Voilà plus de dix ans que l’association Le Voyage Métropolitain organise des randonnées d’exploration de l’Île-de-France. Ces périples « péri urbains » immergent les marcheurs dans les interstices de la ville, parcourent ses friches ; ils s’infiltrent dans les zones désaffectées, côtoient les vestiges d’un riche passé industriel, architectural ou agricole et bien sûr les nouvelles infrastructures de transport ou de circulation et les réalisations immobilières. Cette année, les organisateurs nous proposent de nous « ancrer » au boulevard périphérique parisien, le Périph’, de le suivre de part et d’autre, comme un fil rouge, en visitant les villes mitoyennes. La première étape allait de la Porte d’Ivry à Bagnolet. En balade sur le camino del Norte vers Compostelle, je n’ai pas pu y participer. Je vous invite donc à lire l’excellent récit de Miriam Panigel.
Flash back. le Périph’ est construit de 1956 à 1973 en grande partie sur la triste « Zone », bande de terrains bordant les anciennes fortifications qui fut annexée aux communes riveraines et rattachée à Paris. Dire que ce long ruban de 35 km « sans feu rouge » a bousculé le paysage est un euphémisme. Cet ouvrage a crée des conflits entre promoteurs et conservateurs du patrimoine, des nuisances aussi et les nouveaux projets de madame Hidalgo, mairesse de la Paris, n’ont pas fini d’alimenter les débats.
A cette « frontière » et ses alentours, se concentrent encore des flux de toutes natures, qu’ils soient humains, techniques ou énergétiques ; même si l’intra muros et l’extra muros se confondent désormais. Pour dresser l’inventaire des points remarquable du Périph’, Marion, architecte et une amie au volant, n’ont pas hésiter à le parcourir à petite vitesse en dessinant en temps réel les ouvrages qui attiraient leur attention. Ce croquis à main levée n’en est que plus admirable (et amusant !) Les randonneurs peuvent aussi suivre le GR75, ce sentier qui joue aussi à saute-mouton avec le Périph’ sans jamais le perdre de vue. Je l’ai bouclé en 3 tronçons (n°1, n°2, N°3) en y faisant des découvertes passionnantes.
Le Pré Saint-Gervais, un colline chargée d’histoire
La seconde étape de ce voyage au pays du Périph’ débuta donc à la Porte de Bagnolet, à deux pas de l’ immense centre commercial où Jens et Marion nous avaient donné rendez-vous.. Afin de faire le briefing de la journée , il fallut prendre de la hauteur pour retrouver le calme du parc des Guilands (et subir un bon grain). Nous sommes donc à l’Est de la capitale en direction d’Aubervilliers, l’occasion de découvrir la grande mosquée de Bagnolet , les tours Mercuriales en arrière-plan, de minuscules potagers improbables et un magnifique panorama sur Paris.
Nous quittons Bagnolet en direction du Pré- Saint-Gervais en prenant un sentier sur les hauteurs. En contre-bas, le Périph plonge vers la porte de Pantin avec son flot de voitures sur quatre voies. Le Pré Saint-Gervais domine la mégapole, nous y stoppons à l’Église Notre-Dame des Otages. Cette bâtisse en béton armé fut construite en 1936 en mémoire des 49 otages exécutés à cet endroit en 1871 lors de la guerre civile contre les Versaillais.
Malgré l’urbanisation, l’histoire peut jaillir du passé au coin d’une rue. Un curieux édifice émerge à peine du trottoir, on n’en voit que le toit . C’est le Regard du Morin des fameuses Sources du Nord qui nous transporte alors du Moyen-Age au XVIIe siècle. Il fait partie de ces constructions qui servaient à inspecter le débit de l’eau acheminée au Pré St Gervais, de l’ordre de 19 m3 par jour ! Nous croisons par hasard le gardien. Il nous ouvre la porte avec une énorme clef pour la visite.
La promenade se poursuit à un rythme lent, il y a tant à voir. Nous voici à la Cité-Jardin Henri Sellier, une construction de l’architecte Félix Dumail réalisée durant trois périodes distinctes entre 1927 et 1952 pour le compte de l’OPHBM de la Seine. L’évolution architecturale est flagrante. L’habitat du Pré St Gervais n’en finit pas de nous surprendre, comme la Villa du Pré, village de 200 maisons individuelles bordées d’un petit jardin, avec des allées de marronniers, et ce à deux pas de Paris !
Cette position géographique en hauteur fut idéale pour y enfouir le réservoir d’eau potable de la ville de Paris, un endroit très sécurisé, d’autant que la DGSE y est aussi présente. Les parisiens qui utilisent le Périph’ savent que les ondes radios sont souvent brouillées au passage du Pré Saint- Gervais ! Cette commune fut aussi choisie pour y construire l’hôpital Robert Debré, spécialisé en pédiatrie. L’ouvrage fut confié à l’architecte Pierre Rigoulet, une aventure qu’il retranscrit dans son livre « Naissance d’un hôpital » (1994) . Il n’y cache pas sa colère, sa révolte sur le choix du lieu à proximité de ce Périph’ très bruyant.
Il réalisa cependant un projet très novateur avec notamment une réflexion très aboutie sur les liaisons des divers lieux de vie. L’histoire du Pré Saint-Gervais mériterait tout un chapitre. Nous allons la clore par un événement qui se déroula le ici le 25 mai 1913. Une immense manifestation contre le vote de prolonger à trois ans le service militaire eut lieu dans la « zone » . Près de 150.000 personnes y affluèrent, 90 orateurs s’y succédèrent dont Jean Jaurès, journaliste alors pour l’Humanité. Sa verve, son discours pacifique dérangeant explique peut être son assassinat un an plus tard, à trois jours de la Première Guerre Mondiale.
Cette randonnée péri urbaine continua par un passage par Pantin, puis à la Ferme du Rail, sur l’ancienne Petite Ceinture. L’ancienne voie ferrée désaffectée est devenue un lieu de balade très agréable et chaque année de nouveaux tronçons sont ouverts au public. On doit cette réalisation à l’agence Grand 8. La Ferme du Rail fut en effet lauréate de l’Appel à Projets Urbains Innovants « Réinventer Paris », lancé en novembre 2014 par la Mairie de Paris.
Née du désir d’habitants et d’associations du quartier de voir grandir un lieu qui allie agriculture urbaine et solidarité, La Ferme du Rail vise l’insertion de personnes précarisées à qui elle fournit, sous l’impulsion de l’association Travail & Vie, une formation à des emplois adaptés, répondant aux besoins de la ville. Notre itinéraire traversa les bassins de La Villette afin de nous rendre au bord du canal de L’Ourcq devant le Centre National de la Danse, autre bâtiment emblématique des réhabilitations des bâtiments de l’Est parisien.


Avant de rejoindre Aubervilliers les explorateurs du Voyage Métropolitain firent une pause à la Cité fertile. Je les abandonnais afin de rejoindre le RER E. Cette seconde étape autour du Périph’ nous a permis de mesurer l’ampleur des mutations des communes limitrophes mais aussi l’impact environnemental et sociétal d’une rocade imaginée il y a soixante ans.






































Il est six heures du mat’ ce dimanche. Monsieur-météo de France Inter dresse un portrait apocalyptique de la journée : » pluie généralisée et rafales balayant un grand quart nord-ouest du pays le matin suivie de bourrasques et d’orages l’après-midi ». La vigilance Orange de 24 départements annoncée la veille se confirme. Je remonte la couette et mobilie quatre neurones pour évaluer la situation. Le sac à dos et le pique-nique sont prêts, l’idée de passer un dimanche enfermé me navre déjà. Mais je dois admettre que la rando programmée en forêt de l’Isle Adam dans la tempête relève à la fois du masochisme et de l’insconscience. Je textote à mon ami Michel lui annonçant que je ne suis plus de la partie en lui énonçant mon plan B : une nouvelle traversée de Paris option mousson mais en plus frais. Le rendez-vous est fixé à Montmartre, je quitte mon vaisseau du 6e étage de Bois-Co vers les 8 heures pour atteindre le sommet du 18e arrondissement à 10. Levallois, le fief Balkani, ressemble à une steppe des Balkans. Seuls des cadavres des fêtes passées donnent un air civilisé à l’avenue déserte qui mène à la place Clicly. Soudain tel un mirage , un bistrot ouvert apparait, de quoi prendre ma dose de caféïne.
Une famille de Chinois s’agite derrière le comptoir, l’éclairage frise le minimalisme, un client plus matinal que moi feuilllete sans conviction le Parisien dont une annonce la grand messe du candidat Fillon au Troca l’ après-midi. Vu la météo, je compatis d’avance avec ses sympathisants. Le Sacré Coeur pointe au loin dans un ciel plombé, les premières gouttes repeignent le trottoir en un mouchété gris et noir. Le vent se renforce, la douche s’annonce inévitable. Prévoyant, j’extirpe le sur-pantalon Vaude, fidèle, efficace compagnon de pluie de tous mes périples humides depuis des années. La veste ultralight Arc ‘Térix en a vu d’autres sur les chemins de Compostelle. Je peaufine les réglages de la capuche et gravis la rue Lepic qui mène à la place du Tertre. Les peintres ont disparu du décor, quelques rares touristes s’agluttinent dans les boutiques de souvenirs. C’est pas leur semaine de chance ! Panorama plombé, Paris étale toute sa démesure urbaine aux pieds des marches. Michel, armé d’un fragile parapluie malmemené par les bourrasques, me rejoint au Cadet de Gascone. Consommation rapide d’un chocolat et d’un café ponctuée d’une addition salée de 8,30€ !