Jeanne Fauquenot, 30 ans, n’avait pas la rando dans la peau. Qu’importe l’historienne de l’art plutôt sportive se lance direct en 2019 dans l’itinérance au long cours l’an dernier sur un périple de 2100 km entre le Puy-en-Velay et Saint-Jacques de Compostelle . Elle conclut cette première expérience avec un maximum d’ampoules, une forte dose de plaisir et une folle envie de récidiver. Approche fastoche dirait-elle .Jeanne voulait mettre la barre plus haut cette année en se frottant au 3000 km du Te Araroa en Nouzelle-Zélande.
Hélas la Covid a douché ses ambitions la renvoyant à la case de départ , dans l’Indre . Il lui fallait un nouveau projet pour calmer son appétit d’aventure. L’ été s’installe, le terrain de jeu des randonneurs se réduit à l’Hexagone, Jeanne jette alors son dévolu sur la Bretagne. Elle balance ses préjugés sur le climat et vise en juin 2020 le GR34 dans son intégralité ! Autant voir grand. « Devant moi 2 000 kilomètres de falaises, de plages, de villages et de rencontres pour découvrir cette formidable région entre ciel et mer. » explique-t-elle avant d’ajouter que la balade se fait en autonomie complète. Le challenge allait de pair avec un tempérament visiblement 100% inox .
Le GR34, « Le sentier des douaniers », une belle aventure.
Le GR34 est régulièrement entretenu par les associations locales
Regardez ce splendide tracé torturé le long du littoral, il suit la côte bretonne au plus près, de crique en crique, il relie les ports , il contourne les falaises ou traverse les plages de sable fin, il longe les barres rocheuses bordées de landes où nichent les oiseaux de mer. Rien d’étonnant à ce que le GR34 soit aujourd’hui un des chemins de Grande Randonnée parmi les plus connus, celui qui suscite encore le rêve, l’évasion. Il est courant de le débuter depuis Vitré , puis de rejoindre le Mont Saint-Michel et de l’achever au Golfe du Morbihan par le Tour du Parc. L’accès à ce sentier côtier devenu mythique est aussi une belle histoire . Il a fallu toute la détermination et la ténacité de passionnés pour que cette randonnée nous soit offerte.
Voici quelques dates clef qui ont marqué la création du GR34 :
* 1968 : premier sentier de grande randonnée entre Beg Leguer et Pors Mabo, à côté de Lannion (Côtes-d’Armor).
* 1976 : loi qui fait que « Les propriétés riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de 3 mètres de largeur pour laisser, d’une servitude de passage destinées à assurer exclusivement le passage des piétons. »
* 1978 : création de la Fédération française de la randonnée pédestre en Bretagne.(FFRP)
* 2008 : le GR 34 est ouvert sur toute sa longueur.
Emile Orain est à l’origine de l’ouverture du GR34 en 1968 . Il s’est battu auprès des propriétaires afin qu’ils cèdent 3 m de leur terrain pour permettre le passage.
Lors de ce périple entre Perros-Guirec et Morlaix, le hasard a voulu que je croise une mamie et un papy sur la rive du Leguer à Lannion. Chaussures de rando et déambulateur, le vieil homme accompagnée de son épouse Marie-jo faisaient leur balade quotidienne. Admiratif, je décidais d’engager la conversation. En quelques mots j’appris que l’homme a 92 ans, il s’appelle Emile ORAIN, un marcheur engagé à l’origine du GR34 et militant pour développement des Auberges de Jeunesse après-guerre .Hasard des rencontres !
Mon 3e GR de Perros-Guirec à Morlaix . 135 km, en solo et 6 jours, en camping.
Le parcours de rando le plus « sportif » de Bretagne
Dès mon arrivée à Perros-Guirec, j’avais déjà oublié qu’un GR digne de ce nom reste un chemin praticable et préserve la sécurité du randonneur . A ma descente du bus pris à la gare de Lannion, je suis engagé sur la plage de Trégastel, une bande rocheuse totalement casse-gueule, avec un sac à dos de 12 kg ! La suite s’est beaucoup mieux déroulé. Rassurez-vous, je ne vais pas dans ces lignes vous infligez la description topologique de la totalité de cette randonnée de 6 jours . Je vous laisse le soin de la découvrir sur les schémas ci-joints. Je préfère partager avec vous cette nouvelle expérience sur ce GR en vous livrant quelques trucs et conseils sur l’organisation de votre randonnée, en répondant aux quelques questions existentielles du marcheur moyen en territoire breton. Suivre et télécharger la trace GPS au format .gpx de ce parcours cliquez ICI
Quelle préparation physique ?
Malgré les apparences, le GR34 est physiquement épuisant au bout de la journée. Le cumul de dénivelé, le vent et parfois la pluie demandent une bonne préparation physique et un équipement complet.
le profil de Perros-Guirec à Morlaix illustre à lui seul le dénivelé du GR34
Si vous êtes un bon randonneur, ce tronçon ne vous causera pas trop de difficulté. Pourtant, une telle randonnée en autonomie implique de porter un sac à dos de plus de 10 kg (je décris plus loin cet aspect matériel) . Donc, il vaudra mieux faire quelques sorties chargé histoire d’habituer votre fragile constitution à ce nouveau paramètre. Toutefois certains tronçons passent par des falaises et une infinité de criques à contourner. Résultat , le dénivelé cumulé quotidien peut vite devenir impressionnant, de 500 à 1500 m par jour ! ce parcours Montagnes Russes peut s’avérer plus dur qu’une sortie classique en montagne avec ses montées longues et régulières. Le tronçon Locquirec- Saint-Jean du Doigt, authentique dentelle bretonne, brodées sur des kilomètres de falaises et de pointes rocheuses, fut vraiment dur .
Comment accéder et revenir du GR34 ?
Etant parisien, j’ ai choisi le train . Le TGV dessert les gares de Rennes, St Brieuc, Lannion, Morlaix, Roscoff, Brest, Quimper ..etc. Il suffit alors de prendre le car pour rejoindre votre point de départ . Les réseaux bretons fonctionnent plutôt bien. Le site Breizhgo.com est un must , il vous aidera à planifier vos déplacements avec tous les moyens de transports. Vérifiez cependant les horaires d’été et ceux du week-end. J’ai également testé l’auto- stop. Soyez patient et positionnez vous sur une portion de route où les véhicules puissent s’arrêter sans danger.
Quand partir ?
Le climat vivifiant breton impose parfois quelques pauses « séchage » !
La multiplication des crêperies risque de vous faire prendre de nombreuses heures de retard sur votre planning !
Quand vous pouvez ! Il convient toutefois de vous souvenir que vous êtes en Bretagne. La majeur partie des dépressions Atlantique arrive sur l’Europe par cette jolie et verte région. Cela signifie vent et pluie et parfois froid. Pour ma première expérience en 2013 sur le GR34, j’étais parti comme une flèche à la mi-avril depuis le Mont Saint-Michel, en camping, comme un touriste. Le crachin breton, les plages désertes et les campings fermés ont eu raison de mon inconscience. Je me suis réfugié à l’Auberge de jeunesse de Saint-Malo. Après seulement deux jours je suis ainsi rentré à Paris avec le goût amer de l’échec. Je suis reparti pour un second tronçon depuis St Brieux vers le Cap Fréhel avec mon fils, toujours en camping. Trois jours plus tard, mon ado se faisait une entorse. Retour à la case départ. Au delà de ces anecdotes, je vous conseillerais de partir minimum en mai ou juin. et jusqu’à la fin septembre . Au moins les campings sont ouverts.
Quel matériel emporter ?
Le GR34 en camping mérite d’investir dans du matériel léger. Ici une tente Vaude Power Lizard pour 1 à 2 personnes ne pèse qu’1 kg. Tapis de sol alvéolé Therm A Rest (400gr)
Privilégiez du matériel très léger, quitte à casser votre tire-lire.
Un kilo qui ne sert à rien est un kilo en trop et qui se paie cher . Pour l’occasion et ce parcours de Perros-Guirec à Morlaix, j’ai repris mon sac Osprey de 50 litres. N’hésitez pas à investir dans les équipements ultra légers . Ayant choisi le camping, ôté couchage, j’ai acheté deux ans auparavant une tente Vaude Power Lizard , 2 places, 1 kg, 280€ tout de même, un vrai bonheur, duvet Cumulus polanais, tapis de sol Therm A Rest .. 3 T-shirts, 3 slips., doudoune légère Patagonia un seul pantalon transformable et une trousse de toilette minimum. N’oubliez pas l’indispensable corde à linge et une paire de tong pour le soir. Côté pluie : ayant horreur des capes, j’ai opté pour du top : veste de montagne Arc’Terix et pantalon respirant Vaude. Ajoutez 2 bâtons de marche, vraiment utile vu le profil « Montagnes Russes » du parcours. Chaussures ? je marche depuis longtemps avec des tiges basses, doublure Gore-tex. Ceux qui ont les chevilles fragiles peuvent adopter des tiges hautes au médium. Des semelles rigides et en parfait état sont conseillées car le GR comporte parfois des zones rocheuses à franchir. L’expérience acquise sur mes deux chemins de Compostelle m’a été ici très utile du point de vue logistique. Malgré tout , impossible de descendre sous les 12 kg , poche à eau de 2 litres et petite réserve d’encas . J’ai même réexpédié plus d’un kilo par la poste. (livre, couverture de survie, pantalon, chemise..)
Comment se repérer sur le parcours ?
Le tronçon Perros-Guirec à Morlaix passe sur une large portion de la Côte de Granit Rose, puis par celle du Trégor. J’ai renoncé à l’achat du Topoguide en question pour investir dans les 2 cartes IGN au 1:25.000e ( 714OT et 615ET – 11, 60 €/carte). S’il est difficile de se perdre sur ce sentier littoral , en revanche ces cartes peuvent vous faire gagner du temps, quelques kilomètres et des forces si vous devez aller en ville pour acheter de la nourriture, trouver une pharmacie, ou encore lorsque le sentier est dévié pour X raisons (propriétés closes, éboulement, etc..). Enfin, emportez votre smartphone.
L’App Iphigénie permet une localisation immédiate sur smarphone
C’est un gage de sécurité en cas de tuile et l’application Iphigénie (IGN- IOS ou Android -30€/an toutes cartes de France + Espagne) vous permet de vous localiser parfaitement. Les terrains de camping sont également mentionnés sur les cartes et l’Appli. Bien pratique. Le GPS pompant gravement sur la batterie, j’ai emporté un accu supplémentaire de 11.000 mah que je rechargeais la nuit dans le bureau d’accueil des campings. Conseils :Utilisez votre smartphone en Mode Avion pour économiser de l’énergie, supprimer les app ouvertes en fond. Mettez uniquement la fonction GPS sur Iphigénie pour vous repérez ou enregistrer la trace.
Où manger et où dormir ?
Certains randonneurs optent pour le camping sauvage. il est totalement interdit sur les plages mais on arrive à dormir dans la nature avec un peu de bon sens et de la discrétion. Pour ma part, j’ai donc opté pour les terrains de camping privés ou municipaux . En plein mois de juillet , je n’ai jamais eu le moindre problème de place. Ce choix est un peu plus contraignant car il faut planifier les étapes. En revanche, il permet de se doucher , laver ses fringues et grignoter au bar. Qui dit autonomie totale, dit aussi sac plus lourd . Voyageant en solo et le chemin étant peu fréquenté, c’est bon d’avoir un peu de lien social le soir ! Côté budget : le camping municipal en juillet vous coûtera entre 8 et 11€ la nuit/personne . Un terrain privé de 2 à 4 étoiles revient de 13 à 16 €. D’autres randonneurs plus argentés vont dans les chambres d’hôtes et les petits hôtels . Ces établissements ne sont pas forcément sur le GR . Des randonneurs se partagent des taxis, d’autres partent à deux voitures pour organiser les liaisons. Dans tous les cas, mieux vaut réserver. La bouffe ? Vous pouvez faire vos achats de nourriture dans les épiceries et fréquenter les divines crêperies, les restaurants de fruits de mer..Pour ma part, j’ai dépensé en camping environ 30 à 35 euros/jours, avec les bières !
GR 34 : 42 tronçons pour une randonnée de 1700 km entre mer et terre
Pour parcourir le GR34 dans son intégralité, il vous faudra marcher durant environ 1700 km , donc pendant plusieurs semaines . Généralement, les randonneurs le font par tronçons chaque année suivant leur disponibilité. Personnellement j’en suis à ma troisième rando sur le GR34. Chacun marche à son rythme et cale ses étapes suivant le mode hébergement choisi . (hôtel, gites, chambre d’hôte, camping sauvag ou non. Vous trouverez ci-dessous à titre d’ exemple de découpage du sentier en 42 étapes type.
(En bleu mon parcours cette année)
Tronçon 1 : De Vitré à Fougères (3 jours / 71 km)
Tronçon 2 : De Fougères à Antrain (3 jours / 56 km)
Tronçon 3 : D’Antrain au Mont-Saint-Michel (2 jours / 36 km)
Tronçon 4 : Du Mont-Saint-Michel à Cancale (3 jours / 61 km)
Tronçon 5 : De Cancale à Saint-Malo (2 jours / 32 km)
Tronçon 6 : De Saint-Malo à Saint-Jacut (2 jours / 43 km)
Tronçon 7 : De Saint-Jacut aux Sables-d’Or-les-Pins (3 jours / 54 km)
Tronçon 8 : Des Sables-d’Or-les-Pins à Saint-Brieuc (3 jours / 68 km)
Tronçon 9 : De Saint Brieuc à Paimpol (4 jours / 75 km
la magnifique station balnéraire de Trébeurden
Tronçon 10 : De Paimpol à Tréguier (4 jours / 68 km)
Tronçon 11 : De Tréguier à Perros-Guirrec (3 jours / 44 km)
Tronçon 12 : De Perros-Guirrec à Lannion (4 jours / 68 km)
Tronçon 13 : De Lannion à Saint-Jean-du-Doigt (3 jours / 57 km)
Tronçon 14 : De Saint-Jean-du-Doigt à Morlaix (2 jours / 34 km)
Tronçon 15 : De Morlaix à Roscoff (2 jours / 47 km)
Tronçon 16 : De Roscoff à Brignogan-Plage (3 jours / 64 km)
Tronçon 17 : De Brignogan-Plage à Lilia (2 jours / 39 km)
Tronçon 18 : De Lilia à Saint-Pabu (3 jours / 49 km)
Tronçon 19 : De Saint-Pabu à Lanildut (2 jours / 36 km)
Tronçon 20 : De Lanildut à Conquet (2 jours / 34 km)
Tronçon 21 : De Conquet à Brest (3 jours / 40 km)
Tronçon 22 : De Brest à Faou (3 jours / 43 km)
Tronçon 23 : De Faou à Lanvéoc (2 jours / 38 km)
Tronçon 24 : De Lanvéoc à Kerloc’h (2 jours / 27 km)
L’occasion de découvrir la richesse du patrimoine breton : calvaires, chapelles, oratoires, enclos
Tronçon 25 : De Kerloc’h à Douardennez (4 jours / 72 km)
Tronçon 26 : De Douardennez à Cléden-Cap-Sizun (2 jours / 49 km)
Tronçon 27 : De Cléden-Cap-Sizun à Audierne (2 jours / 36 km)
Tronçon 28 : D’Audierne à Saint-Guénolé (2 jours / 47 km)
Tronçon 29 : De Saint Guénolé à Pont-l’Abbé (2 jours / 34 km)
Tronçon 30 : De Pont-l’Abbé à Concarneau (3 jours / 60 km)
Tronçon 31 : De Concarneau à Pont-Aven (2 jours / 44 km)
Tronçon 32 : De Pont-Aven à Pouldu (3 jours / 65 km)
Tronçon 33 : De Pouldu à Lorient (2 jours / 38 km)
Tronçon 34 : De Lorient à Plouharnel (3 jours / 54 km)
Tronçon 35 : De Plouharnel à Plouharnel (Presqu’île de Quiberon) (2 jours / 55 km)
Tronçon 36 : De Plouharnel à Crac’h (2 jours / 28 km)
Tronçon 37 : De Crac’h à Crac’h par Locmariaquer (3 jours / 34 km)
Tronçon 38 : De Crac’h à Larmor-Baden (2 jours / 34 km)
Tronçon 39 : De Larmor-Baden à Vannes (3 jours / 40 km)
Tronçon 40 : De Vannes à Séné (2 jours / 29 km)
Tronçon 41 : De Séné à Arzon (3 jours / 68 km)
Tronçon 42 : D’Arzon au Tour-du-Parc (2 jours / 50 km)
Remarque : Les distances mentionnées peuvent paraître très/trop courtes pour certains marcheurs entraînés. Ne pas se fier à ces apparences trompeuses. Le GR34 ne présente pas de grosses difficultés mais son profil très « torturé » lui confère des dénivelés parfois éprouvant. J’y reviendrais plus loin sur la partir Perros-Guirec- Morlaix que je viens de terminer.