
Il y a toujours une rivière à suivre pour les randonneurs en quête de nature. Ils avaient débarqué de la capitale ce matin-là par un RER à la recherche de l’Orge, un affluent de l’Essonne oublié. Car au fil des ans le cours d’eau a perdu de sa vigueur de jadis tant les promoteurs-bétonneurs ont sévi. Il retrouve parfois son énergie perdue au gré d’une crue avant de revenir sagement dans un lit devenu si étroit qu’il disparaît dans le décor. Qu’importe, les randonneurs se lancent sur ses traces entre les lotissements de maisons Phoenix et leurs jardins au goût parfois douteux, les aires de jeux des cités, les zones commerciales et leurs parkings. Avec un peu de chance, ils le frôlent, mais très vite le perdent de vue lorsqu’ils s’engagent à travers champs.

L’Essonne ne cesse de s’urbaniser, de dévorer les terres. Nous sommes aux confins de l’Ile-de-France, une frontière imaginaire sur laquelle se heurte la validité du Pass Navigo SNCF. Au-delà de la zone 5 votre ticket n’est plus valable et il y a péril à défier les contrôleurs sans acheter un titre de transport complémentaire, hélas, inexistant ! Alors ils taillent la zone les randonneurs, de long en large, de gare à gare à la recherche d’un itinéraire aussi nouveau qu’improbable. Les baliseurs de la FFRP ont fait ici leur boulot afin que leur rando dominicale ne se transforme en errance. L’antique GR1 croise par endroit le fameux GR655. Les familières coquilles jaunes fleurissent partout au dessus des marques blanches et rouges. Le Camino mène tout droit à Saint-Jacques de Compostelle via Tours et Bordeaux, à 2 000 km. Les gîtes se sont multipliés dans les villages pour accueillir ces pèlerins ou les touristes parisiens en quête de calme. Indifférents ou presque, les chercheurs d’Orge n’ont qu’une journée et ne s’arrêtent pas, alternant bitume et

chemins de terre en bordure des plaines agricoles. A quelques centaines de mètres, les chasseurs canardent du lièvre et de la perdrix à deux pas des habitations malgré des panneaux de mise en garde omniprésents plantés par des riverains inquiets. Les randonneurs tendus croisent les doigts et sortent les gilets jaunes fluo pour éviter de se prendre du plomb dans l’aile. C’est la « Petite Beauce » et les bois de ce côté du 9-1 se font plutôt rares. Ici mieux vaut marcher à l’abri, ne pas « se faire du champ » les mois de cagnard, ou les mois d’hiver lorsqu’une brise glaciale balaye la steppe sans rencontrer le moindre obstacle. Avec un peu de chance les aventuriers de banlieue trouveront refuge dans l’une des belles églises qui parsèment la région ou sous le toit d’un lavoir providentiel. Difficile de dégoter désormais un bistrot ouvert le week-end. L’Orge s’est encore une fois bien cachée même si les panneaux indicateurs ne parlent que d’elle : Savigny-sur-Orge, Brétigny-sur-Orge, Villemoisson-sur-Orge, Juvisy-sur-Orge, Morsang-sur-Orge. Nos chercheurs devront attendre Dourdan pour enfin l’enjamber par un petit pont de bois et rejoindre la gare de la ville fière de son château et de son histoire. Une autre semaine, ils repartiront peut-être explorer les rives d’une rivière en voie de disparition comme l’Yvette ou la Bièvre.
Idée rando : 27 km de la gare d’Egly jusqu’à celle de Dourdan
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