Camino del Norte 2017-2024 – Doublé sur un chemin de Compostelle d’exception

J’ai commencé à fréquenter les chemins de St Jacques de Compostelle en 2014 à raison d’un itinéraire complet chaque année à l’exception de la période COVID . C’est donc avec une solide expérience que je suis reparti le 10 mai dernier sur le Camino del Norte après les rivages de la Rota Vicentina (Algarve) et du Camino Portugais . Pourquoi refaire le Norte déjà réalisé en 2017 ? En fait je voulais revenir sur un chemin côtier de la péninsule, un parcours splendide qui réunit tous les aspects d’une randonnée itinérante passionnante, à savoir des paysages de toute beauté, des dénivelés intéressants et compatibles avec mon niveau (et mon âge!)

Débriefing à chaud !

Sept années se sont écoulées entre ces deux voyages sur le Norte, un chemin en mutation dont la fréquentation est en pleine progression. Il occupe désormais la 4e place après le Francès, le Primitivo et le Portugais. Voici ce que j’ai retenu de ce retour en terme de sensations, ce que les futurs candidats peuvent en apprendre pour se lancer à leur tour sur ce chemin d’exception.

Environ 830 km très vallonnés, près de 13.000 m de dénivelé positive

Un parcours toujours toujours très exigeant physiquement et désormais plus complexe

Avec ses 830 km et ses 13.000 m de dénivelé positive, (hors partie finale par le Primitivo), le Camino del Norte par la côte n’est pas un chemin initiatique. La traversée du Pays Basque espagnol durant la première semaine peut se révéler difficile alors que l’organisme n’est pas encore rodé à l’effort. Cette difficulté vient du caractère particulièrement vallonné de la région et de la nature des sentiers, sachant qu’une météo pluvieuse assez courante, peut encore corser l’affaire. D’ailleurs les moins entraînés et plus sages préfèrent débuter le Norte depuis Bilbao.

Plus loin, l’arrivée en Cantabrie est marquée par la multiplication des secteurs d’asphalte, alors que le relief s’assagit. Ces 150 à 200 km s’avèrent ou s’avéreront traumatisant pour les jambes, notamment genoux et tibias déjà soumis à une semaine d’effort. Et pourtant il n’a pas fait chaud cette année, ce qui a minimisé ces traumatismes dus aux chocs répétés sur un sol dur. Cependant, j’ai ainsi assister à de multiples abandons à la sortie de la Cantabrie suite à des périostites, des tendinites diverses ou tout simplement à une véritable lassitude de marcher sur route. La mauvaise météo a encore joué un rôle important et l’expérience a probablement fait la différence .

Un chemin parfois ingrat !

Après des pluies abondantes, comme nous en avons eu à Santander, une variante proposait ainsi un passage sur les hauteurs proches de la côte. Vu la visibilité médiocre et un sentier probablement gorgé d’eau, cette option ne présentait aucun intérêt, pire elle s’est avérée dangereuse à flanc de falaise et épuisante. Il fallait dont sagement rester sur une portion goudronnée certes pénible mais plus sûre. Question de bon sens. Hélas nombre de pèlerins « novices » se sont contentés de suivre cet itinéraire bis aveuglement sur l’App Buen Camino sans trop réfléchir.

Ce camino del Norte 2024 a donc été souvent marqué par ce type de choix, sachant que de nombreuses variantes sont désormais proposées tout au long du parcours. Elles sont généralement bien mentionnées sur les Applications ou sur les guides papier. Certaines sont recommandées aux cyclistes . Il est toutefois essentiel de discuter avec les hospitaleros pour obtenir de précieux conseils. Cela dit, j’ai hélas moi aussi fait de mauvais choix sur certaines variantes tracées soit pour raccourcir les étapes ou pour raison de sécurité, ou désengorger des localités comme à Arzua ou se rejoignent plusieurs caminos.

J’ai ainsi emprunté à Boimorto une diagonale rectiligne, déserte, de 8 km pur bitume entre les forêts d’eucalyptus, sans le moindre café. Dépité, j’ai même tenté de faire du stop, en vain. Enfin, cette météo pluvieuse rend parfois les chemins presque impraticables lorsque les engins forestiers les défoncent. Le marcheur évolue quasiment dans un bourbier de glaise. Un enfer. Comme tous les caminos, le Norte est tracé de part et d’autre de grands axes routiers. Afin d’éviter tant que ce peut le bitume et le danger des voitures, les baliseurs coupent les grandes boucles routières par des descentes en fond de vallons et les remontées. La répétition de ces montagnes russes est particulièrement épuisante.

Le même casse-tête de la composition des étapes en fonction des hébergements

Depuis sept ans, j’ai constaté que d’avantage d’hébergements sont proposés sur le Camino del Norte, la rançon du succès ! Toutefois, j’ai aussi vu plusieurs albergues désormais closes suite à des faillites dues au Covid. Par ailleurs, des établissements municipaux sont fermés durant le week end. Il vaut donc mieux se renseigner au jour le jour . Faut-il réserver ses hébergements ? Pas d’obligation mais un peu d’anticipation s’impose concernant des établissements de petite capacité (une dizaine de lits) . J’ai assisté à de beaux plantages !

Pour ma part j’ai réservé une à deux étapes d’avance en utilisant l’App Booking.com à maintes reprises (je reviendrais sur ces outils) et en passant des appels directs. Oubliez totalement (ou presque) les mails, le taux d’échecs est important faute de réponses. Côté budget, évidence, vaut mieux voyager à deux et partager parfois une pension ou un hôtel. (voir le tableau)

Malgré le nombre croissant d’hébergements, la composition des étapes reste un exercice mathématique quotidien . Un marcheur en forme se base sur 20 à 25 km par jour pour rejoindre un toit. Les fonceurs s’en envoient 30 à 35 ! Après deux semaines, je visais plutôt 25 km par jour en évitant les étapes à plus de 30 qui laissent « des traces » le lendemain sur mon organisme de sénior ! L’important est d’écouter son corps, de ne pas pousser la machine trop loin, avec en tête une obsession : finir le chemin.

Marcher seul, en couple, en groupe sur un Norte peu fréquenté ??

On trouve de tout sur les chemins de Compostelle et cet aspect sociologique m’a toujours interpelé. Je suis un marcheur solitaire et cet isolement volontaire ne ne pèse jamais, cela relève même de la quête. Cela ne m’empêche nullement de savourer des soirées entre pèlerins, à partager un verre ou faire la popote ensemble. J’ai rencontré des couples formidables sur le Norte notamment deux époux roumains affichant une solidarité touchante et complicité dans les moments les plus durs. Je garde aussi l’image de ce jeune allemand qui imposa à sa compagne sud américaine toujours hyper joviale des étapes de plus de 35 km pour tenir leur délai de retour !!

En fin de camino, elle laissa près de 2 kg de fringues superflus sur le comptoir de l’albergue ! Les plus jeunes taillent la route d’une façon relâchée. Leur spontanéité et leur niveau d’anglais leur ouvrent plus de contacts. Les marcheurs asiatiques me passionnent aussi par leur recherche de la perfection, de la protection contre le soleil, leur curiosité et leur émerveillement constant. Tout leur semble beau ! Enfin, abordons le sujet du groupe spontané. Instinct grégaire oblige, l’homme ou la femme ont tendance à s’agglutiner à deux , trois ou six . Crainte de la solitude, de se perdre, de s’ennuyer, vraies affinités, les fameuses « fabuleuses rencontres du Camino » ! La durée de vie du groupe est plutôt variable. Cet exemple est symptomatique du phénomène. Jean-Pierre, rochelais, Louise, québécoise, Fabio, brésilien, et Annette hollandaise se sont rencontrés et pris plaisir à partager le chemin de nombreux jours. Une vraie famille. Jusqu’au jour où la hollandaise s’est lassée du rythme imposé et des contraintes du groupe, jusqu’au jour ou Fabio s’est offert une pause visite, jusqu’au jour ou Louise, épuisée a voulu tout plaquer, a tenu une semaine et est rentrée chez elle. Jusqu’au jour ou Jean-Pierre s’est retrouvé seul, victime d’une sale bobo au genou et est reparti à la Rochelle à mi-parcours.

De grands moments de solitude aussi dans les forêts d’eucalyptus ou les plaines immenses.

J’ai adoré cet autre groupe «  à géométrie variable » mené et recomposé dix fois par Mirchka, ce roumain exilé à San Francisco dont la gaîté et l’humour ont entraîné dans ses pas une suédoise, une jeune américaine de l’Oklahoma, un allemand increvable, moi-même, etc. Un vrai catalyseur de marcheurs dont la bonne humeur a irradié mon parcours. Quel bonheur j ai eu de les retrouver à Santiago chez un marchand de glaces ! Ses rencontres parfois magiques m’étonnent et me ravissent. J’ai passé du temps avec des duos improbables. Mike, 58 ans et Gerhard, 72, deux allemands d’une complicité géniale, le second victime par le passé de trois crises cardiaques et porteur de deux stents.

Des rencontres spontanées et des passages surprenants.

Ou encore Tony, britannique de 68 ans, six chemins au compteur qui partageait ses soirées depuis deux semaines avec Nat, vieil australien fatigué, d’une lenteur assumée, parti d’Irun le 17 avril !! L’amitié spontanée retrouve ici toute sa mesure. En revanche, je finis par fuir les meneurs bavards, bruyants, qui connaissent tout et rien ou encore ces groupes de français hermétiques qui parlent à peine deux mots d’anglais. Très très rarement, j’ai évoqué ou mis en avant les 8 ou 9 chemins réalisés depuis dix ans. C’est inutile car le camino reste une expérience unique pour chacun.

La technologie toujours plus au service ou au secours du pèlerin

Depuis mes débuts sur les chemins, je ne peux que constater omniprésence de la technologie. D’abord, il y a du réseau GSM (3 ou 4 G) partout sur ce parcours. Le « roaming » mis en place en Europe permet à tous les européens de profiter de leur forfait national. Les autres pèlerins étrangers sont toujours en quête de WI FI au moindre arrêt. Certains opérateurs hors Europe offrent ce service à leurs clients. La plupart des communications passent désormais par WhatsApp. Les groupes évoqués précédemment en font un usage généralisé pour communiquer entre eux. De plus en plus d’hospitaleros l’utilisent aussi. Enfin, quelques groupes ou couples se sont logés parfois en AirBnb.

Le camino en ville : pas toujours très glamour
Visite de Bilbao, traversée dans l’histoire industrielle des grandes villes nu nord.

Les Applications et sites « spécial Compostelle » ne manquent pas. Pour ma part, en bon geek, j’ai utilisé les outils suivant. La plupart ont un lien direct booking.com pour réserver et proposent en option payante des calculateurs d’étapes. (Je n’ai pas testé) :

Wise Pilgrim Camino del Norte (5,49€) . Très simple, ergonomique, mise à jour, bien documentée. Cartes téléchargeables Apple Maps. Tous les hébergements répertoriés. Conseils mentionnés en rouge

Buen Camino . L’app qui s’est généralisée chez les pèlerins. Gratuite, bien documentée, dotée d’une boussole pour se rendre à l’albergue choisie. Cartographie Google Earth agréable, profil du parcours.

Mapy.cz . L’app en open source offre des courbes de niveau et une précision topologique, des détails cartographiques plus précis pour s’orienter et trouver le bon chemin en plan B

Google Maps . L’application à 250 % commerciale est bien pratique pour trouver un supermarché, un restau ouvert, ou une pharmacie le plus proche

Google Traduction : l’arme absolue pour lire les menus espagnols !

Booking.com . Ce site ou cette app est devenu désormais incontournable en voyage. Choix, réservations instantanées et sures . Paiement immédiat ou non . Le programme fidélité offre de bonnes réductions. Inconvénient : annulation quasi impossible. Mieux vaut bétonner ses étapes .

WhatsApp . Evidemment ! Pour rester connectés entre amis, hospitaleros et limiter les frais téléphoniques.

Facebook – pour partager les bons moments avec ceux restés à la casa !

Camino del Norte 2024 . Editions Rother 16 Euros (Au Vieux Campeur)

Ce petit guide d’un format poche très pratique est un concentré d’informations notamment le profil du parcours, un bornage kilométrique précis, des infos culturelles. La cartographie est très soignée. La partie hébergements mériterait plus de clarté. Téléchargement offert des traces de chaque étape au format .gpx

Un guide papier, des applications numériques, un passeport dans les bagages.

Montres connectées et smartphones : nombreux sont ceux qui enregistrent désormais nombre de pas ou km effectués chaque ainsi que les calories dépensées. (important, vu le nombre de bananes ingurgitées ! )

Mon choix : Montre Casio Pro Trek connectée via l’app Casio Watches . Ce modèle est doté d’un podomètre, d’un altimètre, d’un baromètre et surtout d’une boussole, très utile malgré tout pour vérifier sa bonne orientation notamment en sortie de ville.

Débriefing équipement :

Les chaussures de trail Hoka Speed Goat 5 (semelle Vibram) ont tenu la distance malgré une usure très marquée après le Pays Basque et la Cantabrie. L’étanchéité Gore Tex n’a pas tenu très longtemps. J’ai manqué d’une polaire légère intermédiaire en alternance avec la doudoune Cimalp. J’ai marché à 98 % en short, avec un pantalon de pluie trail Evadict (Décathlon) les matin frisquets.

Pour la première fois, j’ai brisé un bâton de rando lors d’une glissade dans la boue. J’en ai racheté un en route après avoir tenter une réparation. Il y a des pharmacies partout en Espagne, inutile de se charger de médicaments et matériel de soin. Hydratation : faites le plein au robinet des hébergements, l’eau est excellente, vous trouverez régulièrement des fontaines en ville. Evitez les sources isolées en campagne, la qualité de l’eau n’est pas certaine.

Budget : Variable de 30 à 70€/jour selon les bourses mais globalement le coût de la vie à augmenter de 20 à 30% pour tous en Espagne, ressenti sur l’alimentation et les consommations. Cartes bancaires acceptées partout.

Conclusions

Cette nouvelle expérience sur le Norte m’a apporté toute la rupture avec le quotidien que j’escomptais, ce petit parfum d’aventure, ce dépouillement de tout pour garder que le nécessaire. Le septuagénaire s’en est sorti physiquement intact sur ce chemin éprouvant. J’en ai tout de même .. bavé ! Car la récupération est devenue plus douloureuse avec les années . Alors, comme me déclarait un formidable marcheur anglais de ma génération rencontré sur la Via de la Plata en 2022, en arrivant à Santiago: «  Je ressens une immense gratitude pour la vie et ce qu’elle vient de m’offrir » . Tout est dit . Partez sur le Camino del Norte en bonne forme et avec prudence. Ce chemin est un vrai bonheur tant les paysages sont magnifiques. Vous traverserez des villages d’une rare quiétude, sentirez la brise marine, l’odeur de la terre et de l’eucalyptus, apercevrez l’océan à l’horizon ou les Picos d’Europe au loin. Bon voyage dans un décor renouvelé chaque matin !

Messe des pèlerins et botafumero dans la cathédrale de Compostelle

Détails des étapes et des hébergements (10 mai -11 juin 2024)

NoVille départVille arrivéenb kmNom hébergementPrix (€)
1Irun (Albergue)San Sebastian24Surf Extea Hotel35
2San SebastianZarautz22Blai Blai Hotel25
3ZarautzDeba26Albergue municipale8
4DebaMarkina26Albergue Carmen10
5MarkinaGernika26Akeluar Ostat56
6GernikaLesama -Bilbao23Post Hotel23
7Bilbaovisite
Elkoos Hotel32
8BilbaoPabenas30Albergue municipale10
9PabenasCastro15Pension49
10CastroLaredo31Casa de la Trinitad10
11LaredoGuemes27Albergue Pueblo15
12GuemesSantender + train20Boo – hotel playas53
13BooSantillas del mar23El Conventio19
14Santillas del marComillas27Magia del Camino16
15ComillasPésuès23Hotel Baviera35
16PésuèsLlanès31Albergue Estacion16
17LlanèsRibadella30Hotel Marina42
18RibadellaGijon (+bus)18Boogalow hotel23
19GijonAvilès25Albergue municipale10
20AvilèsMuros22Casa Carmin18
21MurosSanta Marina29Pension Prada40
22Santa MarinaLuerca25Albergue privée16
23LuercaNavia22Albergue San Roque15
24NaviaTapia de Casariego22Hotel Puente los santos35
25Tapia de C.Lourenza29Pension Penograle25
26LourenzaAbadin27Albergue Xabadin19
27AbadinVilaba22Albergue A Carbaleira19
28VilabaBaamond20Albergue municipale10
29BaamondA Cabana24Albergue municipale10
30A CabanaBoimorto26Albergue Casa Gandara16
31BoimortoSan Irène24Albergue San Irène26
32San IrèneSantiago222 nuits Seminar menor56






2 réflexions sur « Camino del Norte 2017-2024 – Doublé sur un chemin de Compostelle d’exception »

  1. Bonjour

    je viens de lire votre résumé et je voulais vous féliciter. Très bien écrit, intéressant. Je n’ai pas fait le Norte mais celui du puy à Santiago.

    Ce fut une très belle expérience.

    Cordialement

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