Parmi tous les chemins qui traversent la péninsule ibérique vers Saint-Jacques de Compostelle, le Camino del Norte se démarque par sa tranquillité et sa relative difficulté. Après mes expériences sur le Camino de Francès et le Portugais, J’en garde surtout le souvenir d’un parcours splendide empreint d’une heureuse solitude.

Aussi appelé le Camino de la Costa, ce chemin qui suit en effet la côte nord de l’Espagne n’est pas le plus fréquenté par les pèlerins en marche vers Compostelle. Seulement 6 et 8 % d’entre eux l’empruntent depuis Irun à la frontière espagnole pour rejoindre la capitale de la Galice au Nord Ouest du pays. Après mes voyages en 2014 et 2015 sur les chemins Francès et Portugais, parcourus toujours d’une seule traite, un divorce, des épreuves sentimentales et familiales, me poussaient à repartir vers Compostelle, une longue marche qui se posait comme une thérapie évidente tant la rupture avec la quotidien m’est bénéfique. Lequel choisir ? Les chemins espagnols ne demandent aucune réservation des hébergements et le budget global de 20 à 30€ par jour me convenait d’avantage que les parcours en France pourtant magnifiques. Depuis longtemps je lorgnais avec intérêt, curiosité et une pointe d’angoisse le profil du Camino del Norte. Je relus quelques passages du controversé bouquin de Ruffin « Immortelle Randonnée ». J’effectuais des recherches sur les forums et demandais enfin l’avis de mes amis pèlerins. Résultat, si le Camino del Norte n’est pas l’Everest , ses 15.000 m de dénivelée positive, son isolement, les trop longues portions bitumées, le nombre réduit de ses hébergements avaient de quoi me faire réfléchir et douter. Cela dit, sur le papier ce parcours me séduisait irrésistiblement avec ses 815 km alternant des passages un peu montagneux, le chemin côtier et ses petits ports , des sentiers en pleine campagne et la traversée de villes passionnantes comme Bilbao, Santander ou Gijon. J’allais être comblé.
Franchir le fossé entre l’envie le doute

D’une forme physique médiocre, des douleurs dorsales persistantes, des élections présidentielles imminentes, la culpabilisation de laisser seule ma vieille maman, bref je trouvais une foule de prétextes pour repousser deux fois la date de mon billet de train. « Basta, me suis-je dis. Ça sera pour le 15 mai ou ça ne sera pas ! ». L’idée de renoncer et rentrer au bout d’une semaine, un peu cassé moralement n’était cependant pas exclue. Alors trop vieux Kirsch , trop long le chemin, top dur le profil ?! Je doutais. Histoire de me rassurer je pensais alors à mon ami Daniel, 75 ans, toujours en marche sur les chemins. Puis je revoyais aussi Edward, mon copain de rando de Sport et Nature. Je l’avais revu avant de partir, là, cloué sur lit d’hôpital par la maladie. J’ignorais alors que je ne le reverrais pas vivant. Il faut parfois mesurer sa chance et arrêter de trop se regarder le nombril vautré sur son canapé. Quitte à avoir mal partout, autant que ce soit en marchant ! Rassuré par un scanner vertébral satisfaisant et dotée de la trousse à pharmacie du parfait hypocondriaque, je devais tailler la route.
D’autant que j’étais prêt depuis un moment ! Mon fidèle sac à dos Osprey m’attendait sagement dans ma chambre depuis un mois. Je le refaisais une à deux fois par semaine afin de trouver un poids optimum de 9 kg. Je recomposais à maintes reprises les trois pochettes de congélation qui constituent le trousseau du pèlerin ordinaire: une avec les affaires de nuit (T-shirt, caleçon, boules Quiès, écouteurs, lampe frontale,..), une autre de linge propre et enfin une avec kit de toilette (un savon de Marseille, des épingles à linge et la serviette).
Prêt pour un nouveau camino cette fois en solo (ma girl-friend marcheuse berlinoise voguant et roucoulant vers d’autres horizons). L’idée de cheminer seul ne m’a jamais effrayé. Bien au contraire, j’apprécie plutôt cette liberté totale et puis les chemins de Compostelle sont l’occasion de rencontrer beaucoup d’autres marcheurs venus du monde entier. J’allais vite découvrir que le Camino del Norte s’avère une exception.

Lundi 15 mai. Train de banlieue, métro et gare Montparnasse, un pèlerin parigot ressemble à n’importe quel touriste à Paris ou vacancier en partance pour la montagne. Au bout de 6h de TGV, je débarquais à Irun pour rejoindre l’albergue municipale. La petite ville espagnole sortait de la siesta, les locataires d’un soir s’affairaient à leurs occupations : manger, se reposer, laver, soigner les bobos. Durant ces heures, j ‘avais eu le temps de parcourir virtuellement les 34 étapes élaborées dans le guide de poche Rother. Dès le lendemain matin, j’attaquerais la première plutôt motivé. Pour 8 euros la nuit l’hospitalero m’affecta un lit dans le dortoir. Je retrouvais l’ambiance un rien minimaliste des établissements bon marché du bas de l’échelle hôtelière espagnole. Il suffit juste d’imaginer deux étages d’appartements avec des dortoirs dans la chambre des gosses et des parents. L’incontournable micro-ondes, des accessoires de cuisine disparates, un serveur wifi au rayon d’action limité, une salle de douche refaite à l’économie. Et puis les prises multiples destinées à la charge des portables et tablettes du nouveau pèlerin connecté. J’y reviendrais. Des duvets sur les lits, du linge qui sèche sur les montants métalliques, des odeurs confuses de savon, de pommades, de bouffe, des discussions entre novices et vieux routards sous les néons de la salle commune. Une albergue quoi !
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