Retour sur le GR34, le sentier des douaniers du littoral breton . Morlaix, Roscoff, Brignogan, le Conquet, des abers, des abus , un peu de bus, des grands moments d’extase …et parfois de solitude.

Pour un amoureux de la Bretagne et un adepte de la grande randonnée, le GR34 est une drogue dure voire une fascination. Pour mémoire, ce « sentier des douaniers » court sur près de 1300 km le long de la côte. Il fait partie des grands classiques de la rando en France. Si certains le font en une seule fois, pour ma part je le découvre depuis quatre ans d’une façon plus anarchique et improvisée, au rythme de mon budget et mes envies. Ma première expérience entre le Mont Saint-Michel fut une demie réussite. J’avais eu l’ambition totalement irréaliste de me lancer seul en camping fin avril. Il n’ y avait que très peu d’établissements ouverts, la météo et l’immense sentiment de solitude avaient fini par casser un moral que je croyais inoxydable. Je m’étais arrêté du côté de St Malo, gelé, cassé et finalement réfugié dans l’auberge de Jeunesse locale ! La seconde marche sur le GR34 se passa vers St Brieuc et le Cap Fréhel. Pour l’occasion, j’avais convaincu mon fils Etienne, un ado de 15 ans, de m’accompagner. Après trois ou quatre jours, il avait consenti à lâcher son portable et à regarder enfin le paysage. Hélas, cette embellie ne fut que de courte durée, il se foula la cheville et on reprit le traîn à St Brieuc. Pour ma troisième balade en 2015, je décidais donc de repartir seul. J’avais entretemps fait le chemin de Compostelle avec mon amie Sabrina de Berlin, j’étais physiquement en forme mais toujours peu convaincu d’aimer repartir sur ce GR en solitaire. L’appel de la Bretagne fut malgré tout le plus fort. Au programme la Côte de Granit Rose d’Est en Ouest. La rando fut superbe, parfois douloureuse aussi. Après une semaine, le crachin breton et un bon mal de dos dû au 12 kg du sac ruinaient mes ambitions, je jetais l’éponge pour rentrer à Paris depuis Morlaix.

20 Août 2016 – Nouveau départ depuis Morlaix, des kilomètres de côtes sauvages et un magnifique désert s’ouvre devant moi !
Pas question de lâcher le projet, faut bien le boucler un jour ce GR34 ! Fort de mes trois expériences précédentes, je reprenais mon sac à dos avec cette fois l’objectif majeur de l’alléger davantage. Car en grande randonnée, le poids est le pire ennemi du marcheur. Le principe veut qu’il ne dépasse pas 10% de son propre poids. Une vraie gageure lorsqu’on pèse 75 kg, que l’on prévoit de camper et que Compostelle vous a délesté de 5 ou 6 kg jamais repris ! Bref, je ne suis pas parvenu à descendre sous les 11 kg. Et pourtant j’ai mis le paquet et le budget. Tente Vaude (1kg), matelas gonflable Therm A Rest (450 gr), duvet Cumulus (400 gr), veste Arc’Térix (300 gr) .. une vraie fortune de MUL (Matériel Ultra Léger) !
Le GR34, en solo, en camping après le 15 août, il faut vraiment le vouloir. Seuls les scandinaves et nordiques jouent les prolongations dans leur luxueux camping-cars . Les plages à demi désertes me renvoient à mon statut de randonneur errant sur les dunes. Arrivé par TGV à Morlaix, je pensais trouver un semblant d’animation dans cette très jolie ville, histoire de démarrer avec la pêche. Que nenni ! Je m’installe pour la nuit à la Pension des Ecluses, je suis seul dans une super maison de 200 m2 et le proprio me laisse les clefs. Trois ou quatre personnes arriveront plus tard. La plupart des bistros sont déjà fermés le dimanche, je pose mon sac et pars visiter la ville.
Néanmoins les stations balnéaires comme Roscoff restent très vivantes et le camping Les Alouettes **** que j’ avais visé afficha complet. Je fus obligé de prendre une navette pour sortir de la place et rejoindre le camping municipal à quelques kilomètres. Certaines auberges de jeunesse et gîtes d’étapes n’accueillent que des groupes et sont en revanche prises d’assaut pour les derniers stages de voiles pré-rentrée ou encore des passages de BAFA tardifs.
Au pays des Abers de dune en dune , de plage en plage au bon vouloir des marées
Ce passage sur les premières plages du Finistère nord fut l’occasion de découvrir les Abers bretons ainsi que les plus beaux phares locaux. Le GR34 quitte ici parfois les dunes pour s’aventurer par les plages. Et là, ça passe ou pas, c’est une question de marée. Et lorsque ce ne passe pas, j’ai eu le droit à un petit détour par la route. Une fois le GR s’était effondré suite à des pluies très abondantes, une autre fois il était barré pour cause de pollution par les algues vertes. C’est un problème aigu et récurent. Déjà il y a deux j’avais été détourné dans la baie de St Brieuc. Des sangliers avaient été retrouvés morts, intoxiqués par les émanations de gaz. Ces fortunes de chemin sont en fait très rares et ce sentier très bien entretenu par les localités permet de découvrir toutes les richesses de ce littoral unique. Cette année j’avais donc choisi d’aller voir de près ces fameux fjords notamment l’ Aber Wrach et Aber St Benoît. Ces longs bras de mer s’enfoncent loin dans les terres et abritent de nombreuses espèces d’oiseaux. Ces abers protégés des tempêtes servent évidemment de mouillages aux bateaux. Encrés en files indiennes et sous l’emprise du courant, ils dessinent des lignes géométriques parfaites sur ces petites mers intérieures entourées de verdure. Le GR34 en fait le tour et rallonge votre parcours. Il m’a fallut en tenir compte pour élaborer la longueur de quelques étapes. Le GR peut aussi traverser la pointe de ces abers en passant généralement par des ponts ou alors des passages cimentés uniquement praticables à marée basse. Ils sont souvent rendus glissant par les algues résiduelles, donc prudence. Enfin, même à marée basse, il subsiste de petits cours d’eau en bout d’aber. J’étais tenté à maintes reprises de faire une traversée sauvage pour gagner du temps mais l’aspect vaseux, la profondeur inconnue m’ont vite fait changé d’avis.
Des trajets en car à 2€ dans tout le Finistère, sans limite de distance.
Durant près d’une semaine, j’ai eu la chance exceptionnelle d’avoir une météo de rêve. Une seule journée humide m’a gentiment rappelé que la Bretagne avait du caractère. Après avoir marché le long des deux abers, j ai pris le car pour me rendre au Conquet. A ce sujet, j’ai eu le plaisir de profiter du nouveau forfait à 2 € , quelque soit la distance , avec une correspondance autorisée. Ce programme sponsorisé à l’année par le Conseil Général du 29, permet aux bretons comme aux touristes de circuler à moindre frais sans voiture en favorisant le développement du Finistère.
Cela dit la Bretagne a paraît-il connu cette année une affluence record, même si je n’ai rencontré que trois ou quatre vrais GRistes durant mon périple. Hormis le nombre de campings et de gîtes assez réduit, cette partie du pays des Abers ne présente pas de difficultés majeures d’organisation. Il suffit de bien calculer le découpage du parcours et prévoir certaines étapes approchant les 30 km. En cas de coups durs, coups de pompes, on peut toujours progresser ou revenir en auto stop ou prendre le car . Pour cela, une seule adresse : www.viaoo29.com . Côté physique, les dénivelés sont peu important sur ce tronçon du GR34, rien à voir avec la torture de la côte de Granit Rose extrêmement découpée et cassante avec sa succession sans fin de passages de criques.
I wanted to Breizh free.. again, c ‘est fait. Si tout va bien, je compte revenir l’été prochain pour découdre avec ce sentier, cette fois sur la presqu’île de Crozon, une pure merveille mais au climat un peu capricieux . Kenavo !
