 35€20
AlmograveLodges & Bikes 43€16
Zambujeira do MarCasa de Praia 63€22
OdeceixeHotel Seize (dortoir ) 22€19
AljezurHotel Amazing (dortoir) 23€23
ArrifanaDestination Hotel (dortoir) 20€18
CarrapateiraHotel do mar (dortoir) 22€22
Vila do BispoCantinha do Avo 40€16
SagrèsCasa de Obo Santa Maria 50€21
SalemaPension familiale 40€20
Lagos (2 nuits)Tag Hotel (dortoir) 19€BUS

>>>>> Juste après, suite de la balade >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

2eme partie : Le Camino portugais de la costa

Mon passage à Porto fut bref. Je n’avais aucune envie de m’éterniser dans sa nuée de visiteurs provoquée notamment par les vacances scolaires françaises et le w.e du 1er mai . Il me fallut résoudre rapidement un gentil petit casse-tête. Plusieurs options se présentent pour rejoindre Compostelle sur le Camino Portugais sachant qu’il existe également des variantes très exotiques sur le parcours. La majorité des pèlerins internationaux empruntent le camino dit central, celui où l’on passe en Espagne par Tui.

le camino portugais depuis Porto avec ses multiples options….
….et son inévitable folklore . La dépose de message fait partie du voyage. J’y étais.. Ces tas atteignent parfois la hauteur d’homme.

L’ayant déjà emprunté quelques années auparavant et craignant une forte affluence, je choisis de suivre la côte jusqu’à Pontevedra, histoire de rester aussi cohérent avec la première partie ce voyage au Portugal, sur la Rota Vicentina. Crédentiale en poche, la forme retrouvée, je retrouvais dès les premières étapes l’ambiance Compostelle, son folklore, ses dortoirs, ses ronfleurs. Après les falaises de l’Algarve, le profil tranquille de ce camino de la costa me convenait bien, je partais en balade, presque en vacances. Seule différence notoire, il allait falloir me caler sur des étapes bien plus longues, dépassant souvent les 25 km.

le sentier littoral étend ses passerelles de protection de la dune sur des kilomètres. La monotonie s’installe, ça ira mieux demain.
Le Portugal est l’un des plus gros producteurs mondiaux de moules. On les élève ici sur les « barcas » , des pontons lestés dispersés dans les estuaires.

Depuis mon dernier passage en 2015 la côte de cette région avait subit une urbanisation galopante, je reconnus à peine certains endroits. De très nombreux immeubles avaient poussés comme des champignons et transformer les bourgs en véritables stations estivales. Désormais des pistes cyclables suivent les passerelles de bois construits sur des dizaines de kilomètres pour protéger les dunes. Durant les premières étapes, je n’appréciais guère ce décor monotone qui tranchait avec l’exubérance de la Rota Vicentina. Puis au fil du temps, je me suis imprégné de l’atmosphère apaisante, romantique de cette côte dont les plages se perdaient à l’infini dans la brume . Je finis par apprécier son silence cotonneux, sa litanie de bars et restaurants construits sur le même modèle.

Quitter la douceur d’une terrasse de café dans un village puis repartir vers le prochain caché quelque part au fond d’une anse…peut être !

Et je finis même par m’amuser du mélange des genres comme ces groupes de pèlerins, lents, lourdement chargés venus d’ailleurs croisant les joggers légers et qui leur lancent des « buen camino » comme à des amis de longue date. Plongé dans mes pensées, je leur répondais au choix par un merci , un obrigado portugais ou un gracias. Dans cet environnement balnéaire grand public, une albergue municipale trouve paradoxalement sa place . Je garde encore en mémoire la vision de celle Povoa de Varzim, un immeuble moderne, discret au milieu d’une avenue commerciale. Nous étions une quinzaine de pèlerins assis par terre sous le soleil à attendre l’ouverture et le check in. La ville avait fini par s’habituer et personne ne prêtait plus attention à ces nomades étalés.

L’Eucalyptus, la beauté et la plaie de bien des pays. Sa culture est aujourd’hui très controversée
Il existe parfois sur le chemin un monastère pour se reposer ou méditer.

Le Camino de la costa, comme les autres font désormais partie du décor. Seule différence peut être avec les vacanciers, les pèlerins mangent tôt , se couchent tôt, se lèvent tôt et n’achètent rien ! Dans cette transhumance vers Compostelle, soit nous ne prenons guère le temps de nous attarder sur la richesse des villes, soit nous recherchons en vain des centres d’intérêts qui n’existent pas. Je m’interrogeais aussi sur la foi ou l’absence de foi ou la foi secrète de ces marcheurs sur ce camino portugais où se croisent deux chemins de pèlerinages parmi les plus connus au monde (Fatima et Compostelle). Si Dieu ou St Jacques veillait sur nous, jamais personne ne l’évoquait !

Depuis des années, les communes travaillent sur la qualité de l’accueil.
Séquence immersion : Ma vie dans les dortoirs !
Le chemin traverse les villages de pêcheurs. Les marcheurs silencieux ont fini par s’intégrer à leur décor et devenir transparents.

A mi-parcours, je passais donc du Portugal en Espagne non pas Tui mais à Caminha en traversant la rivière Minho , en bateau-taxi. Ces mini-escapades maritimes ou fluviales au milieu de randonnées amusent tout le monde, moi le premier. C’est pourquoi j’avais également choisi de délaisser le chemin de la Costa pour piquer plein ouest sur la « variante espiritual » à Pontevedra afin de prendre une nouvelle fois le bateau à Vila Nova de Arouza et remonter la rivière jusqu’à Pontececures. Avec une vingtaine d’autres marcheurs je me rendais dès l’ouverture chez Marco, lieu de départ de la Barca del Peregrino , une vedette de tourisme confortable nous y attendait . Je retrouvais sur le quai un trio d’Irlandais (catholiques ! ) impayables rencontrés précédemment.

Traverser la frontière Portugal-Espagne en bateau-taxi . La classe ! (Remettre sa montre à l’heure française sur l’autre bord svp ! )
Ce soir là , j’ai le cœur aussi à marée basse sur le port de Vila Nova de Arouza…

Les trois papys ne marchaient qu’à l’impro, sans aucune réservation, et à la bière. Une véritable cure pour oublier les taxes monstrueuses sur l’alcool de l’Eire. Après quelques minutes de navigation le capitaine et son mousse servirent thé chaud et croissants avant de rentrer dans le vif du sujet : le chemin spirituel maritime ! Probablement le seul au monde. Car l’itinéraire est ponctué de 17 croix de granit plantée sur les berge de cette rivière. Suivant la légende les restes de l’apôtre Saint-Jacques auraient été transportés par bateau entre Haïfa en Palestine et Padron en Galice, en remontant le Rio de Arouza et rivière Ulla . La Translatio ! La balade dure une heure trente, temps suffisant pour le capitaine de nous expliquer la production locale des moules portugaises très savoureuses. Elles sont élevées sur plus de 3000 « barcas » lestées   dans l’estuaire de Vigo notamment. A Pontesecures, tout le monde débarque et part vite vers Padron.

Un chemin de croix maritime unique au monde
Le balisage personnalisé de la variante Spirituelle entre Pontevedra et Padron

Certains y passent la nuit ou poursuivent directement à Santiago , soit 28 km. D’autres s’arrêtent à Teo afin de partir tôt et assister à la messe de la cathédrale de Compostelle à 12h. Nullement pressé, je choisis l’escale à l’Albergue ultra moderne de Padron. La dernière étape d’un camino a quelque chose d’émouvant. Elle marque la fin du voyage, l’heure des séparations, du retour à la vie sédentaire et pour moi la fin d’une fabuleuse balade qui durait depuis un mois.

Le camino de la costa n’est pas toujours un paisible sentier. ..
…des siècles d’urbanisme ont changé son tracé.

Alors je prie le temps de savourer ces 23 derniers kilomètres, certes pas les plus beaux ni les plus faciles d’ailleurs. Une borne flanquée du logo européen une coquille jaune sur fond bleu, symbolisant la convergence de tous les chemins est présente tous les 500 m environ. Elle comporte aussi le nombre de km restant. Sans doute pour encourager le marcheur exténué ..ou l’achever ! J’arrivais à Compostelle par le sud, les rues avaient remplacer maintenant le chemin, je reconnus l’itinéraire si familier. qui n’en finit pas de grimper. Arrivé devant la cathédrale je déposais mon sac à dos sur le sol. C’est avec une immense et sincère gratitude que je remerciais encore une fois l’hôte des lieux de m’avoir épargner la blessure et permis ce tel périple..à mon âge. Puis, je m’assis sur le banc de pierre qui court le long de la place pour regarder l’arrivée des autres. Leurs visages rieurs cachaient mal la fatigue accumulée. Puis ce fut le moment des embrassades, des larmes versées par la douleur de se séparer ou le plaisir de se revoir. La même émotion spontanée animait ces pèlerins issus du monde entier, qu’ils aient parcouru 100, 300 ou 2000 km.

Le village aux Horreos, ces petits greniers sur pilotis , inaccessibles aux rats. Le symbole même de la Galice .

Bilan final : Coup double réussi .

Je ne recherchais ni la performance , ni l’exploit, juste les savoureux les plaisirs de l’itinérance sur un mois comme je le fais depuis des années. Que ce soit la Rota Vicentina ou le Camino portugais, ces deux itinéraires sollicitent beaucoup l’organisme et notamment les pieds . Le premier par le sable, le second par la présence de portions pavées courantes au Portugal. Ce programme exige donc de faire des pauses de récupération d’un jour ou se limiter à une demi étape, bref de laisser refroidir notre formidable machine avant l’irrémédiable. Côté logistique le passage de l’Algarve à la Galice se fait sans problème par le train ou le bus. Conséquence post-covid , les chemins ibériques connaissent cette année une forte affluence. La réputation de la Rota Vicentina est croissante depuis 2013 et le camino de la costa draine toujours plus de pèlerins comme le témoignent les hébergeurs. Cela demande donc plus de préparation sur les hébergements et des réservations anticipées notamment durant les vacances scolaires. Côté équipement : si le sac de couchage est inutile sur la R.V, il est conseillé de l’emporter sur le Camino. Du point de vue budget, les prix au Portugal sont sensiblement moins élevés qu’en Espagne, bien que les deux voisins connaissent une inflation galopante. Je voyageais là-bas pour 30 à 50€ par jour en 2015 , j’ai dépensé entre 40 et 70€ cette année sans me priver.

Les App et sites utilisés sur ce parcours : Wise Pilgrim , Mapy.cz, Gronze.com, Google , Rome2rio, Map, Google traduction

La cathédrale de Compostelle suivie comme une étoile par des millions de pèlerins depuis des siècles. (350.000 par an ! )

Découvrir un pays par la côte en alternant des passages dans les terres en donne une vision plus large, notamment hors des zones touristiques, sur son passé rural ou la tradition de la pêche. Portugal et Espagne offrent un incroyable potentiel d’itinéraires et passionnant patrimoine culturel au marcheur un peu curieux. Mais l’époque de l’improvisation ou de l’insouciance est révolue. Le voyageur doit désormais composer avec le dérèglement climatique et choisir la bonne période pour caler son voyage dans la péninsule en surchauffe.. avec une forte dose d’incertitude.

Le Botufumeiro, ultime acte de la messe des pèlerins à Compostelle . (Non systématique mais soumis chaque jour à la générosité d’un sponsor ! )
Jack le fils avec son père John , deux irlandais du Nord, inconditionnels de la couronne britannique. A droite : le trio de choc de la République d’Irlande, rois de l’impro, rebelles, dingues de rugby et de la bière portugaise « si bon marché ». J’ai passé de grands moments avec ces boys unis sur le même chemin.

Etapes et hébergements Camino de la costa (réservation et tarif genius 3 booking.com)

PortoHotel Do Norte40€
km
LabrugeAlberge Soa Tiago16€ 24
Povoa de VarzimHotel Résidentiel35€17
MarinhasHoLocal Praïa Mar28€25
Viana do CastelloAlbergue del mont40€ (ch.)25
CaminhasA . Bom Caminha20(dortoir)27
MougaP. privée A Bego40€ (ch.)23
Sabaris de VigoAl. de la playa16€(dortoir)17
VigoHotel Nautico35€24
RedondelaLa Conserveira16€(dortoir)16
PontevedraPension Santa Clara30€20
Armenteira (spirituel )Albergue municipale15€(dortoir)23
Vila N. de Arouza (spi)Albergue A Sarazon18€(dortoir)22
Padron (Spirituel)Albergue Murgadan16€(dortoir)23
Santiago (2 nuits)Albergue Teodormigo15€(dortoir)23 km
La Coronne (extra)Hotel Santa Catalina34€Train

Equipement de base : Sac à dos Osprey 48l , chaussures trail Hoka Speedgoat 4 Gore tex, (US) Veste Arc Tétyx Gorex (US) Tex, doudoune compressible duvet Cumulus (Pologne), bâtons de marche Fizan (Italie) , pantalon de pluie Trail Decath, Chaussettes Monnet Merinos/synthétique (FR) , sous-vêtements boxers Under Harmor, Short Cimalp (FR) chapeau Tilley (Canada). 2 T-Shirts Puma et UH. kit de pochettes Osprey, un sac de couchage, un Tupperware. Iphone XR, cartes de crédit BNP Visa, N26 Master card, carte sécu Europe. Poids total avec 1,5 l d’eau et vivre : 9 kg