Briefing à 9h sur le parvis de l’église St Germain -l’Auxerrois. Montage de l’Axe avec des cartes IGN au 1:25.000e
L’association spécialisée dans l’exploration périurbaine en Ile-de-France depuis dix ans invitait une quarantaine de marcheurs à parcourir un itinéraire moins habituel qu’à l’accoutumé. Après un tour complet du Périph parisien en quatre étapes précédemment, elle nous embarque en effet sur une très longue ligne droite, sans le moindre virage : l’Axe Historique.
L’Axe Royal et sa perspective lors de la création du Palais des Tuileries par Catherine de Médicis
Ce concept a été imaginé par Catherine de Médicis lorsqu’elle fit construire le Palais des Tuileries dans le prolongement du Louvre. Cette perspective remarquable partait du célèbre musée, passait sous l’arc de triomphe du Carrousel et touchait l’Obélisque de la place de la Concorde. Puis, il continuait jusqu’à l’Arc de Triomphe de la place de l’Étoile et se prolongeait en banlieue jusqu’à Nanterre. Nous avons donc patiemment remonté cet axe, en nous attardant sur l’histoire de quelques sites marquants, et surtout en écoutant les exposés des architectes, des paysagistes et des urbanistes, ou des chercheurs.
Un central téléphonique existait sous le Jardin des Tuileries
Le bel alignement entre les deux arcs de triomphe
Ce fut l’occasion d’apprendre qu’un important central téléphonique existait sous le Jardin des Tuileries, de comprendre pourquoi les Champs-Élysées concentrent autant de boutiques de luxe. Le chantier actuel de l’immeuble Louis Vuitton, emballé dans sa malle géante argentée, mérite le coup d’œil. Ces sorties sont souvent l’occasion de remettre en question les idées reçues et même de susciter des débats. Ainsi, l’imposant Arc de Triomphe, symbole de mémoire et d’admiration pour des milliers de touristes, aurait une image plus guerrière qu’il ne le voudrait !
Pique-nique sur l’île de Puteaux
l’Esplanade de la Défense ..une dalle à 25m au-dessus du sol !
Après un pique-nique dans un parc de l’île de Puteaux, les marcheurs vont traverser le centre d’affaires de la Défense, une dalle maintenue à une vingtaine de mètres au-dessus du sol par un labyrinthe de béton, un univers inachevé , le phantasme de promoteurs, ou encore le squat de sans-abri. Après quelques bidouillages de verdure, l’esplanade profite aujourd’hui d’une vraie végétalisation. Il est impossible de manquer la Grande Arche, qui domine l’ensemble du site. Il suffit de grimper la volée de marches pour admirer cet axe historique vers l’Est, magnifique enfilade où se devine le Louvre.
Le projet de l’Axe Parisien reliant les ports de Paris, Rouen et Le Havre.
Le chantier mégalo de Louis Vuitton aux Champs Elysées
Presque ! En réalité, l’énorme cadre est décalé de 6,5°. En se retournant vers l’ouest, on peut suivre durant quelques centaines de mètres une passerelle qui mène .. qui ne mène nulle part ! À ce jour personne n’a d’explications plausibles à l’arrêt brutal de cette artère prometteuse, aujourd’hui un joli cul-de-sac aérien ! Toutefois, une promenade verdoyante permet de poursuivre ce cap à l’ouest et de chaque côté du toit de l’autoroute A14 à son arrivée à Nanterre.
Une passerelle qui mène nulle part !
Vue côté ouest sur les Terrasses de Nanterre qui conduisent au Champ de la Garde et à la Ferme du Bonheur.
Notons que le recouvrement des grandes artères traversant Paris est à l’ordre du jour pour diminuer les nuisances sonores, avec notamment le recouvrement des huit voies qui émergent du tunnel de la Porte-Maillot. Un chantier nécessaire et hors de prix ! L’axe qui se poursuit sur Nanterre comporte plusieurs terrasses et abrite même un espace d’exposition. L’équipée a terminé sa visite au Champ de la Garde, un espace vert de 4 hectares entièrement artificiel créé en collaboration avec la Ferme du Bonheur dans le cadre du Programme de Réussite éducative. Agriculture et élevage en communauté à 3 km de la capitale !
Nous étions une trentaine de marcheurs en ce mois de juin 2023 à nous réunir à la Gare RER de Villiers le Bel à l’invitation du Voyage Métropolitain. La canicule persistance des derniers jours ayant « refroidi » de nombreux inscrits ! De nouveau cette association nous proposait de partir en exploration d’un territoire francilien, de ses réalisations et les problèmes récurrent à notre région ou s’affrontent depuis des décennies : la nature et l’urbanisation. D’un côté les terres agricoles nourricières de Paris (ou ce qu’il en reste) , de l’autre l’habitat , les voies d’accès et les grandes surfaces. Le pot de terre contre le saut de béton. Triste fable. Si le rapport de force reste disproportionné, il faut cependant se réjouir que la lutte pour la protection de l’environnent marque désormais des points. Les initiatives locales se multiplient .
Un parcours de 16 km entre Villiers Le Bel et Louvres, de gare à gare
Téléchargez la trace de cette randonnée périurbaine au format .gpxICI
Comme de coutume, Jens, notre organisateur , étala ses cartes IGN et sa bibliographie sur le trottoir de la gare. La zone concernée courrait sur les départements de la Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise. Les regards se fixèrent sur un petit court d’eau anodin : le Croult . Il illustre à lui seul toute la maltraitance infligée à notre hydrologie depuis des siècles sous la poussée de l’industrie ou de cette urbanisation cannibale.
Présentation du parcours sur les cartes IGN au 1:25.000e
Un ouvrage de référence pour approfondir le sujet.
Combien de ces rivières composantes oubliées du bassin versant de la Seine ont ainsi été prises pour des égouts, canalisées dans le ciment, polluées au point d’en devenir insalubres et d’être recouvertes ? Il a fallut attendre bien années pour comprendre enfin que ce foisonnement de rus constituait une formidable richesse naturelle à exploiter, à faire renaître . Une de ces missions fut confiée au SIAH du Croult et du Petit Rosne (Syndicat Intercommunal d’aménagement Hydrologique) , sous la direction d’Eric Chanal.
Le Croult artificialisé. (en bas : Eric Chanal directeur du SIAH)
Le Croult a retrouvé sa beauté d’antan et abrite désormais des écosystèmes complexes
Durant une dizaine de kilomètres, cet ingénieur va guider notre groupe, à forte composante d’architectes ce jour-là, sur les rives du Croult afin de nous exposer les aménagements réalisés. Après avoir traversé Arnouville et Gonesse en traversant une zone pavillonnaire, nous découvrons le sujet de notre venue. Le Croult n’est ici qu’un ruisseau emprisonné dans son étau de béton, Eric Chanal nous livre les premières explications. Derrière son air sage, le débit du Croult gonflé par les pluies pouvait atteindre 10 m3/sec, il débordait alors et inondait une bonne partie de cette banlieue. Depuis des bassins « écrêteurs » viennent régulariser les sauts d’humeur de tous ces cours artificialisés, le temps est venu de rendre l’eau de nouveau visible. Le long de cette balade le groupe va ainsi découvrir l’énorme effort déployé depuis dix ans ans par la SIAH pour redonner au Croult, long de 25 km, son costume de verdure sur seulement 800 m pour une dépense de 3 millions d’euros ! Cette renaissance s’inscrit dans un programme plus vaste comme le précise Eric Chanal : « Nous avons dix projets en cours notamment au Vignois vers la confluence du Petit Rosne dont la traversée de Gonesse. » . Car sans médiatisation et depuis vingt ans, l’aménagement des fonds de vallée ne cesse de progresser.
La rivière fait de nouveau le bonheur des pêcheurs et des promeneurs
Ici une zone humide de fond de vallée côtoie désormais les grandes surfaces
Des espaces végétalisés ont transformé le décor, des écosystèmes s’y développent avec la sédentarisation de certaines espèces d’oiseaux en pleine zone urbaine, juste aux pieds d’un Leroy Merlin ! Le défi est colossal, en terme d’investissement bien sûr , mais aussi pour faire évaluer les mentalités et s’affranchir de certaines craintes comme une prolifération de moustiques due aux zones humides. En arrivant au bel étang du Thillay, les marcheurs du Voyage Métropolitain commencent alors à cerner les résultats de ces actions, de cette volonté voire de cet entêtement à sauver les moindres mètres carrés de nature encastrés dans le milieu urbain . Les pistes cyclables et des sentiers de promenades témoignent de cette volonté d’ouvrir ces nouveaux espaces au public. En parallèle à ces réalisations, et d’ailleurs c’est une généralité, des fouilles préventives ont lieu sur chaque chantier. Melaine Lefeuvre, conservateur au Musée Archéa de Louvres interviendra régulièrement durant cette randonnée.
Lé région au XIXe .
Melaine Lefeuvre évoque les restes recueillis dans le tumulus découvert
« Sous le béton l’histoire millénaire affleure parfois , il suffit parfois de creuser et découvrir par chance ou par hasard des vestiges d’une grande richesse » raconte-t-il en nous faisant visiter les fouilles du château d’Orville illustrées d’une étonnante reconstitution 3D ou évoquant la découverte en 2017 d’un village gaulois et d’un tumulus gigantesque datant de l’Age de Bronze. Que découvriront les archéologues dans les prochains siècles lorsqu’il creuseront le sol du Parc de la Patte d’Oie à proximité ? La question est sournoise car cet espace vert vallonné cache en effet des tonnes d’ordures enfouies et recouvertes d’un manteau protecteur qui les rend invisibles ! Le conservateur nous conviera en fin de parcours à venir admirer ces trésors au Musée et clore cette balade autour d’une collation.
Ce que fut le château d’Orville
Comment enfouir durablement les ordures et faire de la Patte d’Oie un parc verdoyant !
Vieux Goussainville, village fantôme
Entre temps les participants purent se ravitailler en eau dans une salle commune du Vieux Goussainville et surtout écouter le récit de Philippe Vieillard, l’épopée d’un combat impossible, inégal , Don Quichotien contre l’aéroport de Roissy. En 1973, au moment de la construction de l’aéroport, ADP propose aux habitants de racheter leurs maisons, à des prix plutôt attractifs. Une grande partie du village part, le centre ville de Goussainville se déplace et le village devient le vieux Goussainville, mais sur les 1000 habitants, 350 décident de rester. S’en suivront des luttes juridiques à rebondissements. Il ne reste aujourd’hui qu’un « village fantôme » dont les maisons souvent murées tombent en ruine et le goût d’un immense gâchis dans la mémoire de Philippe Vieillard.
Fin de rando au splendide musée Archea de Louvres pour la trentaine de participants
Le temps d’une journée éprouvante mais passionnante, le Voyage Métropolitain nous a encore immergé dans le passé parfois douloureux de cette région aux deux aéroports, à l’urbanisation plus ou moins maîtrisée mais également fait mesurer sa réelle détermination à remettre en valeur son patrimoine naturel trop longtemps martyrisé.
Richard Kirsch
Débriefing habituel chez le Voyage Métropolitain lors d’une dégustation de bières artisanales dans le centre de Louvres
– le Vieux Goussainville . Pour continuer la visite avec Philippe Vieillard et en apprendre davantage sur l’aventure de la défense et du sauvetage du village, vous pouvez l’écouter sur FranceInter, le suivre dans un article de Libération datant de 1995 ou encore le lire dans celui du Temps, datant de 2016.
Le Vieux Goussainville a également été un des sites du concours Europan. Cet article très complet de la revue surmesure raconte le projet de l’équipe lauréate, qui est aussi à l’origine de la curieuse sculpture que nous avons croisé à la sortie du village.
– Histoires d’eau en Val de France, Catherine Roth, 2010, à télécharger ici (Val de France étant l’ancienne communauté d’agglomération incluant Arnouville)
La construction du Grand Paris a incité depuis quelques années l’Association Le Voyage Métropolitain a tracé un parcours reliant les gares de ce projet et de proposer 39 journées de randonnée . Ce maillage trilobe articulé sur les villes de Saint-Denis, Créteil et Versailles mesure 615km de quoi en découvrir toutes les facettes architecturales et sociales ainsi que nous replonger dans l’histoire même de la région Ile-de-France.
Les 39 étapes du Sentier du Grand Paris
Briefing des participants par Philippe-Hervé sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Créteil
Après un coup d’arrêt dû aux mesures sanitaires, les organisateurs ont repris cartes et GPS pour emmener cette fois une trentaine de marcheurs dans le Val de Marne. Si le tracé du Sentier du Grand Paris est désormais validé mais peut encore des modifications. Cette rando périurbaine fut donc l’occasion de parcourir un itinéraire de liaison de 11 km entre Créteil et Alfortville. Le rendez-vous est fixé à l’hôtel de Ville ce samedi là et c’est un vrai labyrinthe pour le rejoindre depuis le métro Créteil Préfecture. Près de quarante ans se sont écoulées depuis sa construction. A cette époque beaucoup déplorait déjà la complexité de circulation sur ce site de 600ha divisé en plusieurs quartiers abritant habitions et bureaux.
Le Nouveau Créteil, 571 ha , 6 quartiers, des architectes prestigieux jouent la carte de l’innovation et de la modernité .
Créteil quarante ans plus tard. La préfecture du Val de Marne reste toujours un labyrinthe !!
Ce retour sur la genèse du Nouveau Créteil », nous ramène en 1964. Le département se lance dans une vaste opération immobilière avec un délai d’achèvement de dix ans seulement. Ce projet sur -médiatisé et remarquablement marketté à l’époque, financé par la Compagnie Bancaire, des capitaux privés, alors que l’Etat s’est lancé depuis 1955 dans la construction de 5 villes nouvelles (Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée, Evry, Sénart) et des barres pur béton et sans âme. En traversant Créteil depuis le lac, chacun se rend compte de l’innovation voire l’audace des nombreux architectes (souvent des Prix de Rome) qui ont œuvré sous la coordination de Pierre Dufau. Et pourtant la partie s’annonçait compliquée. Les réalisations devaient notamment s’élever sur un ancien marécage.
Tracé de notre rando périurbaine depuis le lac de Créteil.
Le défi fut relevé et la Préfecture du Val de Marne allait devenir l’image même de la modernité qui fit la fierté de Pierre Billotte, un général élu maire en 1965, félicité par un autre Général, De Gaulle lui-même ! Le Créteil « Soleil » accueillit en ses murs le plus grand centre commercial d’Europe et le premier Mc Donald de France s’y installa . C’est vous dire ! Durant cette balade, on voit très bien la diversité des 6 ilots du Nouveau Créteil . Le plus emblématique reste sans doute les « Choux » , des immeubles-fleurs dessinés par l’architecte Gérard Grandval, ex-soixante huitard et Prix de Rome, en réaction aux cubes de l’époque .
Des balcons pétales pour plus d’intimité des locataires
Les 11 immeubles-fleurs du quartier du Palais nés de la réaction de Gérard Grandval face aux cubes de l’époque
Afin de finaliser l’ identité de ces quartiers , Dufau fit appelle au célèbre peintre Vasarely dont la mission fut de créer des effets colorés, un peu dans la même philosophie que Le Corbusier. Maurizio Vital , paysagiste de renom fut aussi appelé afin d’apporter la touche nature dans ce vaste univers sorti de terre en un temps record. La nappe phréatique affleurant à moins de deux mètres de la surface, le lac fut crée facilement .Toutefois la dynamique du projet fut stoppée dans les années 70 par les deux chocs pétroliers. Des 100.000 habitants espérés, ils ne furent que 58.000 à s’y installer. Après un passage devant l’immeuble très stalinien de la préfecture, le groupe rejoint Maisons-Alfort.
La pyramide inversée qui abrita jadis la société Pernod, fleuron de la production anisée tricolore dessinée en 1974 par Jean Willerval
Pique-nique sur les quais d’Alfortville au Port Anglais. Après la crue historique de 1910 la ville ne cesse d’investir pour contenir les crues.
Cette commune de 573 ha est blottie entre le Pont de Charenton, les fameux « Bords de Marne » , la voie ferrée PLM et les N5 et 19. Nous sommes dans les années 30 et la culture maraîchère nourrit la population de l’agglomération parisienne qui grossit au rythme de 5% par an ! Entre 1911 et 1931, elle gagne près de 1.300.000 habitants. La pénurie de logements atteindra son paroxysme fin des années 50. Mais déjà Maison-Alfort connait cette crise et de grands architectes dont André Dubreuil et Roger Hummel à qui l’on doit le square Dufourmontelle, classé aux Monuments Nationaux, ainsi que les Guyon, vont remodeler la ville en apportant des projets très novateurs entre immeubles collectifs à taille humaine et maisons-jardin.
Aujourd’hui le percement de la ligne 15 (Vers de Maison) a obligé de mettre ce square sous-haute surveillance et consolider les fondations. La commune voisine, Alfortville, va bien sûr aussi subir ces mutations démographiques au fil du temps. Son originalité repose toutefois sur sa forte immigration arménienne, l’un des plus importantes en France avec Lyon et Marseille. Après deux ou trois générations, la plupart des membres de la communauté sont nés en France. Mais la « Petite Arménie » a su garder toute sa cohésion en s’appuyant notamment sur ces églises et des écoles comme le collège franco-arménien Kévork- Arabian. Il suffit de pousser la porte de l’Eglise Apostolique et rencontrer le père Keledjian Dirayr.
L’église Apostolique de la « Petite Arménie »
Cet homme chaleureux et intarissable vous plonge dans l’histoire complexe de l’Arménie. Ces banlieues n’ont pas fini de surprendre le visiteur curieux. Ici et là les architectes ont laissé les marques de leur imagination. La MAPAD (Maison d’Accueil des Personnes Agées Dépendantes) et sa structure en hérisson, ses couleurs rouge et blanche tranchent dans ce paysage de pavillons et de petits immeubles sans surprise.
Avant de rejoindre les quais pour une mini-croisière jusqu’à Bercy, nous passons devant le Pont du Port Anglais. Cet ouvrage suspendu est la réplique réduite de celui de Brooklyn à New York !! Les randonnées périurbaines régulières organisées par le Voyage Métropolitain restent une incroyable source d’étonnement et un moyen de comprendre comment s’est développé la région, d’admirer ses délires et ses chef-d’œuvres architecturaux . Le futur est aujourd’hui à portée de ..pas du marcheur. Les soixante-trois nouvelles gares interconnectées créent de nouveaux pôles d’activités et bouleversent l’espace de la métropole, le Sentier du Grand Paris nous ouvrent désormais de nouveaux horizons.
Sources : Le Parisien, CAUE94, Journals.openedition.org
Randonnée périurbaine n°49, de Houilles à St Germain-en-Laye par Carrières-sur-Seine et la plaine de Montesson. Une balade minérale, , militante, végétale et historique.
Fin d’après-midi un dimanche d’automne, les participants de la 49e randonnée périurbaine organisée par le Voyage Métropolitain savourent les derniers rayons du soleil après avoir parcouru 17 km. Ils contemplent le panorama du haut de la terrasse du château de Saint-Germain-en Laye qui surplombe l’ouest parisien. Au loin émerge le quartier de la Défense alors que la Tour Eiffel joue à cache-cache devant le mont Valérien. La vue de la capitale sous cet angle est plutôt inhabituelle. Et bien que parisiens, tous s’amusent à en identifier les édifices les plus familiers. Etudiants, architectes, urbanistes profs, employés de bureau ou d’atelier, ils se sont retrouvés en gare de Houilles pour cette balade qui passa comme de coutume par des endroits parfois improbables. Ces marcheurs présentent un point commun : la curiosité de comprendre comment s’est développée l’agglomération au fil des décennies, ses enjeux et les luttes que se livrent souvent des acteurs aux intérêts difficilement conciliables face à l’urbanisation. Sur leur gauche, en contrebas, la plaine de Montesson qu’ils viennent de traverser puis vers la droite une tache de verdure, le Vésinet.
Un parcours de 9 km à la découverte du 93 en pleine mutation urbaine
Il a fallu que je fasse de la randonnée pour retourner, par le plus grand des hasards, dans la banlieue de mon adolescence. Lors d’une première sortie périurbaine à Sevran, organisée par l’association Voyage Métropolitain, j’avais déjà pu mesurer toute l’ampleur de la mutation du 9-3 : désindustrialisation généralisée, émergence du secteur tertiaire, réhabilitation de l’habitat, parfois bâclée, ou de sites d’usines, comme Kodak, et des projets les plus extravagants comme la construction d’une piscine à vagues !
Quelles pages de cette histoire ai-je donc ratées ? Un flash-back s’impose. Fin des sixties : ma famille quitte Asnières pour s’installer à La Courneuve en Seine-Saint-Denis. Sans nous prévenir, mon père avait acheté un appartement sur plan, rue de l’Abreuvoir. La surprise est totale, violente même ; nous allions bel et bien habiter à côté d’une ferme avec sa basse-cour, et des chevaux ! Le 93, c’était la cambrousse à moins de 10 km de Notre-Dame de Paris.
Le dragon était déjà à la Villette de la Cité des Sciences était déjà là dans les années 80
L’urbanisation débridée des Trente Glorieuses façonna très vite notre quartier en un univers de tours et de barres HLM. La cité des 4000 fut le point d’orgue de ce délire de l’époque, avec à la clef son lot de délinquance en tous genres. Le vaste Parc Paysager constitua alors la seule enclave de verdure où venait se détendre une population cosmopolite issue des générations d’immigrés successives. Les villes « rouges » de la seconde couronne francilienne faisaient encore de la résistance avant l’effondrement de l’URSS et du communisme. La Fête de l’Huma s’installa logiquement dans ce parc chaque automne et ne le quitta plus. Situé à deux pas de chez moi, j ‘y allais avec ma 125 participer au rassemblement moto de l’Elan où les vrais bikers campaient souvent dans la boue.
Briefing à Sevran. Les 60 participants découvrent les différents itinéraires des randos périurbaines en IDF
Pour sa 39e randonnée l’association Le Voyage Métropolitainproposait une immersion en Seine-Saint-Denis, plus précisément à Sevran et dans ses environs. « Qui connaît le territoire que nous allons visiter ? » A cette question posée lors du briefing, 90 % de la soixantaine de marcheurs répondit : pas du tout.
Un parcours de 19 km au départ de la gare de Sevran jusqu’à celle du Vert Galant
Pourtant, la majorité les participants à cette randonnée particulière vivent en Ile-de-France, dont beaucoup d’architectes, urbanistes, chercheurs, et d’autres travaillant dans l’événementiel. Ce paradoxe est symptomatique de l’isolement dans lequel sont plongés certains territoires autour des grandes villes.
F.Lellouch, dirigeant d’associations de riverains expose les problématiques urbaines de Sevran aux randonneurs
Ce nouveau type de randonnée dite « périurbaine » avait pour but de nous immerger dans Sevran et ses environs. Un choix qui n’était pas anodin. La ville a connu en effet par le passé des émeutes et d’importantes transformations urbaines. Qu’est-elle devenue aujourd’hui, comment change-t-elle ? Pour le savoir nous avons rendez-vous avec Faroui Lellouch, un des acteurs majeurs du monde associatif du secteur.