Randonnée périurbaine n°49, de Houilles à St Germain-en-Laye par Carrières-sur-Seine et la plaine de Montesson. Une balade minérale, , militante, végétale et historique.
Fin d’après-midi un dimanche d’automne, les participants de la 49e randonnée périurbaine organisée par le Voyage Métropolitain savourent les derniers rayons du soleil après avoir parcouru 17 km. Ils contemplent le panorama du haut de la terrasse du château de Saint-Germain-en Laye qui surplombe l’ouest parisien. Au loin émerge le quartier de la Défense alors que la Tour Eiffel joue à cache-cache devant le mont Valérien. La vue de la capitale sous cet angle est plutôt inhabituelle. Et bien que parisiens, tous s’amusent à en identifier les édifices les plus familiers. Etudiants, architectes, urbanistes profs, employés de bureau ou d’atelier, ils se sont retrouvés en gare de Houilles pour cette balade qui passa comme de coutume par des endroits parfois improbables. Ces marcheurs présentent un point commun : la curiosité de comprendre comment s’est développée l’agglomération au fil des décennies, ses enjeux et les luttes que se livrent souvent des acteurs aux intérêts difficilement conciliables face à l’urbanisation. Sur leur gauche, en contrebas, la plaine de Montesson qu’ils viennent de traverser puis vers la droite une tache
de verdure, le Vésinet.
Deux mondes si proches et pourtant si lointains se côtoient. L’un semble austère avec ses friches et ses décharges sauvages, mais la terre nourricière de ses champs est un véritable trésor. L’autre respire la richesse avec ses somptueuses demeures essaimées dans un vaste espace très british au gazon impeccablement coupé. Voilà donc Montesson, une plaine maraichère en sursis, déjà balafrée de ronds-points qui se bat depuis dix ans contre à la construction d’un centre commercial alimenté par un futur échangeur de l’A14 qui la traverse déjà. Et puis le Vésinet tiré à 4 épingles aux allées cavalières tracées sous le règne de Louis XIII, dont les habitants ont la certitude que la commune sera à jamais intouchable. La notion de patrimoine historique semble bien fluctuante dans ce méandre de la Seine, entre un hectare de terre et un hectare de forêt. Avant de rejoindre les hauteurs de Saint-Germain, ils se sont d’abord imprégnés de l’histoire de cette curieuse enclave. D’abord à Carrières-sur-Seine, une ville marquée depuis le X e siècle par l’extraction de la pierre gérée par les moines de Saint-Denis. Puis
vint le Baron Haussmann au XIX e.
La construction de Paris demanda tant de volume que la production devint industrielle. Le calcaire des couches sédimentaires fut extrait de mines à ciel ouvert ou taillé dans le sous-sol dans des galeries aux arcs inversés. Coup de grâce ou coup de chance, l’arrivée du ciment et du béton dans les années 20 marqua la fin de l’exploitation de la pierre.
Ces dédales souterrains tombèrent durant la Seconde Guerre entre les mains des militaires, tantôt allemands, tantôt français. L’atmosphère chaude et humide de ces lieux insolites se révéla idéale pour la culture des champignons Basidiomycètes, plus connus comme champignons de Paris. À la fin du XIX e siècle plus de 300 producteurs cultivaient en France cette variété, pour un total de mille tonnes annuelles en 1875. Trois millions de paniers étaient alors livrés aux Halles de Paris. Il était produit en banlieue, mais aussi à Paris même jusqu’en 1895 où les travaux du métro mirent un terme à sa culture dans les catacombes ! Les randonneurs eurent droit à la visite guidée de la champignonnière Les Alouettes, avec à la clef l’explication en détail de cette culture 100% bio bien française, désormais concurrencée par les importations de Pologne. Ils en ressortirent avec quelques cageots, de quoi agrémenter un peu plus tard le pique-nique du groupe. La plaine de Montesson détrempée par la pluie des derniers jours n’offrant guère d’endroits propices à la dinette improvisée en plein air,
des palettes providentielles furent étalées sur le sol humide. Emmanuelle Bouffé, militante infatigable de l’association ZAD Patates (Des légumes, pas du bitume) qui combat sans relâche le projet de centre commercial, en profita pour dresser un état des lieux et du combat en cours : le pot de béton contre le pot de terre… nourricière. Enorme pression financière des promoteurs, appétit des propriétaires terriens qui lorgnent l’expropriation à 25€/m2 (contre 3 € lors des ventes), soutien inefficace de l’Etat, position ambiguë des communes… Combien de temps la plaine de Montesson résistera-t-elle encore malgré la mobilisation de militants venus de Gonesse (93) en lutte contre le projet tout aussi dément d’Europa City et même de la rebelle Notre Dame-des-Landes ? En attendant, cette bonne terre continue sa mission.
Elle nourrirait près de 2% du peuple parisien et c’est un bonheur pour les marcheurs que de parcourir ces champs plantés de choux, de fenouil, de menthe et de ciboulette ou de courgettes. Ca respire encore les labours et le fumier à deux pas de Paris. Un vrai miracle ! Pourtant, il n’est pas rare lors de ces randonnées péri-urbaines de tomber sur un champ de blé ou de maïs perdu entre des cités, ultime témoin de l’agriculture de banlieue qui fut jadis si prospère. La station de métro Maraîchers reste le plus vivant souvenir de cette époque lorsque ces hommes emportaient des tombereaux de cette précieuse terre quand ils partaient cultiver ailleurs !
Houilles, Carrières-sur-Seine, Le Vésinet, le Pecq, Saint-Germain, cette grande balade aux frontières de la capitale nous offrit l’alternance du chic et du populaire dans un cocktail architectural à la fois savoureux de part sa diversité historique et minérale mais aussi inquiétant du fait de la densification du tissu urbain, phénomène irréversible né de la création de nouvelles voies de communications, qu’elles soient autoroutières ou
ferroviaires. Pourtant il convient de regarder l’émergence du Grand Paris avec une certaine confiance car de nombreuses études viennent peu à peu briser les idées reçues, les clichés et une lente mais réelle hybridation des territoires et des activités se développe. Les circuits courts, la décentralisation des entreprises, la mixité sociale même encore frileuse sont autant d’éléments encourageants de cette mutation suivie pas à pas, sur le terrain, par les observateurs du Voyage Métropolitain, entre autres.
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